La Guinée Française

Guinée française


La Guinée

Ministère de la France d’Outre-Mer
Agence des Colonies, 20, rue de la Boétie, Paris-8è. 1950. 22 p. IV pl.


Situation

Le nom de Guinée est fort ancien. Dès le XVe siècle il désignait toute la Côte occidentale d’Afrique, du Cap Vert au Gabon. La Guinée française ne comprend que la partie de cette côte située entre la Guinée portugaise au Nord, la Sierra Léone au Sud (entre le 9° et le 11° de latitude Nord). D’une superficie de 250.000 km2— environ la moitié de ]a France—elle est peuplée de plus de 2 millions d’habitants, soit une densité de 8,6 habitants au km2. Ses frontières sont délimitées au Nord par la Guinée portugaise et le Sénégal, au Nord et au Nord-Est par le Soudan, et au Sud par la Côte d’lvoire, la République du Libéria et la Sierra Léone. Sa côte aux estuaires larges et sûrs (Rio Componi, Rio Nunez, Mellacorée…) fut connue rapidement : les îles de Los, au large de Conakry, alors appelées les îles « dos Los Idolos » (Iles des Idoles), se retrouvent sur de très vieilles cartes. Ce pays riche, aux rivages d’un accès facile, devait attirer des commerçants audacieux: Anglais, Français, Portugais, et l’histoire de la colonisation en Guinée commence avec l’histoire du commerce sur la « côte des rivières » .

La terre et les hommes

I. — La terre

1. Le sol
a) Formation.

On peut distinguer schématiquement trois grandes périodes dans la formation géologique de l’Afrique Occidentale française.

  1. Le précambrien: deux séries de roches forment une pénéplaine dont les plus anciennes (archéen) sont des schistes cristallins. On les trouve au sud d’une ligne allant de Forécariah en Guinée à Ansongo sur le Niger central.
    La deuxième série est composée de schistes quartzites qui forment quelques taches en Guinée.
  2. Des dépôts, où les grès siliceux dominent, caractérisent le primaire. Ces placages qui appartiennent au silurien, continuent pendant le dévonien et une partie du carbonifère.
    On les trouve dans le Fouta-Djallon
  3. Dépôts des mers crétacées et tertiaires.

Le précambrien affleure en Guinée dans le massif de la Gambie et dans le massif libérien et s’étend jusqu’à Labé au Fouta-Djallon. Dans le massif libérien la pénéplaine précambrienne a été portée à plus de 1.000 m. et a été très découpée par l’érosion. Entre ces deux massifs, le plateau Mandingue au Nord, au centre le Fouta-Djallon et dans la région côtière le bassin à boowe sont des formations primaires.

Des éruptions de dolérites (Fouta-Djallon) ont marqué la fin du primaire. Les formations secondaires et tertiaires peu nombreuses en Guinée proviennent du bassin soudano-nigérien qui s’étendait jusqu’en Haute-Guinée : nous trouvons à Kindia des grés tertiaires.

Enfin, des formations alluviales peuvent atteindre des épaisseurs de 10 m. et même plus. En Haute-Guinée, en bordure des cours d’eau, les alluvions débutent par une couche de graviers qui surmontent des limons très fins.

b) Physionomie actuelle.

La Haute-Guinée continue la savane soudanaise. Des grès dominent dans le Fouta-Djallon avec des îlots de dolérites (Dalaba-Mamou) et des schistes (ardoisières de Labé et de Mali). Sur la côte nous marchons dans la boue : le poto-poto, sol alluvial caractéristique de la Guinée. En remontant les vallées, nous rencontrons une étendue de sols salés. Une fois débarrassés de leur sel el convenablement irrigués, ils peuvent porter de belles rizières.

La latérisation des sols caractérise la plus grande partie de la Guinée. Cette cuirasse latéritique (boowe) se rencontre en Moyenne-Guinée (à Boké-Goumbé, Gaoual, Télimélé, Kindia) au Nord de Conakry et en Haute-Guinée (Dabola, Kouroussa, Kankan, Siguiri et les Monts Nimba).

Elle recouvre :

  1. Les plateaux comme à Kindia
  2. Les zones basses qui sillonnent les plateaux : entre Dabola et Kouroussa ou près de Siguiri
  3. Enfin les pentes : les « boowe » de la Moyenne-Guinée.

Une telle formation est due à l’action des agents atmosphériques ; mises à nu par l’érosion, les roches silico-alumineuses sont décomposées en un mélange d’hydrate d’alumine et de fer : la latérite.

2. Relief

Les côtes de la Guinée française prolongent en bordure de l’Océan Atlantique celles de la Guinée portugaise jusqu’à la Sierra Léone, entre le 9° et le 11° de latitude Nord. Cette côte boueuse avec ses îles, ses presqu’îles et ses larges estuaires est le type de la côte à rias. C’est le pays des rivières :

  • Rio Componi
  • Rio Kapatchez
  • Rio Nunez
  • Rio Pongo
  • Konkouré
  • Mellacorée

Derrière, au pied du Fouta-Djallon, s’étend une plaine sur une longueur de 50 à 90 km. Elle se rétrécit au Nord-Est où apparaissent: le Mont Gangan, 1.100 m. près de Kindia, le Kakoulima, 1000 m., près de Conakry. Au Sud-Ouest une bande d’alluvions la constitue. De la Basse-Guinée on accède au Fouta-Djallon par un escalier de plateaux recouverts d’une herbe courte et d’îlots boisés : les boowe. Le Fouta-Djallon, ensemble de montagnes d’aspect chaotique aux ramifications très découpées, s’élève jusque vers 1.500 m. avec une arête Nord-Sud. Au Sud, des Hauts-Plateaux atteignent de 1.200 à 1.400 m. (Dalaba 1.200 m., Diaguissa 1.425 m., Mont Tinka 1.370 m.) puis l’altitude se maintient à 1.000 m. pendant environ 130 km. (Pita: 980 m., Labé: 1.030 m.) avec de larges émergences de l’ordre de 1.100 m. et quelquefois 1.200 m. (falaises au Sud de Bantignel). Au Nord, après la grande cassure de la vallée de la Komba, I’altitude s’élève jusqu’à Mali (Mont Loura: 1.515 m.). Cette région est caractérisée par de grandes arêtes montagneuses qui séparent des vallées resserrées et profondes.

Au Nord du Fouta-Djallon le plateau Mandingue se prolonge avec Siguiri et la plaine soudanaise, herbeuse, parsemée d’îlots de forêts.

Enfin, au Sud, au voisinage de la Sierra Léone, du Libéria et de la Côte d’Ivoire se dressent les massifs du Bintumé et du Mont Nimba (1.763 m.) qui forment avec des plateaux de 600 à 700 m. autour de Beyla, un nouveau château d’eau.

3. Climat

L’alternance de deux saisons : la saison sèche et la saison des pluies caractérise le climat qui présente de grandes variations suivant les régions et l’altitude.

La région côtière exposée directement aux vents du large, avec un arrière-pays formant écran, est très humide (4 m.10 et 150 jours de pluie). Les écarts de température ne dépassent pas 10° au maximum entre le mois de juillet, le plus frais, et le mois d’avril, le plus chaud. La température varie entre 22-25° minima et 28-32° maxima.

Au Fouta-Djallon, l’hivernage a lieu de mai à octobre. La saison sèche comprend les mois de décembre, janvier, février, mars qui sont très secs alors que des pluies faibles marquent les mois de novembre et avril. On relève en décembre de basses températures et en janvier 10 à 12° au lever du soleil (parfois 4 ou 6°) et 20 à 30° vers 13 heures. A partir de septembre jusqu’au début de la saison sèche, la température s’accroit : c’est en octobre qu’il fait le plus chaud.

Dans la Haute-Guinée qui prolonge la région soudanaise, la saison des pluies est encore plus courte qu’au Fouta-Djallon (1.700 mm. et 98 jours de pluie). On y observe des températures extrêmes de 18° minimum et 40° maximum

Dans la zone forestière, au Nord de la Sierra Léone et du Libéria, le climat est humide (2.300 mm. et 150 jours de pluie), et la température dépasse rarement 30°.

Pluviométrie en 1948

Circonscriptions 1948 Moyenne Différence Cultures
Hauteur en mm. Nombre de jours Hauteur en mm. Nombre de jours Hauteur Nombre de jours
Conakry 4.778,2 161 4.293,3 150 468,6 11
Basse-Guinée 2.655,5 112 2.976,3 120 320.8 Bananes, Ananas, Palmiers à huile, Riz
Haute-Guinée 1.741,8 98 1.577,0 100 164,8 Arachides, riz
Moyenne-Guinée 1.838,0 113 1.339,0 115 101 Agrumes , Fonio
Région forestière 2.270,0 150 2.308,8 155 29,8 Palmiers à huile Café
4. L’eau

Deux châteaux d’eau : le Fouta-Djallon et les Monts Nimba d’où jaillissent toutes les rivières de la Guinée et des fleuves comme la Gambie, le Sénégal et le Niger, déterminent le réseau hydrographique.

Le Fouta-Djallon se présente comme un enchevêtrement de ruisseaux, de rivières et de sources. Des ruptures de pentes (jusqu’à 200 et même 300 m.) offrent un spectacle unique de chutes libres comme celles de Ditinn, de l’Oury ou de cañons profonds coupés de nombreuses cascades comme celles du Kinkon et de la Sala. Un exhaussement récent a rendu leur jeunesse aux rivières guinéennes et plus particulièrement à celles de la côte qui empiètent sur le bassin du Niger, et déplacent vers l’intérieur la ligne de partage des eaux. Elles prennent trois directions : l’Océan, le Bassin du Niger et le Bassin du Sénégal, 1. Vers l’Océan

  • la Gambie, alimentée par la Djima, la Oundou,
  • la Komba (Rio Grande) nourrie par
    • la Ouésséguélé
    • le Bantala
    • la Tominé,
  • le Kogon
  • la Fatala (Rio Pongo)
  • le Konkouré, accru par
    • la Kakrima
    • le Kokoulo
  • les deux Scarcies prennent leur source dans le Sud du Fouta-Djallon et traversent la Sierra Léone :
    • la Kaba à l’Est
    • la Kolenté à l’Ouest.
2. Vers le Niger
  • le Tinkisso
3. Vers le Sénégal
  • la Falémé
  • le Bafing (Sénégal)
  • le Bakoy

Les rivières issues des Monts Nimba coulent vers le Niger (Milo et Sankarani), ou vers l’Océan (à travers le Libéria).

La Guinée n’offre pas de grandes voies navigables. Les cours d’eau sont coupés de rapides ou présentent un cours tourmenté, comme celui du Konkouré, à la suite de nombreuses diaclases et sans doute de captures. Le Niger et son affluent le Milo sont navigables quand ils abordent le plateau soudanais, le premier à Kouroussa, le second à Kankan. Les fleuves côtiers ne permettent la navigation que sur de faibles portions :

  • Rio Nunez de l’océan à Victoria et Boké (56 km. environ)
  • Rio Pongo de l’océan à Boffa (20 km. environ)
  • Rio Kassali (affluent du Kapatchez) de son confluent jusqu’à Kolo (20 km.)
  • Rivière Dubréka de l’océan à Dubréka (25 km.)
  • le Rio Konkouré de l’océan à Ouassou (50 km.)
  • Rivière Forécariah de l’océan à Forécariah (20 km.)
  • Rivière Méllacorée de l’océan à Benty (25 km.).

5. La flore

Le paysage guinéen rappelle la savane soudanaise, mais annonce également la forêt équatoriale : la brousse claire se fait de plus en plus herbeuse et touffue tandis que la forêt-galerie apparaît le long des cours d’eau. Les zones de végétation correspondent aux quatre zones climatiques étudiées précédemment :

1. Climat guinéen maritime (le littoral). C’est la région des plaines fertiles et marécageuses, des palmeraies et des palétuviers qui plongent leurs racines jusque dans la mer. Des taillis sont bien souvent les seuls témoins d’anciennes forêts.
2. Le climat guinéen foutanien (Fouta-Djallon). La forêt dense de montagne que l’humidité du climat devait favoriser a presque disparu aujourd’hui. A partir de 1.200 m. les espèces montagnardes constituent une flore particulière: prairies au gazon court, avec des bouquets d’arbres ; Koura (parinari excelsa) au feuillage pâle et à la silhouette élégante qui portent des baies de la taille d’une grosse prune dont la pulpe sucrée est très appréciée du Foula ; fougère-aigles celles-là même que nous trouvons dans nos bois de Normandie ; orangers qui atteignent parfois 15 mètres de hauteur et produisent jusqu’à une tonne de fruits (introduits entre le XVe et le XVIe siècle par les Portugais, abandonnés à eux-mêmes ils fructifient et forment une flore sub-spontanée). Ces espèces contribuent à donner au Fouta-Djallon, que l’on surnomme souvent Jura, Morvan ou Suisse Africaine, un aspect de paysage européen. Mais ne nous y trompons pas, ce n’est là que l’image d’une vallée, d’une clairière ou d’un versant : la latérite recouvre malheureusement de grands espaces. Le Fouta-Djallon nourrit difficilement une population dense.
3. Climat soudano-guinéen. Les pluies moins importantes ne favorisent guère le développement de la forêt : la savane où se mêlent des baobabs et des bouquets de raphia ne lui cède la place que le long des fleuves.
4. Climat guinéen forestier. Au nord du Sierra Léone et du Libéria, la forêt dense, humide, à feuilles persistantes, annonce celle de la Côte d’Ivoire ; elle recouvre les Monts Ziama et la partie occidentale de la chaîne des Monts Nimba où vient d’être créée une réserve nationale intégrale.

Caractérisent la Guinée française les espèces suivantes :

  • le palmier à huile (eloeis guinéensis)
  • les khayas ou cailcédrats (khayas ivorensis) dans les forêts-galeries
  • les kapoks
  • les fromagers
  • les caféiers sauvages
  • les grandes lianes à caoutchouc
  • l’arbre à kola: de grandeur moyenne, il a l’aspect de notre châtaignier. La noix de kola qui renferme de la caféine est très appréciée en Afrique et fait l’objet d’un commerce important

6. La faune

Zone de transition entre la savane du Soudan et la forêt de la Côte d’lvoire, la Guinée est aussi le lieu de rencontre de la faune du Soudan et de celle de la Côte d’Ivoire. En effet, vers le Haut-Niger et plus particulièrement dans la vallée de Tinkisso, les espèces soudanaises dominent : fauves, éléphants, hippopotames, antilopes comme le grand élan d’Afrique. Au contraire, vers N’Zérékoré la panthère, l’éléphant de forêt, l’hippopotame nain du Libéria, les sangliers noirs et rouges annoncent la faune de la forêt libérienne. La Guinée est le pays des oiseaux. Le Docteur Gromier dans son livre « La Faune en Guinée » nous fait participer à ses découvertes successives et à son émerveillement :

de tous côtés, les oiseaux prennent leur plumage de noce et égayent le paysage car la Guinée est leur paradis . » C’est l’ignocolore avec sa collerette rouge autour d’une tête noire de jais, la grive prelios au chant sonore et clair, l’évêque de juida au « ventre d’un blanc pur qui tranche sur l’ensemble du plumage dont les reflets métalliques changent suivant l’incidence et vont du violet mordoré au violet pourpre et même au vieux rose » , la veuve dominicaine blanche et noire, l’alouette dorée, le moineau africain, les pigeons de Guinée qui vivent par couple à côté des villages, les vautours, le milan, l’aigle couronné, l’aigle huppard…

Mais c’est aussi le pays des singes : les colobes, singes arboricoles aux magnifiques camails blancs et noirs, les chimpanzés, les baboins…
Parmi les autres espèces, nous trouvons :

  • Insectes : abeilles (Fouta-Djallon surtout), les tsés-tsés.
  • Amphibiens
    • apodes
    • amphibiens dépourvus de membres que l’on rencontre dans les lieux très humides : l’hypogeophis séraphini, espèce de Haute-Guinée
    • Crapauds : un crapaud vivipare, le Nectophrynoïdés occidentalis découvert récemment dans les hautes prairies du Mont Nimba et dont on ne rencontre d’autres espèces proches qu’en Afrique orientale…
    • Reptiles : crocodiles, lézards, pythons, vipères : la Bilis gabonica, énorme vipère qui peut atteindre 1 m. 80 de longueur, des petites vipères grises (les Causus).
    • Mammifères : des rongeurs comme les énormes rats de Gambie (Cricetomys jusqu’à 30 cm. de longueur), les écureuils en zone forestière; des ongulés: buffles, hippopotames; des antilopes tels que les guibs et les kibs sing-sing (kobus defasa onctuosus) l’éléphant de forêt… des carnivores: la panthère, l’hyène tachetée.

II. — Les Hommes

1. Occupation du sol

La première richesse d’un territoire est sa population. La colonisation se fait par l’autochtone et se justifie par l’amélioration de son sort. Aussi importe-t-il de savoir où nous pouvons le trouver. Comment se présente la répartition des hommes en Guinée ?

La densité de population (environ 2.170.000 Africains en 1949) de 8,6 au km2 est relativement forte pour l’A.O.F. (seuls le Dahomey et la Haute-Volta présentent des densités supérieures), mais elle diffère selon les régions :

  1. La zone côtière bénéficie de l’action conjuguée de deux facteurs : l’eau et le sol qui favorisent un fort groupement humain (densité supérieure à 20 h. au km2). Alors que le poto-poto forme une croûte noire avec une couche superficielle de sel dans les régions à longue saison sèche, l’humidité du climat le rend fertile. Des estuaires envasés, après défrichement de la mangrove peuvent être aménagés en rizières. La terre prend alors toute sa valeur et les villages aux cases rondes s’alignent le long de cordons sableux incultes, vestiges d’anciens rivages.
  2. Entre la côte et le Fouta-Djallon le boowal (plateaux latéritiques) offre un terrain peu favorable à la végétation et à la vie : la densité de la population est faible.
  3. Par contre le Fouta-Djallon qui continue le boowal étonne par sa forte densité (jusqu’à 50 h. au km2). Des villages aux cases rondes ou rectangulaires (témoignage de la coexistence de races différentes) avec une mosquée au centre, la misiide, et surtout des hameaux très dispersés caractérisent le mode d’habitat de cette région Le facteur humain peut seul expliquer ce phénomène : les 750 000 habitants du Fouta-Djallon comprenaient 300.000 captifs, descendants d’esclaves, prise de guerre opérée par les Peul.
    Véritable citadelle, le Fouta-Djallon s’est engorgé au détriment des régions voisines. D’autre part, les Peul méfiants, indépendants (les villages sont le plus souvent habités par les Dialonkés, les métis) fuient les agglomérations et se dispersent dans une infinité de hameaux de culture
  4. Les hommes de la Haute-Guinée se souviennent encore des razzias de Samory et la haute savane propice à l’embuscade est un facteur d’insécurité. Pourtant, les rives du Niger ou du Sénégal, convenablement aménagées, pourraient nourrir une population plus importante (densité actuelle: supérieure à 5 h. au km2).
  5. La forte densité de la zone forestière, surtout en pays Kissien, étonne aussi. Sans doute s’agit-il des tribus refoulées par les conquérants qui descendaient de la savane et qui n’ont trouvé d’abri qu’à la lisière forestière.

2. Races et croyances

La Guinée a connu de nombreuses invasions qui conduisirent soit à l’anéantissement ou au refoulement des premiers occupants, soit à un mélange de peuples. Ces faits historiques rendent délicates les recherches ethnographiques.

Certaines races sont d’origine soudanaise comme les Malinké, d’autres, des refoulés subguinéens, se rattachent au moins en partie aux populations du Soudan. Les Foula forment un îlot au milieu de ces différents peuples.

  1. Les Malinké
    Originaires d’une région située entre la Haute-Guinée et Bamako, ils ont finalement atteint le Fouta-Djallon. Un moment décimée par les razzias de Samory, cette race prolifique forme encore la majorité de la population en Haute-Guinée : 400.000 dont :

    • 102.000 à Beyla
    • 126.000 à Kankan
    • 60.000 à Kouroussa
    • 80.000 à Siguiri.

    De grande taille avec des cheveux crépus, des pommettes fortes, un nez large, ce sont des Mandigues qui ont conservé assez purs les caractères originels de leur race.
    Les hommes sont vêtus d’une pièce d’étoffe passée entre les jambes et les femmes d’un pagne. Les plus aisés portent le boubou. La plupart se sont convertis à l’islamisme, tout en conservant leurs croyances et certaines pratiques magiques.

  2. Refoulés subguinéens
    Des races d’origine soudanaise; au moins partielle, occupent la région côtière. Ce sont :

    • Les Soussou
      D’une taille élevée, maigres mais alertes, avec des lèvres épaisses mais non enflées. Les hommes portent le boubou et comme coiffure la grecque brodée en velours noir ou en toile blanche. Les femmes sont vêtues d’un pagne et aiment particulièrement les bracelets en métal, les ceintures en perles ou en graines.
      Hâbleurs et procéduriers, ils palabrent sans fin dans les villages.
    • Les Nalou
      Les caractères négritiques sont plus accusés chez eux que chez les Soussous. Commerçants dans l’âme, ils ont servi d’intermédiaires entre l’Européen et l’autochtone.
    • Les Baga et les Landouman
      Les hommes grands, musclés, aux cheveux crépus sont tatoués et se rasent la tête par place. Vêtus d’un boubou, ils ornent leurs oreilles d’un morceau de jonc et leur nez d’un anneau de cuivre. Les jeunes filles portent une ceinture de paille et des colliers. Mariées, elles se rasent la tête.
      Leur religion consiste en un syncrétisme de préceptes coraniques et de rites fétichistes.
  3. Foula
    Vraisemblablement d’origine sémitique, ils ont refoulé presque tous les autochtones. A coté des Foula, des Dialonké, des Mandingues, de nombreux métis et les Coniagui forment la population du Fouta-Djallon
    On les désigne sous le nom de Peul, Foula ou Pullo (au pluriel Foulbe), mais il s’agit d’un type physique très métissé dont les caractères originels sont: une peau relativement claire, des membres sveltes, des cheveux souples généralement nattés, des lèvres minces, un nez légèrement busqué.
    Les Foula se vêtent d’une culotte qui s’arrête aux genoux et d’un boubou blanc ou bleu. Les femmes portent le voile blanc. De nature méfiante, ils fuient les villages qui sont le plus souvent habités par des métis et des mandingues. Leur ferveur religieuse les rassemble cependant chaque vendredi au centre du village, à la misiide.
  4. Races de la zone forestière
    Les Toma et les Kissi ont été refoulés vers la zone forestière; par contre, les Guerzé en seraient les autochtones. Les premiers, de taille moyenne, robustes, sont surtout des chasseurs. Ils portent une bande de coton passée entre les jambes, un pagne court ou la culotte, avec le boubou surtout chez les Kissi qui sont aussi de bons agriculteurs (exploitation de l’arbre à cola, palmier à huile, coton). Ils croient à un créateur que les Guerzé appellent Yala, les Toma Galä et les Kissi Hallä (sans doute Allah des musulmans. Il y aurait là une influence Malinké). L’âme est immortelle et les esprits des morts protègent les parents encore vivants. En contre-partie, ces derniers leur doivent des sacrifices: animaux et même autrefois des sacrifices humains pratiqués par les Guerzé. Chaque famille a son totem qui représente un animal dont elle ne peut pas manger la chair.
    Ces trois groupes ethniques se répartissent ainsi:

    • environ 140.000 Kissi (Kissidougou et Guéckédou)
    • 115.000 Guerzé (surtout sur N’Zérékoré)
    • 80.000 Toma sur Macenta.

3. Organisation politique et sociale

Deux grands empires féodaux ont, à des époques différentes, étendu leur-souveraineté sur une partie de la Guinée : l’empire de Mali ou empire mandingue parvint, au sommet de son apogée entre les XIe et XVIIe siècles, à soumettre toute la Haute-Guinée. L’Empire Peul du Fouta-Djallon eut pour capitale Timbo et comme centre religieux Fougoumba.
Des rois ou des chefs locaux, tel le roi des Landouman, régnaient sur les autres territoires de la Guinée. L’anarchie qui engendra les pillages, la chasse à l’homme, organisée par les négriers du XVIe au XVIIe siècles, cristallisèrent l’organisation politique et sociale de ces peuples.
Une structure patriarcale reste à la base de cette organisation. La cellule mère, la famille, comprend non seulement les femmes et les enfants, mais les serfs et les affranchis. L’autorité des chefs de villages et de cantons s’exerce sur l’ensemble de la population par l’intermédiaire des chefs de famille.
Cependant, le pays Fouta était autrefois divisé en fiefs (diiwe). Un lien personnel liait les vassaux aux suzerains : pour ces hommes qui se souvenaient de leur passé de nomades, le village n’était pas une unité territoriale. Chaque individu possédait un statut différent suivant qu’il était un homme libre, un affranchi, un esclave ou un artisan. Ces derniers étaient répartis en castes.

4. Economie traditionnelle

a) Le paysan

L’emploi de la houe et la pratique du feu de brousse caractérisent l’agriculture indigène : il n’y a pas de culture sans feu car il faut défricher et, d’autre part, les cendres fertilisent le sol. Il n’y a pas d’élevage sans feu : les rosées pendant la saison sèche font apparaître sur les terrains brûlés, une petite herbe qui permet au bétail d’attendre le printemps Et il n’est pas d’habitation sans feu : la végétation envahit tout, les fauves viennent rôder et les villages risquent de brûler si la savane est toute proche. Or, à la suite de ces incendies et du déboisement, la latérite s’implante définitivement et la zone cultivable diminue progressivement.
L’économie africaine est une économie familiale. c’est donc sous cet angle que nous l’étudierons ; le chef de famille doit pourvoir à différents besoins : alimentation (culture et élevage), vêtements (textiles).

1. Cultures vivrières.

Le riz trouve des conditions favorables dans les plaines de la région côtière, de la vallée du Niger et de ses affluents. C’est, avec le mil, un élément nécessaire à l’alimentation. Il est cultivé même en Haute-Guinée où les rendements de riz de montagne sont médiocres. Le paysan noir pratique alors la culture intercalaire, soit avec les arachides et le sésame, soit, dans le Fouta-Djallon, avec le fonio.
Le fonio, graminée que l’on trouve surtout au Fouta-Djallon et dans la région montagneuse, ne craint pas les grandes pluies et n’exige pas un sol riche. Sa production atteint chaque année environ 10.000 tonnes qui sont consommées sur place.
Les oléagineux sont représentés par l’arachide (2.100 tonnes d’arachides de bouche exportées sur le Sénégal), et surtout par le palmier à huile. Ce dernier croit spontanément le long du littoral et en zone forestière. La fabrication de l’huile est une industrie familiale. On l’extrait soit de la pulpe du fruit (huile de palme), soit de l’amande (huile de palmiste). La production d’huile de palme est d’environ 10.000 tonnes.
Les Kissi, Toma et Guerzé tirent leurs ressources de l’arbre à cola. Les colatiers produisent deux récoltes par an, l’une abondante du 15 octobre à fin décembre, l’autre médiocre en mai, juin, parfois juillet. L’approvisionnement régulier des marchés du Soudan pose donc un double problème de conservation et de transport et donne lieu à d’importantes transactions. Les exportations atteignent de 5 à 6.000 tonnes de noix . Le miel dans la région de Labé et Mamou, au coeur du Fouta-Djallon, fournit un appoint ainsi que quelques produits de cueillettes comme la baie sucrée du Kurahi, à l’alimentation des Foula (3.000 tonnes de miel ont été exportées en 1948).

2. Elevage.

Le paysan noir ignore l’attelage. L’élevage ne procure que viande, produits laitiers, peaux, mais n’a aucun rapport avec l’agriculture. Alors qu’en France on compte 28 boeufs au km2 et 0,4 par habitant, en Guinée, la proportion est de 2 boeufs au km2 et moins de 0,3 par habitant. Une statistique exacte est difficile à établir dans un pays où les troupeaux sont toujours en déplacement et où les éleveurs veulent échapper à la taxe sur le bétail. Compte tenu de ces facteurs, on peut estimer le cheptel bovin à 500.000 têtes, les caprins et ovins à 270.000, les porcs à 6.000.
Le bétail n’est pas réparti de façon uniforme : le Fouta-Djallon, et par son climat et par les aptitudes des Foula, est une zone très favorable à l’élevage malgré la pauvreté de son sol. Les boeufs N’Dama sont de petite taille. La femelle donne un lait riche en caséine et en matières grasses, mais peu abondant. Ce sont de bons animaux de boucherie et leur cuir est estimé. Malheureusement la peste bovine, la péripneumonie, le charbon. ont fait des ravages dans ces troupeaux. Les services vétérinaires s’efforcent de lutter contre les maladies infectieuses, la sous-alimentation et de sélectionner les races.

3. Textiles.

Quelques champs de coton permettent aux familles de trouver le fil nécessaire à leurs cotonnades : c’est ainsi que les Guerzé fabriquent un tissu en bandes de 10 à 15 cm.
Le guama qui croît à l’état spontané sur les bords des petits marigots affluents du Niger, du Milo, du Sankarani est utilisé pour faire des cordes et couvrir les toits. Sa fibre longue d’un blanc jaunâtre, est résistante.

b) L’artisan.

Les métiers se continuent d’habitude de père en fils. Enfermés dans les castes, ce sont chez les Malinké : les noumous ou forgerons, les garankés ou cordonniers, les tisserands.
Le forgeron extrait le fer. Pour cela, il construit des fours cylindro-coniques dont l’extrémité supérieure sert de cheminée. Un trou à la base permet de recueillir le fer et de multiples ouvertures ont été percées pour introduire le minerai. Il le travaille ainsi que le bois et l’or et fabrique la houe du cultivateur, la hache du bûcheron, la lance du guerrier, les bijoux de la femme.
L’industrie de la poterie est exercée par les femmes de la caste des forgerons. La vannerie est aussi un travail de femme. Au Fouta-Djallon, celles-ci confectionnent des éventails, des paniers, des corbeilles, avec une herbe appelée daago

c) Le mineur.

L’or est connu en Guinée depuis des siècles. Dans la région de Siguiri des gisements alluvionnaires sont exploités encore maintenant à peu près uniquement par l’autochtone (seule la Compagnie de la Gambie Falémé extrait par dragage les sables aurifères du Tinkisso). Douze mille mineurs et 100.000 originaires des régions voisines qui retournent dans leur pays dès que la saison des cultures commence, vivent de cette richesse (3.000) kg. environ ces dernières années, soit la moitié de la production de l’Union Française). Les mineurs percent des puits qui atteignent parfois 10 mètres pour traverser la couche latéritique. Les hommes assurent l’exploitation, les femmes Ie triage et le lavage.

La présence française devait transformer l’économie traditionnelle de la Guinée, d’une part en améliorant les méthodes de culture ou d’exploitation (riz, palmiste…), et l’élevage, d’autre part en introduisant des nouvelles espèces (bananes, ananas, tabac, quinquina..)

La présence française

I. — Etablissement et organisation

1. Etablissement de la France en Guinée

Dès la seconde moitié du XIVe siècle, des voiliers dieppois découvraient la « cote des rivières » ou « cote des graines » . Des compagnies privilégiées s’y établissaient et, le 3 septembre 1783, le traité de Versailles, en lui rendant le Sénégal, étendait l’influence française sur la région des rivières du Sud et reconnaissait aux sujets français le droit de fréquenter les côtes de la Guinée « selon l’usage qui avait lieu précédemment » . Les relations commerciales s’intensifièrent au commencement du XIXe siècle qui vit la fin du privilège des grandes compagnies. C’est alors le début du deuxième stade de pénétration: les voyages, les explorations et les missions.
En 1818, Mollien reconnaissait les sources de la Gambie et du Sénégal: parti de Saint-Louis-du Sénégal, il pénètre au Fouta-Djalon, gagne Timbo, capitale d’un puissant empire musulman. En 1827, René Caillé, venant de Boké, traverse le Fouta et atteint Tombouctou.

Conventions et traités passés avec les chefs indigènes marqueront une troisième étape. Ces conventions ne furent pas toujours respectées et la France dut recourir à une action de force. Mais celle-ci fut toujours conciliée avec le souci de réaliser des progrès humains : ainsi fut prohibée la traite des esclaves.

La côte, le Fouta-Djallon et la Haute-Guinée allaient être successivement organisés. En avril 1838, la goélette De Fine, à la suite du pillage de quelques comptoirs français par le roi des Landouman, remonte le Rio Nunez. Les conventions du 10 janvier et du 6 décembre 1840 avec celui-ci garantissent le libre exercice du commerce français et interdisent le négoce des esclaves. En 1845, des traités analogues sont conclus avec les chefs de la Méllacorée et les tribus Nalou, du Rio Nunez. Le 5 avril 1849, tout le Nunez reconnaissait la souveraineté de la France. Au Fouta-Djallon, les explorations d’Hecquard en 1850 et de Lambert en 1856 devaient préparer le traité passé par la mission Bayol-Noirot, le 14 juillet 1881, avec l’Almami du Fouta-Djallon

Enfin des colonnes venues du Soudan par Kouroussa et Siguiri allaient soumettre la Haute-Guinée

Tout en poursuivant cette pénétration, la France organisait le nouveau territoire. En 1859, était installé à Gorée un commandant particulier pour le pays des rivières. Un décret du 12 octobre 1882 érigeait celui-ci en colonie sous la dépendance du Sénégal. Un lieutenant-gouverneur y était détaché.

Un moment troublée par les incursions de Samory en 1889-1893, la présence française devait s’affirmer d’une façon définitive et sans effusion de sang.
Alors put commencer l’organisation de la Colonie. Aucun port ne la desservait et tout le trafic passait par Freetown. Le gouverneur Ballay fit de Conakry un port important, source d’une nouvelle prospérité pour le commerce guinéen. En 1913, le rail atteignait Kankan, établissant ainsi la liaison avec le Soudan. Le Conakry-Niger était la seconde grande étape dans le développement économique de la colonie.
Le maintien de la France en Guinée reçut sa consécration intégrale par le traité du 8 avril 1904, négocié par Delcassé, qui prévoyait la cession à la France des Iles de Los : les exigences de l’Entente Cordiale entraînaient ainsi une trêve dans la lutte d’influence séculaire qui opposait en Afrique, Français et Anglais.

2. Organisation administrative et judiciaire

Fidèle a sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge a la liberté de s’administrer eux-mêmes au sein de l’Union française « et de gérer démocratiquement leurs propres affaires » (préambule de la Constitution). Elle a donc organisé la participation des autochtones la gestion du territoire (conseil général) et elle a proclame le droit à la justice pour tous (suppression de la justice indigène en matière pénale), tout en respectant les institutions traditionnelles (citoyens français de statut personnel).

a) Organisation politique et administrative.

Territoire de la Fédération de l’Afrique Occidentale Française, la Guinée est divisée en vingt cercles dont le dernier, celui de Dalaba, a été créé en 1949. Trois localités ont été érigées en communes mixtes :

  • Kankan (13.650 h.)
  • Kindia (11.130 h.)
  • Conakry qui, avec sa banlieue, atteint actuellement 40.000 habitants.

Le budget de cette dernière commune pour 1949 était de l’ordre de 24 millions
Un Gouverneur assisté d’un Secrétaire général et d’un Conseil privé, qui a remplacé l’ancien Conseil d’administration, est à la tête du territoire. Représentant la population auprès du Gouverneur, le Conseil général participe à l’administration et vote le budget.

Le Conseil général. — Les conseillers généraux sont élus pour cinq ans et rééligibles au scrutin de liste majoritaire à deux tours et par deux collèges: citoyens de statut personnel et citoyens de droit français (article 7 de la Constitution, décret du 25 octobre 1946. Ils tiennent deux sessions dont l’une est consacrée au budget. Ils sont consultés en certaines matières : concessions de permis de recherches minières, régime domanial, plan d’équipement… D’autre part, ils prennent des délibérations, les unes définitives et exécutoires, sauf annulation : lorsqu’elles se rapportent à la gestion des propriétés du territoire, l’exploitation des services publics, les emprunts, I’assistance sociale, les bourses d’enseignement ; les autres soumises à l’approbation par décret en Conseil d’Etat quand elles concernent l’assiette et les règles de perception des impôts, les taxes…

Le budget. — Le Gouverneur présente le budget que le Conseil général vote chapitre par chapitre (loi du 9 mai 1946). Le budget du territoire supporte les dépenses de certains travaux neufs et d’entretien, celles des exploitations industrielles qu’il gère et des administrations de caractère régional (service d’hygiène, enseignement primaire…)

Comme recette, il perçoit les impôts directs ; impôts sur les biens, sur les patentes, les licences, sur les bénéfices industriels et commerciaux, traitements et salaires… Le budget général de l’A.O.F. accorde des subventions et attribue aussi des ristournes sur certaines recettes. Pour le budget de 1949, la Guinée a reçu une ristourne de 132 millions et une subvention de 46.161.000 fr.

Le premier budget de la Guinée en 1859 était de 180.000 francs ; en 1938, de plus de 69 millions; en 1942, de 116 millions et d’environ 245 millions C.F.A. en 1946.

La représentation de la Guinée. — 5 conseillers élus pour 5 ans par le Conseil général et choisis dans son sein représentent la Guinée au Grand Conseil de l’A.O.F. créé par la loi du 20 août 1947. 2 députés et 2 sénateurs assurent sa représentation au sein du Parlement de la République Française. D’autre part, elle désigne 4 conseillers de l’Union Française qui siègent à Versailles.

b) Organisation judiciaire

Proclamant le droit à la justice pour tous ; mais respectant cependant les institutions traditionnelles, la France a du créer dans les territoires d’outre-mer deux ordres judiciaires :

Le droit à la justice est reconnu à tous. — Un tribunal de Première instance siège à Conakry. Ses règles de compétences sont presque les mêmes que celles des tribunaux de la Métropole. Par contre, des textes spéciaux régissent la Cour d’Assises. Elle est composée du président de la Cour d’Appel ou du vice-président ou d’un conseiller assiste-de deux magistrats de 1ère instance et de quatre assesseurs. En attendant la mise en place d’un appareil judiciaire définitif, nécessaire après la suppression de la justice indigène en matière pénale, un décret du 9 novembre 1946 a autorisé le Haut-Commissaire en A.O.F. à créer des justices de paix à attributions correctionnelles limitées tenues par des citoyens. Ces derniers sont designés sur la proposition du chef du service judiciaire. Quinze justices de paix à compétence correctionnelle existent donc actuellement en Guinée. Des juridictions de droit français qui auront entière compétence doivent les remplacer avant le 31 décembre 1951. Il existe en outre une justice de paix à compétence étendue à Macenta. D’autre part, le Tribunal de 1re Instance statue sur tous les litiges qui seraient dans la Métropole, du domaine des tribunaux de commerce et des conseils de prud’hommes.

Les institutions traditionnelles sont respectées. — En matière civile et commerciale, il existe des juridictions particulières pour les citoyens de statut personnel. Outre la conciliation exercée par le chef de village selon la coutume, des tribunaux de premier degré peuvent tenir des audiences foraines. Les juridictions du second degré siègent au chef-lieu de chaque cercle que coiffe un tribunal d’appel a Conakry. Ce dernier est composé du président du Tribunal de 1re Instance, de deux administrateurs et de deux notables indigènes. Le procureur de la république près le Tribunal de 1re Instance remplit les fonctions du ministère public.

Equipement

1. Equipement sanitaire

Assistance médicale

Le budget local et le budget fédéral supportent les dépenses du service de santé. En 1940, 216 millions de francs C.F.A. ont été consacrés à cet effet au budget général. La Guinée pour ses dépenses propres avait inscrit un crédit de plus de 13 millions. Les buts poursuivis par l’assistance médicale sont tout d’abord de lutter contre la mortalité infantile par l’éducation des mères, de diffuser des principes essentiels de puériculture et de combattre la mortalité des adultes par le dépistage des maladies contagieuses, la recherche des foyers d’épidémie, les vaccinations et la diffusion de notions d’hygiène.

A la base de cette organisation se trouve la circonscription sanitaire et médicale correspondant généralement a la circonscription administrative avec, à sa tete, des médecins européens chefs de dispensaires et, au chef-lieu du territoire, un hôpital de service général, un magasin d’approvisionnements sanitaires (matériel et pharmacie) et des groupes mobiles d’hygiène polyvalents pour lutter contre les foyers endémiques dès leur apparition. Des centres médicaux, des dispensaires, des maternités complètent cette organisation qui s’articule ainsi :

  • 1 hôpital de 106 lits européens et 200 lits africains et une maternité de 15 lits européens et de 45 lits africains à Conakry. Des travaux sont actuellement en cours pour moderniser et agrandir le dispensaire et créer un bloc opératoire à l’hôpital Ballay. D’autre part, sur les crédits du plan Fides de 1949-50, on prévoit la construction d’un hôpital pour 700 malades dans la presqu’île de Kaloum.

En 1948, la Guinée possédait :

  • 24 centres médicaux avec 397 lits africains.
  • 15 maternités rattachées à des formations sanitaires avec 153 lits indigènes.
  • 25 hypnoseries avec 2.000 lits africains.
  • 1 asile d’aliénés à Conakry avec 12 lits africains.
  • 1 lazaret à Conakry avec 10 lits européens et 40 lits africains.
  • 1 centre de convalescents à Dalaba (Fouta-Djallon

En 1948 et 1949, les travaux publics ont construit :

  • 8 maternités (dont 3 préfabriquées
  • 7 dispensaires (dont 1 préfabriqué)
  • 7 pavillons d’hospitalisation (dont 4 préfabriqués).
  • 4 salles d’opération, cabinets dentaires, bloc opératoire.
  • 1 centre d’hygiène mobile complet comprenant 22 bâtiments.
Institut Pasteur de Kindia

Dès 1914, Calmette songeait a créer un centre d’études permettant l’utilisation des singes en médecine expérimentale. Les pourparlers engagés entre l’Institut Pasteur et les autorités administratives de l’A.O.F. devaient aboutir en 1922 à la création de l’Institut Pasteur de Kindia.

Cet Institut poursuit trois buts :

  • La préparation de serums et de vaccins.
  • L’étude des maladies virulentes et parasitaires des animaux.
  • L’élevage des singes (approvisionnement des laboratoires de recherche).

Il assure également les examens demandes par les services locaux : analyses bactériologiques, analyses d’eau… Il prépare les vaccins antivarioliques (lors de la coupure avec la France [sous le régime pro-nazi de Vichy], il a pu approvisionner l’A.O.F., l’A.E.F., le Togo et le Cameroun), le vaccin antituberculeux destiné a la vaccination des nouveaux-nés de Guinée.

2. Equipement intellectuel et moral

a) Enseignement.

Les services de l’enseignement comprennent un enseignement du premier degré (enseignement primaire), du second degré et enfin des écoles techniques. Les écoles rurales donnent l’enseignement primaire élémentaire. On y cherche surtout à former de bons artisans et a permettre à ceux qui veulent poursuivre leurs études d’acquérir une instruction générale moyenne.

104 écoles et 269 classes (13.475 élèves) distribuent l’enseignement primaire public. Les effectifs de l’enseignement privé sont de 1.877 élèves (13 écoles, 38 classes). Un plan d’équipement triennal prévoit, pour la première tranche, la création de groupes scolaires à Sanguina, Timbi-Touni, Yende-Millimou, Tomandou, Conakry. Le dernier groupe sera construit dans le quartier de Boulbinet. Il comprendra six classes, une salle de conférences, un dispensaire scolaire, un terrain de sport. Dès 1948, 12 nouvelles écoles de villages avaient été créées el 21 classes dans des écoles. L’augmentation des dépenses de l’enseignement public montre l’effort que poursuit la Guinée :

  • 3.699.000 francs au budget local en 1941.
  • 10.645.000 francs en 1946.

L’ enseignement du second degré est donné à Conakry dans un collège moderne de filles et un collège classique et moderne de garçons, dans les cours normaux de garçons de Popodara (Labé), Kankan et Boké

b) La formation professionnelle

L’école technique Georges-Poiret forme à Conakry des forgerons, des menuisiers, des mécaniciens. Une nouvelle section (électricité) fonctionne depuis 1949.
D’autre part, un collège en construction dans la banlieue de Conakry, près du village de Camayenne, donnera un enseignement technique du second degré.
A côté de ces écoles, on a créé des centres d’apprentissage ou de formation accélérée ; un chantier d’apprentissage du bâtiment à Conakry ; un autre centre va être aménagé dans l’île de Tamara. La centrale électrique de Conakry forme des monteurs. Le chemin de fer du Conakry-Niger vient d’inaugurer un centre d’apprentissage pour cheminots.
L’enseignement agricole est assuré dans une ferme-école à Kaffima et à l’école d’agriculture de Tolo (Mamou).
Entre 1948 et 1949, les travaux publics ont construit :

  • 30 écoles primaires ordinaires comportant 75 classes
  • 4 écoles primaires préfabriquées
  • 1 groupe scolaire complet
  • 12 classes isolées
  • 3 écoles techniques ou agricoles
  • 2 internats
  • 2 ateliers d’apprentissage
c) L’Institut français d’Afrique Noire-Guinée

L’I.F.A.N.-Guinée a crée en 1944 un centre dans la presqu’île de Boulbinet. Son but est de rassembler une documentation sur le territoire, son histoire, sa formation, ses ressources, ses habitants.

Une publication : Etudes guinéennes, diffuse ses résultats. Le centre possède :

  • une bibliothèque
  • une collection botanique et zoologique
  • un laboratoire
  • un jardin botanique.
d) Les missions.

Le progrès moral va de pair avec le progrès matériel. Missionnaires protestants et catholiques poursuivent une oeuvre éducatrice et sociale qui s’impose. A coté des missions protestantes (anglicanes sur la côte et presbytérienne américaine à l’intérieur on peut citer la préfecture apostolique de N’Zérékoré (Pères Blancs et Soeurs Blanches) qui, en 1945 avaient 600 élèves et ont soigne 62.000 malades dans leurs dispensaires, le vicariat apostolique de la Guinée française (Congrégation du Saint-Esprit) qui, en 1945, avait créé 15 écoles primaires avec 1.500 élèves, 3 écoles professionnelles de 140 élèves, 10 orphelinats avec 1.100 enfants et 5 dispensaires (30.000 malades soignés).

3. Equipement agricole

Il doit être envisagé sous deux angles : la diffusion du crédit agricole et la recherche agronomique.

a) Le crédit agricole.

Une caisse centrale à Conakry dispense toutes les catégories de prêts à cours moyen et long terme, individuels ou collectifs. Peuvent bénéficier de ces prêts : les sociétés indigènes de prévoyance, les associations agricoles, les sociétés d’assurance et de réassurances mutuelles agricoles, les colons, les agriculteurs et éleveurs.

b) Les stations agricoles.
  • Tolo (près de Mamou) : école d’agriculture, cultures vivrières
  • Bordo (en Haute-Guinée) station expérimentale du riz
  • Kankan : arachides, mil, riz, essais régionaux
  • Siguiri : centre de culture mécanique du riz
  • Camayenne (près de Conakry) : jardins d’essai, fruits.
  • Kindia: agrumes, station remise à l’Institut des fruits et agrumes coloniaux de Foulaya (I.F.A.C.)
  • Macenta : ferme-ecole, caféier, tabac, cultures vivrières
  • Sérédou : station expérimentale du quinquina laboratoire de chimie et de génétique, café, thé

4. Les communications

a) Le chemin de fer de Conakry au Niger.

Le projet fut approuvé en 1900, le train atteignait Kindia en 1904 (154 km.), Kouroussa en 1910 et, après la mise en place des ponts qui franchissent le Niger et le Niandan, la dernière section : Kouroussa-Kankan, était achevée en 1913 et ouverte à l’exploitation le 6 août 1914. La construction de ce chemin de fer à voie métrique avait coûté à l’époque 59.500.000 francs, soit environ 100.000 francs le kilomètre.

La Région du Conakry-Nier possède 59 machines. Elle utilisait des locomotives « Mallet » qui sont progressivement remplacées par des machines du type « Mikado » . D’autre part, il est prévu l’achat de 3 autorails, 40 gares, des ateliers, 3 dépôts de locomotives (Conakry-, Mamou, Kankan) forment l’équipement de ce réseau. Le trafic porte surtout sur les bananes (acheminement par trains spéciaux de la région de Kindia sur Conakry), les palmistes et l’huile de palme en provenance de la région de Kankan, le riz, le miel…

En 1947, le trafic marchandise a été de 18 millions de tonnes/kilomètres.

En 1948, le trafic marchandise a été de 30 millions de tonnes/kilomètres. Pour les cinq premiers mois de 1949, il a été de 21, millions de tonnes/kilomètres, ce qui correspondrait environ à 40 millions de tonnes/kilomètres pour 1949.

b) La route.

Le réseau routier de la Guinée comprend plus de 1.000 kilomètres de routes permanentes et 7.600 kilomètres de routes saisonnières. De Conakry, plus exactement du noeud routier de Manea, partent trois grands itinéraires :

  • Conakry, Manea, Kindia, Kankan, N’Zérékoré (pont de Sokotoro sur la rivière Bafing).
  • Conakry, Manea, Forécariah, Benty
  • Conakry, Manea, Dubréka, Boffa, Boké
  • Dans le Fouta, signalons la route Mamou, Dalaba, Labé.

En deux ans, 1.500 kilomètres de routes nouvelles et 1.500 kilomètres de ponts définitifs ont été construits. Parmi ces travaux, il convient de signaler le pont de Sokotoro sur la rivière Bafing (route Conakry-Kankan) inauguré le 14 août 1949 et le pont de Kankan d’une longueur totale de 350 mètres qui franchit le Milo.

Pourtant ce réseau ne suffit pas pour résoudre les problèmes que pose l’évacuation de la production bananière, de la production de palmistes et les relations avec les territoires britanniques voisins et le Liberia. Aussi le plan d’équipement pour les années 1947-1957 prévoit-il l’amélioration et l’aménagement des itinéraires suivants :

  • La route Kankan-N’Zérékoré-Danané desservant toute la région de Haute-Guinée et amenant les produits de cette région soit vers Kankan et Conakry, soit vers N’Zérékoré et le Libéria.
  • Les routes Macenta-Konsankoro Macenta-Guéckédou et Macenta-N’Zérékoré amenant soit vers Kankan et Conakry, soit N’Zérékoré et le Libéria, les produits de la région de Macenta.
  • Les routes Kissidougou-Faranah-Mamou, Guéckédou-Kissidougou-Kankan et Faranah-Dabola affluent à la grande artère Kankan-Conakry.
  • La route N’Zérékoré-Diecké vers Genta sur la route Saniquelly-Monrovia. Cette route permet l’évacuation vers le port de Monrovia des produits de la Guinée forestière qui, actuellement, ne peuvent être évacués par Conakry.
  • La route Guéckédou par la Sierra Leone recommandée a la conférence franco-britannique des communications.
  • La route Koundara-Labé-Mamou qui relie la Guinée au Sénégal.
  • Les routes Coyah-Forécariah-Moussaya et Dubréka-Boffa-Boké drainant les produits de la région côtière (bananes en particulier) vers le port de Conakry. La route Forécariah-Moussaya dessert en outre le gisement de minerais de fer de Yomboeli.
  • Routes Kankan-Siguiri-Soudan et Kankan-Soudan (vers Bougouni) affluent au chemin de fer et assurent une liaison entre les régions routières du Soudan et de la Guinée.
Ouvrages
  • Sur l’itinéraire Kankan-Siguiri : le pont de Dielibakoro sur le Niger.
  • Sur l’itinéraire Koundara-Labé : le pont sur la Komba (suppression de tout bac sur ce tracé).
  • Sur la route Coyah-Forecariah-Moussaya : le pont de Forécariah.
  • Sur la route Boffa-Boké : le pont sur le Bourouma.
  • Sur la route Faranah-Dabola : le pont de Balandougou sur le Niger.
  • Sur la route Macenta-Konsankoro : le pont sur le Milo.
c) Les ports

La Guinée possède de nombreux ports situés à l’embouchure de ses rivières. Ce sont :

  • le port de Victoria sur le Rio Nunez
  • celui de Boké (le plus ancien et fréquenté depuis le XVe siècle par les Portugais)
  • le port de Boffa sur le Rio Pongo (à 20 km. de l’embouchure)
  • le port de Forécariah
  • le port Benty sur la Mellacorée
  • le port de Dubréka…

Ils sont généralement équipés d’un wharf qui permet l’accostage de cotres et de chalands auto-moteurs. De tous ces ports secondaires qui ont vu leur trafic disparaître au profit de Conakry, celui de Benty est susceptible d’un nouveau développement. Il peut, d’une part, évacuer la production bananière de l’arrière-pays et il se trouve, d’autre part, à 60 kilomètres du bassin minier de Yomboeli. Le balisage de la Mellacorée vient d’être refait ; un wharf définitif permettant l’accostage direct à quai des navires bananiers est en cours d’étude.

Jusqu’en 1929, Conakry ne possédait qu’un wharf en bois long de 280 mètres avec un unique poste pour des navires de 6 à 7 mètres de tirant d’eau. On entreprit donc la construction d’un quai de 300 mètres permettant à des navires de 8 m. de tirant d’eau d’accoster, des dragages et le remplacement du vieux wharf par un appontement en béton armé. Une digue de plus de 1 kilomètre de longueur protégea le port contre la houle du N.-O. et, en 1931, une usine assurant l’énergie électrique au port et à la ville était édifiée.

Cependant, avec la reprise d’un trafic normal le nombre de postes à quai est insuffisant. De plus, l’exploitation de la presqu’île du Kaloum exige la création d’un port minier. Il est donc prévu la construction d’un quai minier de 300 mètres, d’un quatrième poste à quai pour longs courriers qui sera suivi ultérieurement d’un cinquième, de digue pour abriter le futur quai et enfin des dragages. Dès maintenant, le port a reçu un équipement mécanique : grues sur pneumatiques, lift-trucks, engins de chargement mobiles qui éviteront le transbordement des marchandises à bout de bras.

Le port de Conakry reçoit du charbon, du ciment, des combustibles liquides, des engrais, des produits manufactures… Il exporte des bananes et des agrumes, des palmistes, du miel, des noix de cola. En 1910, le trafic était de 60.000 tonnes, il était tombé pendant la guerre à 13.000 tonnes en 1918, en 1925 il atteignait 49.000 tonnes ; en 1938 : 184.000 tonnes. La coupure pendant la guerre 1939-1945 fit retomber le trafic à 38.000 tonnes en 1943. Il s’est redressé à 147.000 tonnes en 1947.

d) Les terrains d’aviation.

Conakry possède à 10 kilomètres de la ville un champ d’aviation avec deux pistes en dur, l’une de 1.150 m. sur 50 m. et l’autre de 1.100 m. sur 50 m. Une centrale électrique qui vient d’être inaugurée récemment, une station de radio et de balisage qui doit être terminée à la fin de 1949, en font un terrain moderne.

La Guinée poursuit l’équipement de terrains de moindre importance : Labé (dessert Dalaba) et Kankan (escale pour le Soudan).

III. — Les ressources

1. L’agriculture

La colonisation française a poursuivi un double but :

  • d’une part améliorer les cultures traditionnelles et augmenter leur rendement, tout en adaptant les méthodes modernes à l’organisation coutumière ;
  • introduire d’autre part des espèces nouvelles qui donnent une physionomie toute différente à l’économie de la Guinée. Mais ces espèces, destinées à l’exportation, sont généralement cultivées par l’Européen.
a) Amélioration de l’économie traditionnelle
Le riz

On évalue la production de la Guinée à environ 180.000 à 200.000 tonnes de riz par an, 25.000 tonnes seulement sont commercialisées officiellement, le reste est réservé à la consommation locale ou échappe au marche officiel. Or, le riz de montagne, cultive suivant la méthode primitive des brûlis est d’un rendement très faible. Il importait d’introduire des variétés plus productives et d’utiliser les terres alluvionnaires des plaines et vallées. Des études techniques ont donc été poursuivies dans les fermes expérimentales de Tolo au Fouta et de Bordo en Haute-Guinée et a Siguiri.

Parallèlement a ces travaux deux méthodes ont été appliquées : aménagement des casiers rizicoles dans les plaines au moyen de digues qui pouvaient être réalisées facilement par la main-d’oeuvre locale et démonstrations de cultures mécaniques.

C’est ainsi que fut aménagé dans le cercle de Boffa le casier rizicole de Monchon qui couvre 2.000 ha. L’autochtone suivit cet exemple. Citons l’île de Kaback qui fournit son riz à Conakry, l’aménagement de la rizière de Dubréka. Un gros effort a été fait dans la région de Siguiri où les vallées des affluents du Niger ont été équipées de 40 ouvrages principaux et 200 secondaires. 13.000 ha. ont pu être ainsi cultivés en rizières. La recherche d’aménagements simples a permis de réduire le coût des travaux nécessaires à la transformation de 100 ha. pour l’intérieur à environ 2 millions et demi, et à 3 millions de francs pour les plaines littorales.

Le centre de Siguiri a expérimenté des méthodes de culture mécanique : après avoir formé des chauffeurs, la section pilote a labouré 2.500 ha. La population intéressée par ces travaux est d’environ 10.000 habitants et possédait 150 paires de boeuf. Elle n’aurait pu en se consacrant uniquement à cette activité que préparer 1.000 ha. ; en prenant un rendement minimum de 800 kg/ha de paddy, on peut estimer que 1.200 tonnes sont venues grossir la récolte de ces villages.

Mais ce procédé de culture n’est possible qu’en abandonnant l’exploitation familiale pour une exploitation collective. Elle pourrait être employée pour de nouvelles terres à riz : on compte qu’il est possible d’aménager en Guinée 130.000 ha. de casiers rizicoles à relativement peu de frais.

On peut espérer aboutir par l’aménagement rationnel des plaines à augmenter le niveau de vie de la population et par la mécanisation dans des secteurs où l’économie traditionnelle ne s’y oppose pas, à faire de la Guinée le grenier a riz de l’Afrique.

Le palmiste

Produit de cueillette, l’extraction de l’huile de palme fait l’objet d’une industrie familiale. Les efforts ont été poursuivis dans trois directions :

  1. Diminution des frais de transport pour permettre au producteur de toucher une part plus grande sur la vente. Problème important pour la zone forestière où l’ouverture de la route de Monrovia a permis une forte augmentation de la production (N’Zérékoré). Une route Faranah-Mamou financée par le F.I.D.E.S. où l’ouverture d’une voie d’accès vers Freetown permettrait un développement de cette exploitation dans la région de Guéckédou et de Kissidougou.
  2. Le traitement mécanique des produits : un ouvrier ou une ouvrière habile traite 4 à 5 kg. d’amandes par jour un moto-concasseur traite 800 kg. de noix soit 100 à 250 kg. d’amandes. Les sociétés de prévoyance indigènes ont donc fait l’acquisition de moto-concasseurs 14 à Boké, 11 à N’Zérékoré, 4 à
  3. L’amélioration du peuplement : îlots de valeur isolés et débroussaillés au milieu des palmeraies; pépinières avec des palmiers sélectionnés.

L’essence d’orange et les agrumes §

C’est là un exemple parfait d’une intervention européenne qui a élevé le niveau de vie des habitants sans bouleverser la structure traditionnelle et sans détruire les sols par des méthodes intensives. Les villages foula sont entourés d’orangers qui contribuaient à la nourriture des habitants. On enseigna a l’autochtone l’extraction de l’essence d’orange douce et on lui acheta ce produit. La Guinée devenait ainsi en 1938 le plus gros exportateur d’essence d’oranges, et les populations foula bénéficiaient de ces revenus supplémentaires. 400.000 citrus greffés existent dans des plantations nouvelles. La Guinée exporte des oranges et des citrons qui rappellent ceux de Menton (France).

L’élevage

Le troupeau de bovins comprend 500.000 bêtes, la plupart au Fouta-Djallon, les autres en Haute-Guinée (Kankan, Siguiri, Beyla). Mais le Peul est davantage un pasteur qu’un éleveur. Il est rarement au fait des notions les plus élémentaires en matière d’élevage.

Le service de l’élevage a donc dû :

  1. Lutter contre les maladies infectieuses : la peste bovine est en régression et les vaccinations anticharbonneuses ont été réalisées sur une grande échelle. Des expériences pour le traitement de la trypanosomiase sont actuellement en cours à Labé.
  2. Améliorer la race : l’éleveur se soucie en premier lieu de la quantité, aussi la sélection est-elle difficile. Certaines sociétés indigènes de prévoyance ont acheté de jeunes taureaux. Enfin des expériences de croisement des races tarentaires et N’Dama ont donné d’excellents résultats.
  3. Améliorer l’alimentation du bétail : le centre d’élevage de Mamou a réussi des essais concluants de prairies de plantes fourragères nouvelles (boutures de Kikovou) et de prairies artificielles irriguées. Les essais appliqués sur une grande échelle permettraient à la Guinée de posséder des pacages permanents et supprimeraient la transhumance pendant la saison sèche.

b) Introduction d’espèces nouvelles

La banane.

Teissonnier introduisit en 1897 les premiers plants en provenance du Muséum de Paris qui donnèrent naissance à la variété dite camayenne. Puis en 1899 des plants des Canaries furent transportés. L’aire de culture est comprise dans le triangle Boffa, Benty, Mamou et se repartit en trois régions :

  1. Boffa, Dubréka, Coyah, Madiné, Bereyire, Samaya, Forécariah, Benty
  2. Friguiagbe, Kindia, Kolenté, Kilissi, Sougueta
  3. Mamou-Konkouré

En général, ces plantations bordent la route ou la voie ferrée. En effet, une évacuation rapide conditionne la production. Destinée à l’exportation cette culture ne s’est pas développée tant que des navires spéciaux ne purent toucher régulièrement Conakry : les messageries soutenaient que le fret n’était pas suffisant pour créer de nouvelles lignes et les planteurs ne pouvaient augmenter leur production s’ils n’avaient pas l’assurance de l’écouler. Après l’intervention de l’administration et la création de la Compagnie des Transports Maritimes de l’A.O.F., le problème de l’évacuation fut résolu. Les compagnies privées comprirent quelles ressources pouvait leur procurer ce nouveau fret.

Malgré la guerre, grâce à la fabrication de bananes séchées et à des subventions distribuées par le Fond de la banane, les plantations purent subsister. Dès la reprise des transports, les tonnages exportés augmentèrent et le plan de développement prévoit une production accrue dans un proche avenir. Mais déjà une nouvelle difficulté se pose. Cette progression ne se constate pas uniquement pour la Guinée, mais pour les autres territoires français. La production totale était en 1947 de 83.373 tonnes et elle atteignait 158.681 tonnes en 1948. Pour 1949, les prévisions sont de 210.000 tonnes, dont 50.000 pour la Guinée. Or, ces 210.000 tonnes correspondraient exactement à la consommation française pour cette année.
Un nouvel accroissement n’est donc possible qu’en développant la consommation française ou en cherchant de nouveaux débouchés : Allemagne, Italie, Scandinavie. La banane de Guinée devra soutenir la concurrence de la banane étrangère. Or, les cours quai-wagons départ Marseille sont plus élevés en moyenne que ceux de Londres. Toute augmentation de la production suppose donc une baisse du coût.

D’autre part, le marché français est très souvent engorgé aux mois de décembre, janvier, février. C’est ainsi qu’une brusque chute des tours fin 1948 a provoqué une nette d’environ dix francs C.F.A. par kilo pour la moyenne des planteurs qui, dans ces conditions, préférèrent ne pas exporter. Il importe donc de repartir la production sur toute l’année.

Ces deux conditions : (i) abaisser le prix de revient tout en recherchant la qualité, (ii) étaler la production durant toute l’année, commandent des méthodes modernes : l’amélioration du rendement, des moyens de transport plus rapides et mieux adaptés. Or, la Guinée possède environ 3.300 ha. de plantations avec un rendement moyen exportable de 16 à 17 tonnes à l’ha. alors qu’un rendement de 30 et même 40 tonnes peut être atteint.

Pour cela, l’administration a entrepris une double tâche : éduquer le planteur indigène (avant-guerre 3,7 % des exportations — actuellement les plantations indigènes représentent 15 % de la production totale) par la création des coopératives africaines et réglementer la production bananière (arrêté local-n° 2.017 du 7 août 1948).

L’ananas

La culture de l’ananas vient de connaître un développement récent. Il existait en 1939 quelques plantations bien équipées : à Kouria et Manéah (30 ha.), à Benty (20 ha.) et d’autres de très faibles étendues. En 1942, la superficie plantée était de 170 ha en 1949 de 250 ha. Actuellement, on peut l’évaluer à plus de 400 ha. dont 350 ha. sont ainsi repartis : Benty, 100 ha.; Dubréka et Forécariah, 100 ha. et Kindia, 150 ha.

L’exportation d’ananas frais est passée de 10 tonnes en 1918, a 66,6 tonnes en 1938 et à 637 tonnes en 1947. Cette culture qui est orientée vers l’exportation des fruits frais va connaître un nouveau développement à la suite de la création d’une industrie de transformation. En effet, les planteurs font deux récoltes, l’une très importante (75 % de la production) de février à avril et de mai à juin ; et l’autre, très faible, en novembre. Or, la pointe de récolte de juin coïncide avec l’arrivée sur le marché européen des fruits rouges : l’ananas est d’un transport délicat et son prix s’en ressent. Il subit donc fortement la concurrence des agrumes européens. La fabrication des conserves assurerait un écoulement non plus au moment des pointes de la production, mais en fonction des demandes des consommateurs. Le traitement industriel permettrait d’augmenter notablement la superficie des plantations et d’absorber les fruits qui ne peuvent être exportés frais.

Il existe déjà une installation industrielle à Conakry. Actuellement la C.O.P.R.O.A. poursuit trois buts :

  1. Réaliser une usine pilote à Maneah (jus d’ananas).
  2. Réaliser une usine de grosse production pour 1950 : les bâtiments ont été commences en janvier 1949.
  3. Provoquer l’extension de la culture en améliorant la technique.

Le tabac

Des 1910 il était institué une commission permanente ayant pour objet de rechercher les moyens de développer la culture du tabac aux colonies et de renseigner les planteurs coloniaux sur les méthodes de culture. Elle prévoyait que la Guinée était susceptible de produire des tabacs légers. Or, ces échantillons envoyés en 1921 et 1924 ont montré qu’il était possible de préparer avec le tabac de Guinée du scaferlatti, mais aussi de faire des capes de ninas et de londrecitos.

En 1924, la S.O.C.O.T.A.B. était autorisée à prospecter la Guinée : elle fournit des graines aux cultivateurs, les conseille pour les méthodes de culture et achète le tabac suivant des cours fixés par l’administration. C’est actuellement une culture familiale qui n’a pas d’aire bien délimitée. Cependant la Haute-Guinée et la région forestière paraissent plus particulièrement désignées : l’altitude est favorable et elles se trouvent à cheval sur la zone des tabacs blonds et des tabacs bruns délimitée en gros par le 10° parallèle nord.

La production présente des variations importantes dues au manque de personnel et d’encadrement qualifié : la relève du personnel en place ayant été faite après la libération du territoire français dans de mauvaises conditions, la production qui était de 75 tonnes en 1943-1944, est tombée à 10 tonnes en 1946-1947, 15 tonnes en 1947-1948. La récolte de 1949 s’annonce bonne.

Le café

Le caféier sauvage existe en Guinée dans la région du Rio Nunez (stenaphylla), dans le Fouta-Djallon (Canephora), et dans la zone forestière (Canephora et Liberia). Les premières plantations de la région côtière étaient fort anciennes (avant 1870). Mais elles disparurent et la culture du café fut à nouveau introduite entre 1900 et 1910. La station de Seredou a créé, en 1947, outre son champ d’essai de la variété arabica, deux champs de robusta et d’assikasso. Ces semences permettront le remplacement des plantations de valeur médiocre et la culture du robusta en Guinée forestière. En 1932, les exportations de café étaient de 3 tonnes ; elles atteignaient 955 tonnes en 1939. Après une chute de la production en 1946, la Guinée exportait 1.600 tonnes de café en 1948.

c) Possibilités d’avenir

La Guinée pourra se tourner vers de nouvelles activités agricoles : le Quinquina, le thé, le mûrier, et une industrie serecicole

Le quinquina

La station expérimentale de Seredou cultive actuellement 100 ha. Des prospections laissent entrevoir des possibilités de mettre en valeur 1.000 ha. dans le massif du Ziama. Le plan fédéral prévoit l’aménagement de 400 ha. qui procurerait à l’A.O.F. 50 tonnes par an de sulfate de quinine et la possibilité de traiter ses paludéens en trouvant déjà sur place une partie importante de la quinine nécessaire.

Le thé

La station de Seredou a introduit des graines de théier provenant du jardin Chevalier (Fouta-Djallon). Or, le cercle de Macenta (zone forestière) possède les conditions climatiques requises pour la culture du thé. D’autre part des sols à une altitude de 900 mètres conviennent parfaitement. Seul, le problème de la main-d’oeuvre reste plus difficile à résoudre.

Essais d’une industrie serecicole

La Compagnie africaine des plantes à parfums a réussi l’acclimatation des mûriers dans le Fouta-Djallon afin d’y introduire l’élevage du ver à soie. La station serecicole d’Ales (France) poursuit actuellement des essais d’acclimatation.

2. L’industrie

a) Recherches de matières premières

Les ressources de la Guinée en matières premières sont très variées : depuis les guanos de l’îlot d’Alcatraz (à la hauteur du rio Kandiafare — cercle de Boké), dont on évalue les réserves à plus de 25.000 tonnes, aux diamants de Beyla, en passant par le fer, la bauxite, l’or, le manganèse, et le graphite de la région forestière. Les prospections effectuées depuis quelques années ont permis de mettre à jour des gisements importants de fer, de bauxite et de diamants. D’autre part, une mission de géologues effectue pour le compte du Gouvernement Général la prospection de la Chaîne du Niandan-Banié qui borde à l’ouest le bassin aurifère de Siguiri (or filonien).

Le fer

L’altération des roches par des eaux-de pluies chaudes et abondantes produit une couche de bauxite si la roche primitive était acide ou de latérite ferrugineuse si elle était basique. Aussi les gisements en Guinée se rencontrent-ils dans des structures géologiques d’âges très différents. Les gisements de fer découverts sont :

  • gisements de Kafou à 4 km. au nord de Gaoual.
  • gisements de magnétite au sud-est de Télimelé.
  • gisements de magnétite dans les cercles de Beyla et N’Zérékoré.
  • gisements de Yomboeli (cercle de Forécariah) : les échantillons recueillis ont donné des teneurs de fer supérieures à 50 % et même à 64 %. Ce minerai ne renferme ni chrome, ni nickel, dont la présence dans ceux de la presqu’île de Kaloum rend plus difficile l’utilisation. L’exploitation à ciel ouvert à proximité du port de Benty (60 km. à vol d’oiseau) rend ces gisements particulièrement intéressants.
  • gisement de la presqu’île de Kaloum, d’une teneur moyenne de 50 % de fer, il s’étend sur 35 km. de longueur jusqu’aux monts Kaloulima et sur 4 à 6 km. de largeur environ. Des essais satisfaisants avec de la minette de Lorraine ont été tentés en 1939. De nouveaux essais dans les hauts fourneaux eu Angleterre ont montré qu’il était utilisable jusqu’a 25 % dans la composition de la charge. L’exploitation à ciel ouvert, l’importance des gisements, et la proximité du port de Conakry vont lui permettre de soutenir facilement la concurrence des meilleurs gisements nord-africains ou étrangers. L’extraction pourrait atteindre 3 millions de tonnes par an.

La bauxite.

Les prospections ont déterminé trois zones principales :

  1. Le gisement des îles de Los où les travaux ont déjà commencé. Une exploitation très mécanisée avec de grosses pelles Diesel permettrait en Six mois d’exporter 500.000 tonnes de minerai déshydraté. Un appontement de 3 00 m. pour l’accostage des grands cargos est en cours de construction.
  2. Le gisement de la région nord de Boké, actuellement prospecté par la Compagnie des Bauxites du Midi.
  3. Le gisement de Dabola prospecté par la Société Péchiney.

Le diamant

La Société Guinéenne de recherches et d’exploitations minières extrait le diamant des mines de Fénéria (cercle de Kissidougou), de Keredou (cercle de Beyla) et de Boura (Macenta). L’extraction commencée en 1930 a atteint 80.000 carats en 1945. Au moment de la hausse des palmistes cette Compagnie eut des difficultés pour trouver de la main-d’oeuvre et la production tomba en 1948 à 50.000 carats. Pour 1949, on peut l’estimer à 65.000 carats. Ce gisement comporte une forte proportion de pierres de joaillerie.

L’or filonien

L’exploitation des placers alluvionnaires de Siguiri est actuellement entre les mains des autochtones dont l’administration a reconnu les droits coutumiers. L’importance de ces gisements alluvionnaires a conduit une mission de géologues à en rechercher l’origine : trois systèmes filoniens viennent d’être découverts dans la chaîne de Niandan-Banie qui borde à l’ouest le bassin aurifère de Siguiri.

b) Recherche de l’énergie

Nous avons vu que les rivières de la Guinée étaient jeunes et que de nombreuses chutes et rapides coupaient leurs cours. Il y a là une source d’énergie hydroélectrique. Le relief favorise leur utilisation, mais un débit irrégulier et une évaporation intense réclament l’aménagement de réservoirs régulateurs. L’équipement du Konkouré qui vient d’être étudié en raison de sa proximité de Conakry pourrait fournir une puissance de 350.000 kilowatts, représentant annuellement 4 millions de kilowatts-heure pour un investissement de 10 milliards. Ce n’est là qu’un exemple, car les bassins du Niandan et du Tinkisso sont susceptibles de produire une énergie équivalente. Il est actuellement envisagé de capter une chute de 8 à 10.000 kilowatts : plusieurs projets ont été étudiés. Les grandes chutes sur le Samou qui pourraient fournir d’abord une puissance de 8.000 kw. seraient susceptibles d’en donner ensuite 16.000. Cette usine se trouverait à l’intérieur du triangle Kindia, Conakry et Yomboeli, donc proche des futurs centres de consommation.

Un autre projet prévoit l’aménagement des chutes de Kaleta qui pourraient être équipées par tranche depuis 10.000 kw. jusqu’à plus de 80.000 kw.

3. Le commerce

Le commerce guinéen offre une gamme très variée; depuis la grande société dont le siège social se trouve en Europe, au commerçant qui possède des comptoirs à Conakry et à l’intérieur du territoire, à la maison de commerce qui se livre aux transactions locales jusqu’aux colporteurs ou dioulas qui visitent les moindres villages. La Chambre de Commerce de la Guinée représente officiellement les divers éléments : instituée par arrêté du 31 décembre 1906, elle siège a Conakry et comporte 9 membres titulaires et 9 membres suppléants.

La Guinée appartient à la zone du francC.F.A. dont la parité est fixée à deux francs métropolitains. Le privilège d’émission a été concédée à la Banque de l’Afrique Occidentale Française qui émet des coupures de 5.000 1.000, 500, 100, 50, 25, 10 et 5 francs.

Les exportations se repartissent ainsi :

Produits Poids
(en tonnes)
Valeur totale
(en milliers de francs)
Bananes 40.000 1.200.000 a
Or 750.000
Palmistes 18.000 360.000
Miel 3.000 150.000
Noix de cola 6.000 150.000 b
Diamants 50.000 carats 60.000 c
Essence d’orange 150 tonnes 37.500
Cire 170 17.000
Agrumes 1.000 15.000
Arachides de bouche
expediees sur le Sénégal
2.100 10.000
Sésame 370 10.000
Huile de palme 10.000 5.000
Indigo 4.000
Ananas 500 2.500
  1. Evaluation au cours officiel. Cette production ne figure pas entièrement dans les statistiques des douanes.
  2. Evaluation approximative : le commerce est fait uniquement par l’autochtone.
  3. Les gisements sont près de la Côte d’Ivoire et les diamants sont exportés généralement par ce territoire ou par le Soudan.

Comme établissements de crédits, s’ajoutent la Banque Commerciale Africaine, fondée en 1924, le Crédit Lyonnais et la B.N.C.I. qui a ouvert des guichets à Conakry, Kankan, Siguiri et Kindia. En 1948 les importations de la Guinée se chiffraient à 1.766.5900.000 francs C.F.A.

4. Tourisme et chasse

La Guinée française est un des territoires les plus pittoresques de l’A.O.F. Elle se présente, en effet comme un résumé de toute l’Afrique occidentale. Conakry apparaît aux voyageurs comme une ville enfouie dans un nid de verdure avec des avenues bordées de manguiers géants et, de chaque coté, d’élégantes villas parmi les lianes et les massifs de bougainvilliers mauves et de rouges hibiscus.

Apres avoir traverse la zone côtière, le touriste atteint le massif rocheux du Fouta-Djallon où de hautes parois de grès sont entaillées profondément par des torrents qui tombent des falaises en cascades éblouissantes. De place en place, une crête dentelée évoque quelque forteresse médiévale.

Au delà de Kouroussa et de Kankan, les vastes plaines monotones avec des bouquets de palmiers, de baobabs, de fromagers et des galeries d’arbres qui bordent les cours d’eau rappellent le Soudan. Là, vers le Haut-Niger et plus particulièrement dans la vallée du Tinkisso, le chasseur trouvera des éléphants, des hippopotames, des antilopes, des phacochères, de nombreux singes et le chimpanzé.

Vers le sud, aux confins de la Cote d’Ivoire et du Liberia, la grande foret dense recouvre un massif montagneux et tourmenté. Cette région est le domaine de la panthère, du sanglier, de l’antilope, de l’hippopotame, de singes de toutes sortes, de la loutre, du caïman. Par sa faune et par son site pittoresque, elle est susceptible de retenir et le chasseur et le touriste.

Ils trouveront d’utiles renseignements dans « Le Guide du Tourisme en Afrique Occidentale Française et au Togo » publie par l’Agence des Colonies.

L’avenir de la Guinée

La Guinée n’exporte qu’une faible partie de sa production. Si elle vend moins a l’étranger que d’autres territoires, elle présente cependant une économie complète que favorise la complémentarité des quatre régions qui la constituent : plaine côtière, Fouta-Djallon, bassins du Sénégal et du Niger, zone forestière.

Pendant bien longtemps, la Guinée s’est sentie une vocation agricole. Un équilibre parfait de ses ressources lui permet non seulement de subvenir a la nourriture de ses habitants, mais encore d’exporter: troupeaux de N’Damas, lougans de riz, champs de fonio pour sa consommation interne, bananes, agrumes, palmistes pour le commerce extérieur. Or, aujourd’hui un nouvel avenir s’offre a elle puisqu’elle possède les conditions nécessaires à un développement industriel : matières premières, énergie et main d’oeuvre.

Que l’on songe seulement aux mines de fer du Kaloum, au bauxite de Los, aux chutes du Konkouré. Mais encore plus prometteuse d’avenir apparaît la région de Dabola, qui présente un remarquable ensemble ou l’on trouve d’un côté la bauxite, d’un autre les chutes du Tinkisso et enfin la voie ferrée et la route ; ainsi sont réunis en un seul point : mines, énergie hydraulique, moyens de communications. Outre la richesse que la Guinée retirera de ces exploitations, il faut envisager le bénéfice qu’elle peut attendre de son industrialisation. Elle doit développer pour son plus grand profit l’industrie électrométallurgies celle du froid (bananes, ananas), de la conserve, les raffineries d’huile, les savonneries.

Mais le facteur humain commande toute cette évolution il faut une main-d’oeuvre qualifiée que l’on peut former sur place, mais aussi des techniciens que la France doit encore fournir pour le moment. La création de centres de formation accélérée d’où sortiront notamment des maçons, et des écoles d’apprentissage pour le métiers du fer, du bois et de l’électricité réalise un effort important dans ce sens. Mais seule une action sur la masse qui atteindra tous les adultes leur permettra de participer effectivement à l’économie moderne du territoire. Cette entreprise réclame le concours du personnel enseignant, des amicales d’anciens élèves qui commencent a se créer et de spécialistes recrutes a cet effet. Il s’agit par là de combattre l’analphabétisme, de fournir une documentation simple en dialecte local sur l’instruction civique, la législation et l’hygiène. Enfin, le cinéma éducatif doit apporter une aide efficace : un premier essai tenté en 1948 à Kankan et Siguiri a donné d’excellents résultats.

L’avenir de la Guinée tient donc à l’élévation du niveau de vie de sa population. C’est, tout en conservant ses magnifiques aptitudes agricoles, dans la mesure ou elle s’orientera vers l’industrialisation, mais aussi ou elle poursuivra l’éducation des masses, l’amélioration de l’habitat et de l’hygiène ainsi que l’installation d’usines qui assureront de nouvelles ressources que la Guinée obtiendra un tel résultat. Ainsi faut-il rechercher de pair progrès moral et progrès technique ; celui-ci favorisera celui-là.

Notes
. La fortune du mari limite la polygamie.
. La charrue a été introduite il y a 50 ans par le gouverneur Ballay
. Ce commerce est uniquement le fait des autochtones et échappe totalement aux statistiques douanières.
. Cf. Equipement
. Pour les faits et une opinion contraire voir, entre autres, la résistance à la conquête coloniale
. La Guinée dépend du ressort judiciaire de l’A.O.F. (Cour d’Appel à Dakar).
. 12 tribunaux coutumiers sont spécialisés dans certains litiges entre autochtones.
. Centre d’apprentissage de Kindia.