webGuinée/Bibliotheèque
Ethnographie
Monique de Lestrange
Assistante au Musée de l’Homme, Paris
Les Coniagui et les Bassari (Guinée française)
Presses Universitaires de France. 1955. 83 pages.
Chapitre V.
Organisation sociale et structure politique
I. — Groupements locaux : le village, l’habitation
Coniagui et Bassari vivent groupés en villages dont les plus petits comptent moins de 100 habitants, le plus important (un village Coniagui) en ayant 800. Les villages Coniagui et Bassari sont constitués de cases rondes plus ou moins alignées.
Les cases Coniagui sont petites (1 m. 80 de diamètre environ), individuelles et légères. Elles sont composées d’un mur circulaire fait d’une natte de bambou doublée d’un paillasson d’herbes tressées et d’un toit pointu de chaume sur une armature de bambou. Ces cases sont faciles à démonter et à transporter (cf. p. 18 à 20). Chaque homme dispose d’une case, chaque femme de deux ou trois: dans l’une, elle dort avec ses jeunes enfants, dans les autres, elle fait sa cuisine, garde ses réserves d’ustensiles de ménage, etc. Le mobilier de la case à coucher comprend un ou deux lits faits d’une natte de bambou sur 4 pieds de bois fourchu, et souvent, dans les cases d’hommes, un coffre de bois. Cases d’habitation, bergeries et greniers sont construits sur le même modèle, les premières avec plus de soin et les derniers souvent sur pilotis.
Prenons pour exemple un village Coniagui précis : Uryakan, tel qu’il nous est apparu pendant l’hivernage 1946. Les cases étaient disposées comme on le voit figure 7, p. 39. Les « carrés » sont alignés, les cases de femmes séparant le village de ses champs. Dans chacune des 9 familles d’Uryakan, la disposition des carrés est la même : les cases de femmes et les cases d’hommes forment deux rangées grossièrement parallèles, les cases de femmes étant beaucoup plus nombreuses que les cases d’hommes : en effet, chaque homme n’a qu’une case, où il couche, et plusieurs femmes, alors que chaque femme a plusieurs cases : case à coucher, cuisine et cases-réserves.
Il y a cependant quelques cas particuliers. Le chef de famille I a souvent des étrangers chez lui, par exemple des artisans Bassari venus faire des nattes: aussi le nombre de cases, côté hommes, est-il particulièrement nombreux dans ce carré; celles qui sont marquées 1 et 2 (cf. fig. 7), sont réservées à ces étrangers de passage.
Fig. 7. Plan d’un village Coniagui
cases d’hommes, cases de femmes, grenier, etc.
Echelle et orientation approximatives
1 et 2 : cases d’étrangers ; 3 : kump ; 4: grenier à poudre du tyareg ; 5 : case pour malades
Le chef de famille VII est un guérisseur : une case à côté de la sienne est utilisée par ses clients (cf. 5, fig. 7).
VI est le carré du chef, limité du côté opposé à celui des cases de femmes par la rangée de cases des jeunes hommes adultes et célibataires. L’ensemble constitue le tyareg où se trouvent (cf. 3, fig. 7) le kump — case des initiés où sont conservés les masques des sociétés secrètes — et le petit grenier (cf. 4, fig. 7) qui abrite certains objets rituels et contenait autrefois la poudre que le chef distribuait en cas de guerre aux guerriers défenseurs du village: les jeunes gens du tyareg — les dyarar. A l’intérieur du tyareg se réunissaient, en cas d’attaque, les troupeaux, les femmes et les enfants. Les dyarar défendant tout le village, celui-ci tout entier les nourrit : chaque soir, chaque femme apporte au tyareg une calebasse de nourriture pour les dyarar
Dans les villages Bassari, les « carrés » sont grossièrement alignés. Les cases rondes sont fixes et plus grandes que celles des Coniagui — chaque femme n’en a qu’une qu’elle partage avec son mari. Elles sont faites d’un mur de blocs de latérite légèrement maçonnés de terre à l’intérieur et d’un toit de chaume sur armature de bambou. Le « mobilier » de terre crue comprend des lits, des bancs, des paravents et des urnes-greniers. La case est faite par le fiancé juste avant le mariage. Quand le mur est construit, avant la pose du toit, la femme vient modeler les « meubles » auxquels ce terme ne convient pas puisqu’ils sont essentiellement immeubles !
Les villages Bassari, sauf ceux du sud, ne sont habités que temporairement pendant la saison sèche. A cette époque-là, les cultivateurs n’ont rien à faire dans les champs, ils se réunissent au village où ont lieu de nombreuses cérémonies et fêtes. A la fin de la saison sèche, ils se séparent : chaque famille rejoint ses cases construites au milieu des champs, elle y reste tout le temps de l’hivernage, saison des cultures. Quelques villages du sud sont habités de manière permanente : au temps des travaux des champs, hommes et femmes font, chaque matin et chaque soir, plusieurs kilomètres d’un difficile chemin de montagne, pour atteindre leurs champs. Au centre de chaque village se trouvent une ou deux grandes cases — ambofor : là vivent les jeunes gens célibataires, filles et garçons réunis ; là sont conservés nombre d’objets rituels, masques, instruments de musique, etc. Les habitants de l’ambofor rentrent chaque soir au village, même si les autres gens du village couchent dans leurs champs.
Groupes de villages
Les villages Coniagui et Bassari constituent des groupes géographiques, dont l’origine est historique. Les habitants du plus ancien village Coniagui, comme ceux du plus ancien village Bassari, ont essaimé, fondant de nouveaux villages, d’où sortirent à leur tour d’autres villages, etc. Les villages issus d’un même village conservent avec ce dernier certains liens.
L’unité constituée par un village-mère et les villages voisins qui en sont nés est marquée de diverses manières. Chez les Coniagui, chacun de ces groupes a généralement en commun un seul pedda, c’est-à-dire le lieu de brousse où se tient la principale cérémonie de l’initiation des garçons. Chez les Bassari, certaines cérémonies sont aussi communes à des groupes de villages : un seul sacrifice a lieu, valable pour l’ensemble du groupe, mais les danseurs, pendant la fête consécutive, vont chaque soir dans un village différent — le groupe comprenant par exemple 4 villages, la danse durera quatre nuits. Nous verrons plus loin que ces groupes de villages correspondent vraisemblablement à des unités endogamiques.
Chez les Bassari bien plus que chez les Coniagui, ces groupements géographiques (d’origine historique) de villages correspondent à des différences linguistiques et ethnographiques, en particulier de vocabulaire et de costume.
A côté de ces groupements, très nets à l’époque actuelle, il en existe de plus larges, signalés par Rançon et surtout par Delacour (p. 375). Les noms de ces confédérations sont aujourd’hui encore connus, mais sans qu’une signification importante nous ait semblé leur être attachée. Les termes vehay, vefagant et waget notés sur la carte n° 1 désignent des groupements de villages à signification géographique.
II. — La parenté
« Les Koniagui et les Bassari, écrit Delacour, p. 373, ont un état social basé sur la parenté utérine… les enfants prennent le nom de famille de la mère, les héritages sont dévolus d’après l’ordre de parenté utérine et l’ordre des successions politiques suit la même règle… [mais] le père est toujours le chef de la famille. » Tels sont, en effet, les grands traits de la société coniagui-bassari : la parenté y est matrilinéaire et le nom est transmis par les femmes, mais le mariage est patrilocal et l’autorité exercée par les hommes ; les biens et la chefferie sont transmis par l’intermédiaire des femmes, mais d’homme à homme, d’oncle utérin à neveu.
Un Coniagui ou un Bassari porte donc le nom de sa mère et se considère comme apparenté à tous ceux qui portent le même nom que lui, « c’est-à-dire, en dehors de sa mère, de ses frères et sœurs de même mère, de ses oncles et tantes utérins, les enfants de ces dernières, sa grand-mère maternelle, ses grands-oncles et grand-tantes maternels, les enfants de ces dernières, etc. Mais il n’est pas (apparenté à) son père, (aux) frères, sœurs, parents, oncles, grands-parents et cousins de son père.
Les noms de « familles » étant peu nombreux, chaque individu est théoriquement (apparenté à) un grand nombre d’autres : tous ceux qui portent le même nom que (lui), mais pratiquement il ne considère comme ses parents que ceux avec lesquels il entretient des relations de parenté. Ainsi, lorsqu’un Coniagui d’un village du sud fait la connaissance d’une fille d’un village du nord portant le même nom que lui, mais avec la famille de laquelle sa propre mère ne cousine pas , il ne la considère pas comme sa parente »
Groupements de parenté
Il existe, selon Delacour (p. 373), « 6 grandes familles qui comprennent la presque totalité des individus ». Il faut leur ajouter quelques autres familles comprenant un petit nombre d’individus chez les Bassari au moins. L’origine de ces groupes est obscure (cf. n. 2, p. 46). Chacun de ces groupes, caractérisé par un nom, est exogame. Nous n’avons pas relevé d’interdit alimentaire propre à tel ou tel
Le mariage
Les rapports entre les groupements locaux et les groupements de parenté nous ont paru pouvoir être appréhendés au mieux par l’étude du mariage. Qui épouse et qui n’épouse pas un ou une Coniagui ou Bassari appartenant à telle famille et à tel village ? Coniagui et Bassari peuvent être considérés comme deux groupes endogames, le pourcentage de mariages exogamiques y étant très faible. En effet, une enquête auprès des femmes Coniagui et Bassari (cf. p. 5) a montré les faits suivants :
- Il n’y a ni Coniagui ni Bassari vivant en pays Coniagui ou Bassari ayant de conjoint autre que Coniagui ou Bassari : l’ensemble Coniagui-Bassari peut être considéré comme un groupe endogame.
- Les Coniagui et les Bassari constituent deux groupes endogames, à l’exception de 2 à 3 % des couples Bassari où le mari est Coniagui. Cette très légère exogamie des Bassari s’est légèrement accrue de la génération des mères des femmes interrogées à celle des femmes elles-mêmes (voir le tableau ci-dessous). Chez les Coniagui, au contraire, dans 100 % des couples actuels, la femme et le mari sont tous les deux Coniagui, dans la génération précédente 0,29 % des maris étaient Bassari. Les chiffres concernant les Coniagui de la génération précédant l’actuelle sont probablement un peu inférieurs à la réalité, en ce qui concerne le nombre de mariages mixtes Coniagui-Bassari. En effet, au temps des guerres entre Fula et Bassari, à la fin du siècle dernier, un certain nombre de Bassari sont venus se réfugier en territoire Coniagui, s’y sont mariés et leurs enfants se considèrent comme des Coniagui alors qu’ils sont des métis Coniagui-Bassari.
Mariages entre Coniagui et Bassari | |||
Hommes | Femmes | ||
Bassari | Génération actuelle | 97,1 % | 2,8 % |
Génération précédente | 97,8 % | 2,1 % | |
Coniagui | Génération actuelle | 0 % | 100 % |
Génération précédente | 0,29 % | 99,7 % |
Avec qui le mariage est-il permis ?
Un Coniagui ou un Bassari ne peut pas épouser n’importe quel membre de son propre groupe. Le groupe d’individus avec lesquels il se marie est limité :
- par l’âge
- par la coutume interdisant le mariage entre individus portant le même nom
- par l’éloignement géographique des villages.
a) Age. — Chez les Coniagui comme ailleurs, un individu n’a que peu de chances d’épouser un conjoint beaucoup moins ou beaucoup plus âgé que lui. Par ailleurs, personne ne se marie avant 20 ans au moins. Il faudrait donc éliminer du groupe endogame tous les individus n’ayant pas 20 ans, ce qui réduirait fortement les groupes Coniagui et Bassari.
b) Interdiction d’épouser un individu appartenant au même « anenke » que soi-même.— Coniagui et Bassari se répartissent en un certain nombre de groupements que les Coniagui appellent anenke, groupements caractérisés par un nom et très inégaux par le nombre d’individus qu’ils comprennent. Ces anenke sont presque exogames, à un certain nombre d’exceptions près, constituées par des couples où les deux conjoints appartiennent au même anenke. Le nombre de ces couples croît, il a augmenté de la génération des mères des femmes actuelles à celle des femmes actuelles. Il est nettement plus grand chez les Bassari (génération des mères : 18 %, génération actuelle : 23 %) que chez les Coniagui (génération des mères : 10 %, génération actuelle : 13 %). L’exogamie est plus souvent pratiquée par les femmes appartenant aux anenke qui comprennent le moins d’individus. Cette différence est logique : plus un anenke est petit, plus une femme a des chances de trouver un mari parmi les anenke autres que le sien. La plus forte endogamie des Bassari s’explique par le fait que deux anenke comprennent plus de 60 % de l’ensemble Bassari. Ces mariages entre individus de même anenke s’expliquent en partie au moins par le fait suivant : chez les Coniagui, un réfugié ou un prisonnier prend le nom d’anenke de son maître, mais lorsque l’on demande à un ancien prisonnier de quel anenke il est, il répond par exemple ; « j’appartiens aux aigwal », alors qu’un homme libre répondrait : « je suis un aigwal ». Lorsque cet ancien prisonnier se mariera, il pourra épouser une femme aigwal : il n’est pas aigwal lui-même, quoique — aux jours de fête par exemple — il se range parmi les aigwal
Mais, malgré ces exceptions, l’interdiction d’épouser un homonyme n’en limite pas moins assez fortement le groupe à l’intérieur duquel on peut choisir son conjoint. Aujourd’hui, 87 % des femmes Coniagui se marient donc dans un groupe égal à celui des hommes Coniagui en âge de se marier, diminué de 7 à 29 % selon l’anenke auquel elles appartiennent, et 76 % des femmes Bassari se marient dans un groupe égal à celui des hommes Bassari en âge de se marier, diminué de 0,6 à 32 %, selon l’anenke auquel elles appartiennent.
c) Éloignement géographique. — Les hameaux Coniagui et Bassari peuvent être répartis géographiquement en 6 groupes pour les premiers, 5 pour les seconds. Au tableau ci-dessous, on voit que :
- 85 % des femmes se marient dans leur propre groupe de villages : le groupe de villages est endogame à 85 %. Ce fait limite grandement le nombre d’individus à l’intérieur duquel la femme choisit son conjoint puisque ce groupe correspond approximativement au 1/6 ou au 1/5 de l’ensemble Coniagui ou Bassari.
- L’endogamie est plus forte chez les femmes Coniagui que chez les femmes Bassari, ainsi que le montrait l’étude du mariage selon la famille.
- L’endogamie a diminué depuis une génération, tant chez les Coniagui que chez les Bassari. Mais si Coniagui et Bassari actuels se marient moins souvent que leurs parents à l’intérieur de leur propre village, ils se marient plus souvent que leurs parents dans le même groupe de villages. Si bien que l’endogamie de ce groupe de villages a à peine diminué d’une génération à l’autre : il est passé chez les Bassari, de 86 à 85 %; chez les Coniagui, de 90 à 85 %. Chez les Bassari, comme chez les Coniagui, l’isolat s’est donc agrandi.
Il semble donc que 85 % des femmes Coniagui et Bassari se marient à l’intérieur de leur propre groupe de villages. Les femmes Coniagui et Bassari choisissent leur conjoint parmi les hommes Coniagui et Bassari de plus de 20 ans, n’appartenant généralement pas à leur propre anenke, mais habitant dans 85 % des cas, leur propre groupe de villages. Ce groupe comprend environ 441 hommes chez les Coniagui et 415 chez les Bassari.
Coniagui et Bassari constituent en somme deux groupes endogames divisés, d’une part, en anenke non rigoureusement exogames, d’autre part, en groupes géographiques presque rigoureusement endogames : 75 % des Coniagui et des Bassari se marient hors de leur propre anenke et 85 % à l’intérieur du groupe de villages où ils sont nés.
Le dépouillement de notre enquête sur le mariage Coniagui et Bassari n’est pas encore terminé. Nous avons, en effet, l’intention de chercher si les couples où mari et femme appartiennent au même anenke sont aussi les couples où mari et femme viennent de villages très éloignés, et vice versa si les couples où mari et femme appartiennent à des anenke différents sont aussi ceux où mari et femme viennent du même village. Si cela est, on pourra dire que le mariage Coniagui et Bassari est régi par une sorte de loi d’éloignement, d’exogamie, nominale ou géographique. Mari et femme devraient alors, soit appartenir à des anenke différents : ils pourraient dans ce cas être du même village, soit être originaires de villages éloignés : ils pourraient dans ce cas appartenir au même anenke
Les résultats de cette enquête préciseront la notion d’anenke, qui pourra peut-être être rapprochée de celle de lignée ou de clan.
Origine géographique des maris des femmes Coniagui et Bassari interrogées
Origine du mari | Femmes Coniagui | Femmes Bassari | Femmes Bassari | |||||
671 couples actuels | 680 couples anciens | 492 couples actuels | 411 couples anciens | |||||
Même village | 67,8 % | 85,3 % | 78,3 % | 90,2 % | 59 % | 85 % | 72 % | 86 % |
Même groupe | 17,5 % | 11,19 % | 26 % | 14 % | ||||
Même population 10 | ||||||||
Groupes voisins | 10,2 % | 6,6 % | 7 % | 5 % | ||||
Groupes autres | 4,1 % | 2,7 % | 2 % | 1 % | ||||
Villages inconnus | 0,14 % | — | 2 % | 3 % | ||||
Population voisine 11 | ||||||||
Mari Bassari | — | 0,29 % | — | — | ||||
Mari Coniagui | — | — | 2,8 % | 2,1 % |
III. — Classes d’âge, cérémonies d’initiation
Les classes d’âge sont définies par rapport à l’initiation et à l’excision, aussi bien avant qu’après celles-ci. Les garçons devant être initiés ou ayant été initiés la même année, les filles devant être excisées ou ayant été excisées la même année constituent des groupes qui dureront jusque dans l’au-delà : les sacrifices funéraires seront accomplis par des « camarades » du défunt, c’est-à-dire des individus faisant partie de sa classe d’âge, ayant été initiés ou excisés la même année que lui.
Nous ne décrirons pas ici les cérémonies d’initiation à la société des hommes ou aux diverses sociétés de kore, de chasseurs, etc., qui seront décrites aux chapitres des associations et des adolescents (p. 47 et p. 61).
IV. — Le nom
Chaque Coniagui ou Bassari, homme ou femme, porte, dès la naissance, un nom numérique selon son sexe et selon son rang de naissance parmi les enfants de sa mère. Ces noms sont réunis au tableau suivant :
Coniagui | Bassari | ||
Hommes | Femmes | Hommes | Femmes |
Sara ou Tyala | Nemme | Tyara | Tyira |
Sampu ou Mbuna | Nieni | Tama | Kema |
Tani ou Fetta | Afule | Kali | Pena |
Loni | T’eko | Endega | Nyari |
Ufale | Nyola | ||
Sene | Adel | ||
Afer | Nambik (qui n’a pas de nom) |
Sara est donc le premier fils de sa mère, Sampu le deuxième, Nemme la première fille de sa mère, etc. Chacun de ces noms a des diminutifs d’affection, que nous ne citons pas au tableau ci-dessus, par exemple Sampule pour Sampu, Nemot, Nemolo ou Fannem pour Namme, etc.
Le petit garçon peut porter dès sa naissance un autre nom donné par son père (par exemple Bati, Kedyel, etc.). Ce nom a parfois une signification anecdotique : par exemple Mbozir, « fruit du raphia », nom porté par un garçon né comme sa mère revenait de cueillir des fruits de raphia.
A l’initiation le garçon reçoit de son père un autre nom, qu’il portera à l’exclusion de celui qu’il portait avant 12
Enfin, hommes et femmes peuvent avoir des surnoms, par exemple, chez les Bassari « celui qui a les tibias tranchants comme une lame de bambou », etc.
Chaque individu appartient par ailleurs à un anenke. L’appartenance à cet anenke, caractérisé par un nom, s’hérite de la mère et dure toute la vie. Les principaux anenke s’appellent :
- Coniagui : aigwal, ages, ayu, ayantya, aneon, aevyan
- Bassari: ayaganl’, ayes, adyar, ayantya, aban, emun, asoso
La notion d’anenke est très importante, le rôle de chaque individu à l’intérieur de la société Coniagui ou Bassari variant selon son anenke : ainsi les chefs de village sont-ils choisis dans tel anenke, les kore ou certains lokuta (cf. p. 48) dans tel autre, etc. 13
V. — Associations, sociétés secrètes, castes
Il existe chez les Coniagui et les Bassari une association qui groupe un certain nombre d’hommes, et aussi quelques femmes, d’un certain âge (pour un homme il faut être au moins marié ou dyarar alyankaf, cf. p. 64, et, pour une femme, annem). Cette société est secrète en ce sens que seuls ses membres se connaissent entre eux : femmes et non initiés connaissent l’existence de cette société, voient les dignitaires masqués et entendent leurs cris mais sans connaître l’identité de ces personnages. Un des rôles de cette « famille secrète » 14 consiste à rendre un culte à différents esprits 15 :
- idaz chez les Bassari de Negare
- igwar dans le tyareg
- ikuv près du village
- pedda en brousse, chez les Coniagui.
Mais, à côté de ce rôle officiel, sinon public, concernant des cultes généraux, les membres de la « famille secrète » ont des pouvoirs que tous n’ont pas : ils peuvent, par exemple, par magie, rendre des individus malades.
Il semble que le groupe constitué dans un village par les membres de la famille secrète soit différent du groupe constitué par tous les vieux et chargé des décisions concernant la coutume — l’organisation matérielle et économique du village par exemple (ce groupe s’appelle bulunda chez les Coniagui). Cependant, le nom donné aux membres de la famille secrète viefogotongal : les veilleurs du village (de fogal : veiller, ngal : terre, village), indique assez l’importance de leur rôle dans la destinée du groupe.
Les sociétés secrètes des villages qui descendent d’un même fondateur forment des associations, elles-mêmes regroupées — le chef de l’ensemble étant Bassari. Dans l’ensemble Coniagui-Bassari, on remarque d’ailleurs une nette prééminence religieuse des Bassari, la prééminence politique étant, par contre, réservée aux Coniagui. Certains membres de la famille secrète ont des attributions précises et hiérarchisées. Dans chaque village il existe :
un numba, chef de la société secrète. Nommé pour sept ans (après quoi il assistera le nouveau numba, mais sans rien faire lui-même). L’individu nommé numba16 n’apparaît en tant que tel qu’aux seuls initiés et n’est donc jamais masqué. Quand il pousse le cri qui le caractérise, les non-initiés s’enfuient : aussi ne le voient-ils jamais.
Un certain nombre d’hommes masqués, lokuta, sont chargés d’accomplir certains rites et de faire exécuter les décisions du numba et de l’assemblée des membres de la famille secrète. Ces cérémoniaires sont nommés pour sept ans par les membres âgés de la société. Ce sont, en commençant par le plus élevé en grade :
- le lokuta du village ou ulongwal igwar, qui garde l’igwar
- le lokuta ageker (garçon) ou agunt (gardien), chargé de la surveillance des jeunes initiés
- le lokuta wontyeri numba : lokuta chanteur, accompagnateur du numba
- le lokuta vat’eva : lokuta danseur de at’eva (cf. p. 72).
Il existe enfin, dans chaque village, un lokuta à vie, chargé de surveiller le travail des jeunes gens.
A côté de ces dignitaires nommés, une classe d’âge tout entière, celle des dyarar (jeunes hommes initiés depuis quelques années, cf. p. 63) a un rôle à jouer dans la famille secrète. Les dyarar endossent tous, à l’occasion, le masque de lokuta : vêtement de fibres rousses et de feuilles de karité, cagoule de fibre chez les Coniagui, coiffure aux formes variées de fibre et de feuilles blanches de rônier chez les Bassari. Ces lokuta sont vus par les non-initiés, mais ils ont le corps enduit d’ocre rouge, déguisent leur voix, courent et sautent sur place pour ne pas être reconnus. Armés de gourdins, ils font respecter l’ordre au village, garantissant la propriété privée, surveillant femmes et enfants, jouant en somme le rôle de « gendarmes ».
Etant donné que le numba, chef de la famille secrète, préside à l’initiation des garçons, que tous les hommes initiés (c’est-à-dire tous les hommes adultes) connaissent le fonctionnement de cette association et, qu’enfin, tous les hommes, lorsqu’ils sont dyarar, en sont des membres actifs, on peut considérer, comme le fait Delacour, que l’initiation des garçons Coniagui-Bassari constitue l’accession au grade inférieur de la société secrète.
Une société particulière est celle des kore. Vêtus d’une jupe de fibre et d’une ceinture de peau de panthère, ils vont le visage découvert ; ils sont chargés de la police des femmes, en particulier de la surveillance de l’excision. Il en existe un ou deux par village. Dès qu’un kore apparaît, les femmes lui offrent des cadeaux de nourriture : plat de mil, de riz ou de fonio, poule et oeufs durs par dizaines.
Le kore est choisi par les membres de la société secrète parmi les dyarar, à vie. La nomination du nouveau kore, par un bassari, chef des kore17, a lieu en juin : il est battu pour qu’il meurt, un esprit nouveau s’établit alors dans son corps. On lui donne un nom nouveau qu’on emploiera chaque fois qu’il sera habillé en kore. Dans les jours qui suivent, il apprendra peu à peu à parler et à danser en kore, et aussi à manger sans jamais être rassasié. Les filles viendront le saluer. On peut tuer un kore, mais pas le relever de sa fonction puisqu’on lui a donné un esprit nouveau : anonkwol. S’il est trop vieux, il réunit les gens pour le leur annoncer et sa femme lui donne à manger des fruits d’uryakan18, un des interdits alimentaires des kore : après quoi il n’est plus kore
Lokuta et kore sont des hommes dont on a modifié la personne, à qui l’on a enlevé leur esprit pour en mettre un autre : il s’agit, si l’on veut, d’un homme ressuscité (re-né, au sens initiatique), mais pas de l’esprit d’un mort réincarné.
Un homme est lokuta dès qu’il arrive à l’endroit où s’habillent les lokuta. Chaque lokuta a toujours un suivant qui doit ramasser les feuilles tombées de son costume : quiconque les ramasserait pourrait en faire un charme. Ces feuilles sont jetées au loin avec tout le costume quand le lokuta se déshabille. A ce moment-là, les feuilles n’ont plus de pouvoir : il n’y a plus de lokuta
Au milieu de la rangée des cases des dyarar, au tyareg, dans une case nommée tankela, se réunissaient autrefois les membres d’une société secrète n’existant plus aujourd’hui et qui était responsable de sacrifices de jeunes gens.
Le rôle des femmes dans les sociétés secrètes est mal connu. Quelques vieilles femmes, particulièrement intelligentes et discrètes, parviennent à faire partie de la société secrète des hommes. Mais on peut penser qu’il existe une société parallèle, exclusivement féminine, à laquelle les femmes seraient « initiées » pendant la retraite qui suit leur excision : les hommes Coniagui racontent en tout cas que les femmes ont essayé d’organiser une telle société, pour se défendre de celle des hommes.
Confrérie de chasseurs
Kamara est le titre du chasseur qui a réussi à tuer un des animaux suivants, par ordre d’importance : éléphant ou buffle, lion, panthère, hippopotame, certaine antilope, hyène, certain rapace 19, etc.
L’animal est enterré avec un cérémonial qui rappelle celui de l’enterrement humain : on l’interroge pour savoir pourquoi lui, si puissant, s’est laissé tuer par le chasseur. Le chef de village prépare plusieurs tonneaux de bière de mil. Quand celle-ci est « mûre », les chasseurs et, en particulier, les kamara, viennent danser et boire. Un sacrifice a lieu. Depuis le jour où il a tué l’animal qui lui vaut le titre de kamara, le chasseur ne s’est pas lavé et est resté seul (pour se promener, pour manger, dormir, etc.). Les hommes dansent, mimant la chasse, la bête et le chasseur.
L’importance de ces confréries est grande. Nous verrons plus loin, qu’au matin de l’initiation Coniagui, une chasse rituelle a lieu — une bonne chasse étant interprétée comme un signe favorable, annonçant que la cérémonie de l’initiation tout entière se déroulera comme il se doit. Chez les Bassari, chaque printemps, avant de mettre le feu tout autour d’une montagne sacrée pour rabattre le gibier, un vieux kamara en demandera l’autorisation au génie, maître des animaux de cette montagne. Il lui demandera aussi d’accorder aux chasseurs de nombreux animaux tout en les protégeant contre les dangers de la chasse.
Organes de gouvernement local
Il existe, dans chaque village, un chef, choisi parmi les descendants du fondateur du village. Il gouverne assisté de deux conseils dont l’un, bulunda, est une assemblée de vieillards chargée de tout ce qui concerne les coutumes et la tradition : par exemple, le partage des terres entre les différents habitants du village, et dont l’autre, la société secrète, a une influence grande quoique plus ou moins occulte. Le chef est souvent chargé de faire exécuter les décisions de l’assemblée de vieillards qu’il préside. Le rôle de chef est si peu apprécié des Coniagui, aujourd’hui au moins, que plusieurs villages, en 1949, manquaient de chef depuis plusieurs mois ou même plus d’un an. Car aucun des chefs possibles n’avait accepté ce rôle ingrat. Ceci tient peut-être en partie au fait que le rôle de chef, toujours dangereux en pays de magiciens habiles, s’est encore compliqué depuis la présence de blancs dans la région. Ceux-ci ont nommé des chefs de canton héréditaires, donnant ainsi aux groupes Coniagui et Bassari une unité qui correspond mal au grand individualisme de ces populations habituées à ne se lier, entre villages voisins, qu’en cas d’attaque étrangère. En plus de ces chefs de canton (un Coniagui, un Bassari), il existe dans les villages, des « représentants » chargés des rapports avec l’administration française, ces représentants n’étant pas les réels chefs de village
Castes
Nous avons parlé des potières et des forgerons qui ne constituent pas à proprement parler des castes chez les Coniagui et les Bassari.
Seuls les griots, peu nombreux et mal considérés par le reste de la population, semblent former une caste fermée dont les membres, hommes et femmes, se marient entre eux. Notre enquête est très incomplète à ce sujet, mais les griots ne paraissent pas avoir chez les Coniagui et les Bassari l’importance qu’ils ont dans de nombreuses sociétés africaines 20.
VI. — Procédure juridique
Succession
Nom, biens, chefferie s’héritent par les femmes (en lignée utérine) et pour les biens et la chefferie, d’homme à homme. Les biens meubles consistent surtout en bétail, transmis de frère utérin aîné à cadet, ou d’oncle utérin à neveu. Les veuves peuvent être héritées par le frère cadet de leur mari, mais elles ne sont pas obligées de l’épouser et peuvent retourner chez leur père puis se remarier avec d’autres si elles le préfèrent.
Tout individu, homme ou femme, a le droit de posséder et de donner à qui il veut les biens qui lui appartiennent : ainsi, avant la mort, le père fait-il souvent des donations d’objets personnels à ses fils pour que ceux-ci ne soient pas totalement lésés, l’héritage allant au neveu utérin.
Promesses, dons, échanges se font devant témoins, pour éviter les contestations futures qui peuvent, par exemple, s’élever en cas de rupture de fiançailles.
Régime foncier
La propriété de la terre. — Mère des Coniagui, la terre n’appartient pas aux hommes, mais aux puissances surnaturelles. C’est pourquoi, avant d’établir en un lieu quelconque un village nouveau, on demande l’avis des esprits, en leur offrant un sacrifice.
Les bois sacrés, les cours d’eau, les chemins, les ponts, les carrefours, sont propriété collective du village, au même titre que les terrains de cultures, les prairies, les marais et les palmeraies.
Seuls les arbres fruitiers sont, comme les produits du jardin ou des champs, propriété personnelle de l’individu qui les a plantés, en tant que bien acquis par le travail personnel ou par donation ou par héritage. Si un homme ayant planté un manguier quitte le pays, sa famille cueillera les fruits, mais en dehors de ce cas, il est le seul à avoir droit à ces mangues.
Le partage de la terre. — Le territoire cultivable ayant été divisé en trois, nombre d’années nécessaires à l’assolement, au moment du débroussage, le chef de village et le conseil des anciens répartissent les champs entre les familles. Chaque fois que le nombre de familles du village change, il faut refaire le partage.
Le chef de village peut accorder à des étrangers le droit de se servir des terres du village, mais il ne peut pas les vendre et ne doit recevoir à ce propos aucune rémunération. L’étranger n’a qu’un droit d’usage.
Esclavage
Au temps des guerres des Coniagui et des Bassari avec leurs voisins, une partie des captifs étaient vendus en Casamance ou en Guinée portugaise, les autres gardés au village, dans la famille, y menaient une existence semblable à celle des hommes libres, à cela près qu’ils ne pouvaient s’en aller ; ils ont pris le nom d’anenke de la famille qui les a adoptés et se sont mariés avec des conjoints libres.
Situation des femmes
Une des principales et des plus intéressantes caractéristiques des sociétés Coniagui et Bassari est, sans doute, l’opposition permanente qui y règne entre le groupe des hommes et celui des femmes. Peut-être la situation importante de celles-ci dans ces sociétés en est-elle responsable. Les femmes sont fortes de ce que le nom, les biens et l’autorité se transmettent par elles : les hommes eux-mêmes ne se glorifient-ils pas de leurs ancêtres maternels ? Mais l’autorité est cependant exercée par les hommes. Peut-être est-ce pour la préserver que ceux-ci ont dû se grouper en sociétés secrètes, de manière à maintenir les femmes dans un état de sujétion et d’infériorité qui leur laisse à eux l’exercice du pouvoir.
VII. — La guerre
La guerre était hier un élément essentiel de la culture Coniagui et, à un moindre degré, de la vie des Bassari. Armés de frondes, d’arcs et de flèches, de sabres de bois lourd, de bambous, de couteaux ou de fusils de traite, les dyarar Coniagui et leurs homologues Bassari ont eu souvent à défendre leur pays 21 contre des envahisseurs. Aujourd’hui, depuis l’occupation française, ils n’ont plus à prendre les armes contre leurs voisins.
Mais les villages des Coniagui — fiers, orgueilleux et conscients de n’avoir jamais été défaits par leurs voisins — restent des villages de guerriers : le tyareg est toujours un camp limité par des cases de soldats, à l’intérieur duquel habitants et richesses du village étaient autrefois réunis en cas d’attaque. De même les Bassari expliquent-ils au visiteur qui s’étonne de leurs fêtes et danses peu bruyantes qu’on évite ainsi d’attirer l’attention des voisins malintentionnés.
Car la profonde différence psychologique existant entre les Coniagui et les Bassari est clairement manifestée par les divergences de leur attitude en ce qui concerne la guerre : les Coniagui sont des guerriers demeurés invaincus jusqu’à l’arrivée des Blancs alors que les Bassari, pris entre les Fula et les Coniagui, n’ont souvent pu se défendre des premiers qu’en allant se réfugier chez les seconds.
Conclusion
La description qui précède n’est ni complète, ni définitive. Les travaux publiés à ce jour sur les Coniagui et les Bassari, et notre propre enquête chez eux, sont encore fragmentaires et imparfaits. D’où viennent ces populations ? nous ne le savons pas. Quelles langues parlent-elles ? nous le savons à peine. L’enquête sur les techniques n’est qu’abordée, elle s’éclairera sans doute lorsque l’enquête sur la structure sociale sera plus avancée. Mais un fait au moins semble acquis : les sociétés Coniagui et Bassari sont fortement organisées, minutieusement construites. Confédérations de villages, société des hommes et société des femmes, sociétés secrètes à rôle religieux et politique, confréries de chasseurs, classes d’âge, groupements exogames nominaux, associations endogames de villages voisins, tous ces groupes concourent à compartimenter rigoureusement les sociétés Coniagui et Bassari.
Coniagui et Bassari se ressemblent par les traits principaux de leurs coutumes et de leurs croyances. Cependant, au cours des pages qui précèdent, on a vu apparaître entre ces deux ethnies un certain nombre de divergences d’autant plus intéressantes que Coniagui et Bassari partagent un même schéma général d’organisation sociale. On peut dire dès à présent que les rites et les coutumes Coniagui et Bassari se complètent plutôt qu’ils ne s’opposent. Il s’agit, nous espérons le montrer prochainement, de sociétés complémentaires, jouant l’une et l’autre des rôles différents, mais pas indépendants. Par exemple, chez les Coniagui — gens de la plaine ouverte, l’opposition femmes-hommes est plus marquée, le rituel de l’initiation des garçons plus sévère et les vertus guerrières plus grandes ; un des jumeaux est mis à mort, la femme se marie après avoir eu des enfants, les fêtes sont bruyantes et le sens de la propriété personnelle est plus développé que chez les Bassari. Chez ces derniers — gens de la brousse accidentée, l’opposition femmes-hommes est moins marquée, les épreuves de l’initiation des garçons moins sévères, le rituel en général plus riche, les magiciens et les prêtres plus nombreux et plus élevés dans la hiérarchie et l’orientation des esprits portée — non pas vers l’action et la lutte comme chez les Coniagui — mais vers la « connaissance », la « sagesse » ; les jumeaux sont conservés, la femme se marie avant d’être mère, les fêtes ont lieu sans bruit et la dépendance de l’individu vis-à-vis de son groupe est plus manifeste. Les Coniagui pourraient être dits plus extériorisés, les Bassari plus intériorisés.
Nous espérons mener à bien une enquête plus approfondie sur les croyances de ces populations ; peut-être éclairera-t-elle leurs divergences, leurs oppositions, qui nous paraissent complémentaires et organisées. Cette enquête devra, bien entendu, englober les Badyaranké dont les coutumes et les croyances rappellent tantôt les Coniagui, tantôt les Bassari. Alors seulement pourra-t-on avoir une idée d’ensemble de ces trois groupes voisins, à la fois proches et divers, qui nous semblent constituer un exemple intéressant de sociétés à opposition complémentaire.
Notes
1. Cf. p. 18.
2. Au moins était-ce ainsi il y a peu d’années encore. Aujourd’hui, nombreux sont les villages où seules le font les femmes ayant un fils au tyareg.
3. A cause de l’éloignement des villages ou à cause de l’existence de sous-groupes.
4. M. de Lestrange, 1951.
5. Maupoil (1941) écrit: « Nous n’avons pas pu nous procurer la liste des interd its de ces 6 familles. »
6. M. de Lestrange, 1951.c et 1951.
7. Que Delacour et Maupoil appelaient des familles, cf. p. précédente.
8. Cf. p. 46.
9. Ces groupes géographiques réunissent en réalité plusieurs groupements historico-sociologiques de villages : les villages issus du même village-mère s’associent pour célébrer en commun certaines têtes et partagent chez les Bassari certaines particularités de costume, de coutume et de langue, cf. ci-dessus, p. 40.
10. C’est-à-dire mariages Coniagui x Coniagui ou Bassari x Bassari.
11. C’est-à-dire mariages Coniagui x Bassari.
12. Sachant l’importance d’un tel changement de nom, qui équivaut à la naissance d’un individu nouveau, les Pères Missionnaires insistent pour que les catholiques soient désignés par leurs noms de baptême.
13. L’origine de ces anenke, aujourd’hui mal connue de la majorité des Coniagui-Bassari est encore obscure. D’après certains informateurs, les propriétaires de numba seraient ayu ou aigwal, les ages très nombreux aujourd’hui descendraient d’étrangers, les ayantya d’anciens captifs de guerre et les aneon d’hommes d’une autre tribu du Soudan venus en partie s’installer dans le pays où ils sont souvent devenus chefs de villages. Mais notre enquête sur ces questions n’est qu’ébauchée.
A chaque anenke Coniagui correspond un anenke Bassari. Ainsi par exemple un Coniagui ayu ne pourra-t-il pas épouser un Bassari de l’anenke correspondant.
Ces anenke Coniagui et Bassari ont des correspondances chez les Badyaranké.
14. Comme disent les Coniagui parlant français.
15. Le même terme peut désigner l’esprit et sa matérialisation ou son autel, cf. n. 1, p. 71
16. Cf. pp. 61 et 71 : le même mot numba désigne à la lois l’esprit et son représentant.
17. Delacour pense que la direction de la société des kore a été retirée au village Coniagui de Landumba pour être confiée au village Bassari de Negare.
18. Icacina senegalensis A. Juss. : plante très commune dans le régime, elle a donné son nom à un village Coniagui.
19. Appelé dans la région aigle à pattes rouges.
20. Delacour écrivait, p. 373: « Il n’existe pas de griots. »
21. Maupoil (1954) écrit, p. 381 : « Dans des opérations en majorité défensives. »