Canale sur Gérard Cauche (2 mai 1922 – 26 mars 1995)

André Lewin
Ahmed Sékou Touré (1922-1984).
Président de la Guinée de 1958 à 1984.


Annexe III
Chronique nécrologique rédigée par Jean Suret-Canale
sur Gérard Cauche (2 mai 1922 – 26 mars 1995)

Avec Gérard Cauche disparaît un des pionniers de l’action de solidarité avec les peuples d’Afrique dans leur lutte de libération. Résistant dans la région toulousaine, il termine la guerre avec le grade de capitaine et est affecté un temps à la direction des FFI au Ministère de la guerre. Admis à l’École Nationale de la France d’Outre-mer, il y soutient un mémoire sur “Les trusts en Afrique noire”. Dans le même temps, il participe aux côtés de Raymond Barbé aux travaux de la “Section coloniale” du PCF et participe avec lui au Congrès de Bamako qui crée, en octobre 1946, le Rassemblement Démocratique Africain.
Fin 1946, il est nommé administrateur-adjoint, en poste d’abord à Podor au Sénégal, puis à Dakar. Pour avoir figuré sur la liste du RDA aux élections municipales de Dakar en 1947, il est purement et simplement révoqué. Il est alors désigné par le Comité de coordination du RDA comme secrétaire administratif du mouvement à Dakar. Il y milite au Groupe d’Études Communistes, à la section territoriale du RDA, l’Union Démocratique Sénégalaise (où il exerce des responsabilités), et participe activement à la rédaction de l’hebdomadaire progressiste Réveil.
Avec l’aggravation de la guerre froide et de la politique de “restauration” coloniale qui suit l’éviction des ministres communistes du gouvernement, la répression s’accentue. La plupart des militants communistes européens (dont l’auteur de ces lignes) sont expulsés. En 1950, à la suite d’une manifestation de solidarité avec l’Espagne républicaine, il est arrêté avec son épouse et 36 autres militants africains pour “participation à une manifestation non déclarée” : les peines sont de 4 à 6 mois de prison ferme et 20.000 francs d’amende. Seule sa femme, Vickie Cauche, en tant que mère d’enfants en bas âge, bénéficiera du sursis … mais sera immédiatement révoquée de ses fonctions de professeur au Lycée Delafosse. Pour obtenir ces condamnations (le tribunal des flagrants délits s’était déclaré incompétent et avait prononcé la relaxe), le haut-commissaire Béchard (sénateur-maire socialiste d’Alès) avait fait venir de Bamako pour présider le tribunal le futur président André Giresse (qui s’illustrera à la fin de sa carrière par ses attaques virulentes contre ses collègues magistrats jugés trop peu répressifs et par ses positions en faveur de la peine de mort).
Après le “retournement” d’Houphouët-Boigny en octobre 1950 (il rompt l’apparentement parlementaire du RDA avec les groupes communistes dans les assemblées et vote désormais pour les gouvernements en place, y compris les crédits pour les guerres d’Indochine et d’Algérie), Gérard Cauche perd ses fonctions de secrétaire administratif du RDA et doit revenir en France. Sa condamnation confirmée en appel, il entrera en avril 1951 pour quatre mois à la prison de la Santé.
Par la suite, au moment de l’indépendance de la Guinée, il se mettra au service de ce pays et y travaillera plusieurs années dans le secteur économique.
Gérard Cauche fut pour moi un camarade très proche et très cher : d’autant plus que, à peu près du même âge, nous avions suivi des chemins parallèles, de la Résistance à l’action anticolonialiste, et que nous nous étions retrouvés en Afrique à deux reprises, à Dakar de 1946 à 1949 (date de mon expulsion), en Guinée de 1959 à 1963. A son épouse Vickie, qui a partagé les épreuves de sa vie militante, à ses enfants et petits enfants, je voudrais exprimer ici, au nom de notre association, nos sincères et très vives condoléances.

Jean Suret-Canale