Chapitre 12 15 octobre 1950 Le véritable démarrage du PDG

André Lewin.
Ahmed Sékou Touré (1922-1984).
Président de la Guinée de 1958 à 1984.

Paris. L’Harmattan. 2010. Volume I. 236 pages


Chapitre 12
15 octobre 1950 Le véritable démarrage du PDG

Il faudra attendre le deuxième congrès de la section guinéenne du RDA, tenu dans le quartier de Boulbinet à Conakry du 15 au 18 octobre 1950 265, pour qu’enfin la relance s’amorce, sous le nouveau sigle du “Parti Démocratique de Guinée-PDG, section guinéenne du RDA”, qui fut alors officiellement adopté. Y participent vingt-deux délégués représentant six sous-sections :

  • Conakry-banlieue 266
  • Kankan (Lamine Camara)
  • Kouroussa (Karamoko Diafodé Keita et Ahmadou Kaba)
  • Mali-Labé (Savané Moricandian)
  • Guéckédou (Yoro Keita et Mamadou Touré)
  • Beyla (Mamadou Traoré)

Il convient de noter que les congressistes apprennent, la veille de la clôture de leur réunion, le désapparentement entre le RDA et le Parti communiste, ce qui entraîne de vives discussions dans les coulisses, beaucoup de cadres du PDG étant très attachés aux liens avec le Parti communiste français.
Ce Congrès tire les leçons de la difficile période précédente. Il crée des structures mieux adaptées aux réalités socio-politiques de la Guinée : des comités de quartier et de village constitueront désormais la cellule de base du Parti, et leur regroupement par région constituera une sous-section ; en outre sont créés des comités de notables (ils subsisteront jusqu’en 1959) et des comités ethniques. Ce Congrès adopte en outre un programme mieux centré sur les préoccupations quotidiennes des masses populaires : lutte contre la discrimination raciale, création de municipalités élues, élection des chefs de canton au suffrage universel (à partir de 1955, le PDG demandera leur suppression pure et simple), élargissement des pouvoirs des assemblées locales, revalorisation des prix des produits locaux, suppression des sociétés indigènes de prévoyance, etc. …

Le véritable travail s’effectue en profondeur :face aux particularismes régionaux ou aux ambitions individuelles autres que les siennes, Sékou Touré et un petit groupe de compagnons fidèles (parmi lesquels notamment Damantang Camara, Lansana Diané, Louis Lansana Béavogui 267, Nfamara Keita, Saïfoulaye Diallo, Abdoulaye Diallo, et son demi-frère Ismaël Touré, qui est revenu en Guinée après avoir été affecté en premier lieu par l’administration coloniale au Dahomey-Bénin) entreprennent patiemment d’asseoir la base idéologique du PDG, de l’organiser progressivement et de l’implanter sur tout le territoire.

Ce furent des années difficiles, où les responsables du Parti travaillent au milieu de l’indifférence d’une partie de la population, dans l’hostilité de la plupart des chefs et notables traditionnels ou religieux, sous la crainte des réactions de l’administration coloniale. Cependant, le gouverneur Roland Pré dénonce “le comportement des étudiants qui reviennent de France, (…) car la plupart sont communistes ou RDA, ou les deux à la fois, et se font pendant les vacances les propagandistes des doctrines extrêmistes.” 268
Le gouverneur menace à tout moment d’appliquer son arrêté no. 478 du 7 février 1950 interdisant “jusqu’à nouvel ordre” toute réunion du RDA-PDG.
Certains airs en vogue dans les dancings sont interdits, comme “Aube africaine”, “Minuit” ou “Djoliba”, en raison de leur résonance nationaliste 269. A Conakry, les meetings se tiennent le plus souvent dans les cinémas Rialto ou Vox, devant des assistances clairsemées.
A la suite de multiples condamnations du Tribunal de Conakry, qui lui infligea plus d’un million de francs d’amendes, Le Coup de Bambou, journal du Parti, où Sékou signait ses éditoriaux du pseudonyme ERDEA, doit cesser de paraître le 4 janvier 1951 270 ; il avait alors une année à peine d’existence, ayant succédé le 1er août 1950 au Phare de Guinée, créé le 27 septembre 1947 et qui, ne trouvant plus d’imprimerie pour la publication de ses 3.000 exemplaires, avait arrêté sa parution en 1949 271 ; en mars 1951 naîtra finalement La Liberté, hebdomadaire qui paraît tous les mardis, et qui deviendra après l’indépendance, Horoya (Liberté, en langue soussou) 272.

[ErratumHoroya est une déformation du mot composé maninka hörön-ya, qui dénote le rang dominant des hörön (dynasties et couches patriciennes) dans le Mande traditionnel. Au-dessous des hörön venaient les nyamakala (castes d’artisans) et les jön (gens de condition servile). Par extension le terme a acquis le sens de liberté. Dans Gens de la parole. Essai sur la condition et le rôle des griots dans la société malinké, Sory Camara souligne : « la gradation des statuts qui range les membres de la société selon trois groupes : celui des hörön, le plus éminent, celui des jön et celui des nyamakala, p. 63. — T.S. Bah.]

Sékou Touré et ses camarades mêlent grèves, luttes syndicales et réunions politiques, sillonnent dans les débuts Conakry et ses alentours en bicyclette, parcourent ensuite le reste du pays ; lui-même utilise une motocyclette 273 mise à sa disposition par le syndicat — certains disent la CGT française —, plus tard une vieille Citroën “Traction Avant” conduite par des militants ou des amis sûrs (comme André Sassonne dans la région forestière 274). Ils emploient eux-mêmes la violence dont leurs adversaires usent contre eux, implantent des sections dans tous les villages, quadrillent les villes, le quartier Boulbinet à Conakry étant l’un des mieux contrôlés 275.

C’est ainsi qu’ils consolident les assises du PDG, dont Sékou Touré devient le secrétaire général le 3 juillet 1952, après un bref intérim de Fodé Mamoudou Traoré, dit Kotigui Traoré, un ouvrier cheminot militant de Conakry (Coronthie) ; il succède de la sorte à Madeira Keita (dont certains affirment, sans doute à tort, que Cornut-Gentille l’a muté disciplinairement de Guinée à Dakar puis au Niger, sur la suggestion de Sékou Touré et en tous cas pour lui rendre service en écartant l’un de ses concurrents les plus capables) et à Amara Soumah, qui dût démissionner le 10 avril 1952, peu après son élection comme Conseiller territorial, sous la pression d’éléments qui le trouvaient trop proche des communistes et qui fut aussitôt considéré par ses camarades comme un renégat.

Bien qu’il compte en 1951 20.000 adhérents répartis en 22 sous-sections, l’influence du PDG tarde à se manifester auprès des électeurs : aucun de ses candidats n’est élu à l’Assemblée nationale en juin 1951, ni l’année suivante à l’Assemblée territoriale.

En 1951, c’est Sékou Touré qui fut choisi le 26 mai par le comité directeur comme le premier des candidats de la liste du PDG, et non le secrétaire général Madeira Keita. Sékou eut du mal à réunir la caution de 5.000 francs CFA exigée des candidats, et ce furent, raconte-t-on, les dockers du port de Conakry qui réunirent la somme ; d’autres affirment que ce fut en réalité un notable guinéen, El Hadj Mamadou Fofana 276. Une souscription nationale réunit au total 300.000 francs CFA.
Outre Sékou Touré qui fut présenté à Nzérékoré 277, les deux autres candidats PDG furent un ancien capitaine de l’armée française, Mamadou Diouldé Barry, et Niankoyé Samoe (Samuel), commis aux PTT et ancien camarade syndicaliste de Sékou.

Au début de l’année 1951, le départ du gouverneur Roland Pré, qui fut son adversaire déterminé, facilite la remontée du Parti.

Aux élections législatives du 17 juin 1951, la Guinée doit désigner trois députés avec un collège électoral désormais unique ; il y a huit listes en présence, et 23 candidats, dont :

  • Fodé Mamoudou Touré
  • Yacine Diallo
  • Mamba Sano
  • Diawadou Barry
  • Karim Bangoura
  • Diafodé Kaba 278

Avec 14,49% des voix, le PDG-RDA arrive en 3ème position derrière la liste “Socialiste d’Union Guinéenne” de Yacine Diallo et la liste “des Indépendants” de Mamba Sano, l’un et l’autre députés sortants, qui sont déclarés élus ; le nombre de suffrages recueillis par Diallo est suffisant pour faire élire avec lui son second de liste, Albert Liurette (un médecin issu en 1930 de l’École africaine de médecine et de pharmacie de Dakar), tout au moins après une ultime “rectification” au détriment du RDA.

Lors de la proclamation des résultats, le 21 juin, Sékou proteste et affirme que les urnes ont été truquées 279 en beaucoup d’endroits et les procès-verbaux falsifiés par l’administration coloniale, en dépit des instructions de neutralité données par François Mitterrand, ministre de la France d’Outre-mer de juillet 1950 à août 1951 280.

Diawadou Barry, battu, proteste de son côté, constate la “poussée inattendue et dangereuse du RDA” et accuse également l’administration d’être intervenue pour rétablir à son détriment la situation de Yacine Diallo, qu’il aurait réussi autrement à éliminer du Fouta !
Mais Diawadou Barry refuse de faire une protestation commune avec Sékou, pour ne pas s’associer avec le RDA contre l’administration. Sékou Touré se rend donc seul à Paris le 2 juillet, mais en dépit du soutien que lui accorde le groupe communiste, sa demande d’enquête et d’invalidation n’aboutira pas ; le 22 août, le bureau de la commission reconnaît “certaines fraudes” et n’estime cependant pas qu’elles “étaient de nature à modifier le résultat” 281.

En analysant les résultats, Sékou s’aperçoit que sur les 32.081 suffrages qu’il a obtenus [se répartissent comme suit :]

Région Votes Pourcentage
Guinée Forestière 13.079 50 % avec des pointes jusqu’à 75 % à Beyla et Nzérékoré
Haute-Guinée 10.234
Moyenne-Guinée 5.098
Basse-Guinée 3.660 10 à 30 % des voix à Conakry et à Kindia, et moins de 10 % dans les campagnes de la Basse-Côte

 

Il faut donc nuancer l’affirmation suivant laquelle le PDG s’est dès le début implanté en Basse Guinée, c’est-à-dire sur la côte ; c’est vrai pour Conakry, où vivaient nombre de petits fonctionnaires et de cadres et où naissait une modeste classe ouvrière, mais pas pour les campagnes ; les adhésions massives de militants soussous viendront plus tard seulement.
C’est par conséquent en Guinée forestière que Sékou Touré voit se dessiner pour la première fois une perspective sérieuse d’être élu. Il lui reste à trouver une circonscription 282.
Cependant, lors de la conférence des gouverneurs qui se tient en septembre 1952, le gouverneur de la Guinée Siriex croit pouvoir indiquer que “le RDA est éliminé de la carte politique de la Guinée ; Madeira Keita suivra la ligne d’Houphouët, et seuls quelques communistes dirigent des comités extrémistes.”
Quant aux députés élus, ils sont considérés comme de véritables potentats. Voici la description colorée que donne Keita Ouremba, secrétaire délégué de l’Union du Mandé et de l’Union Forestière, de l’accueil en Guinée du député Mamba Sano :

“Conakry, 17 octobre. Hier, à sons de tambour, le crieur public a avisé la population du retour de Paris, prévu pour aujourd’hui, de M. le Député Mamba Sano. Nous passons devant le domicile de celui-ci avant d’aller au terrain d’aviation à 9 heures. Les groupements de femmes sénégalaises, Soussous, Foulahs, Malinkés, commencent déjà à y arriver, les griots qui les accompagnent font du tam-tam et du balafon. Sur le terrain d’aviation, il y a beaucoup de monde. Nous remarquons MM. les Conseillers de la République Touré Fodé Mamadou, Pinto 283, Ferracci, M. le Conseiller de l’Union Française Maurice Montrat, M. le Président de l’Assemblée Territoriale Marcou, MM. les Conseillers généraux Barry Diawadou, Soumah Amara, Framoi Bérété, Kaman Kamara, Bangoura Karim, lequel en même temps représente l’Union Franco-guinéenne (créée le 29 février 1947) dont il est le Secrétaire général. Il y a aussi les chefs de quartier Bemba Doumbouya et Siramodou Sylla, le notable sénégalais Papa Gueye, la délégation de l’Union Guinéenne qui représente les régions naturelles du Territoire.
L’avion de Dakar ne se fait pas attendre. Le voici au dessus de nos têtes. Il atterrit. Le Député Mamba Sano met pied à terre, lestement. La foule écoute dans le calme La Marseillaise que les griots de l’association des originaires de Kania [Kindia] jouent de leurs balafons. Dans un nouveau silence impressionnant, trois griottes Malinkés chantent l’appel aux chevaux qui est un vieil air de l’Empire Mandingue, pendant que le Député reçoit une gerbe de fleurs des mains de la charmante jeune fille de M. Kabakarou Kaba, dit ‘l’Ambassadeur’. Et puis après, la présentation commence. Il y a du monde depuis le fond du grand hangar jusqu’à la sortie de l’aérodrome. Le cortège se forme. C’est une longue file de vehicules : voitures, camionnettes et camions. Sur la route de Conakry, nous nous arrêtons aux marchés de Madina et de Coléah, où les habitants de la banlieue sont venus saluer M. le Député à son passage. Les griots jouent la Marseillaise de leurs balafons, les femmes chantent et agitent le drapeau tricolore. M. Mamba répond aux souhaits de bienvenue qui lui sont adressés et nous continuons la route. A partir de l’entrée de la ville jusqu’au rond-pomt du boulevard Victor Schoelcher, nous entendons dire ça et là en soussou : Mamba Sano fa, Député Mamba danki ma (Mamba Sano est arrivé, le Député Mamba passe). Nous remontons la 6ème avenue. Nous voici devant le domicile du Député où une foule énorme est massée de chaque côté de la rue de l’Hôpital Ballay. Les femmes dansent, chantent, agitent de petits drapeaux tricolores qu’elles portent également épinglés à leurs boubous. Ici comme à Coléah, à Madina et à l’aérodrome, les griots jouent La Marseillaise. Trois jeunes élégantes filles Soussou, Sénégalaise et Malinké remettent des gerbes au Député. A ce moment, l’appel aux chevaux retentit à nouveau, cependant que M. Mamba, visiblement ému, essaye de serrer les nombreux bras qui lui sont tendus de tous côtés. Le Député dit quelques mots au chef du quartier du centre, Moustapha Soumah, puis remercie la foule de l’accueil enthousiaste dont il est l’objet de sa part. Il s’exprime en malinke. Le chef griot de la ville, Diély Boua, traduit les paroles en soussou. Pour ceux qui ne comprennent pas cette langue, le Député se résume en français. La parole est passée à M. le Conseiller de la République Touré Fodé Mamadou, qui à son tour la donne à son collègue Pinto. Un interprète traduit correctement leurs paroles en soussou. Tous les orateurs sont plusieurs fois applaudis. Tous ils insistent sur l’union des Africains, pour permettre aux énergies saines d’acceder plus faci1ement à l’émancipation de l’Afrique Noire, dans le cadre de l’Union Française.Pour terminer, M. le Conseiller de l’Union française Montrat remercie la foule de cette manifestation de joie populaire organisée en l’honneur d’un enfant du pays, le Député Mamba Sano, aujourd’hui dans nos murs à Conakry.”

Notes
265. Le gouverneur Roland Pré, rappelé à Paris “en consultations” le 26 septembre, est revenu à Conakry à la veille de l’ouverture du Congrès, le 14 octobre. Il paraît clair qu’il a cherché à freiner, voire à casser, le redémarrage du PDG par tous les moyens (voir l’étude, un peu excessive et systématique, de Sidiki Kobélé Keita, “Roland Pré, le gouverneur de la misère et de la terreur”, dans la revue guinéenne — de l’époque de Sékou Touré — Miriya [rubrique Histoire]). Mais il n’est pas impossible que sur ce point, il ait agi autant — ou même davantage — par motivations personnelles que sur instructions ministérielles.
266. Jusqu’au 10 juin 1956, il y aura en fait confusion entre les membres du comité directeur de Conakry et ceux du comité directeur central.
267. Il sortit diplômé en 1948 de l’École africaine de médecine et de pharmacie de Dakar.
268. Rapport du gouverneur pour l’année 1951 (aux archives de la FOM. Aix en Provence)
269. Beaucoup de ces chansons engagées furent composées par Mangué Gadiri, plus tard consul général puis ambassadeur de Guinée au Sierra Leone jusqu’à sa mort en 1966. D’autres membres du PDG composent eux aussi des chansons populaires militantes : Koba Ansou, Bonin… Le 24 juillet 1950, Radio France diffuse sur les ondes le spectacle donné par Keita Fodéba au Palais de la Mutualité; on peut ainsi entendre en Afrique beaucoup d’airs déjà interdits.
270. La pluie de condamnations pour diffamation et d’amendes était largement due aux provocations et aux maladresses de son directeur et rédacteur, Mamadou Traoré, dit Ray-Autra (selon le journal tenu par le professeur Jean Suret-Canale et communiqué par celui-ci à l’auteur).
271. Son directeur, Mamadou Diallo, a démissionné en mai 1949.
272. Quelques mois plus tard, le 23 juillet 1951 , François Mitterrand, ministre de la France d’Outre-mer (FOM), signe une circulaire interdisant toute poursuite judiciaire en matière de délits de presse sans son accord préalable, car “l’opportunité ne doit pas être uniquement appréciée sous son aspect local”.
273. Très souvent en panne, cette fameuse motocyclette sera réparée régulièrement par un dénommé Naby (…) qui recevra plus tard de Sékou une bonne place au garage du gouvernement.
274. Ancien sous-officier de l’armée française, il deviendra plus tard chef du protocole, puis directeur d’ALIMAG (entreprise nationale d’importation d’alimentation) ; il sera arrêté en 1971 et probablement fusillé en octobre de la même année.
275. “Qui tient Boulbinet tient Conakry, qui tient Conakry tient la Guinée”, affirme une locution locale. Une autre expression complète : “Qui tient les Soussous tient Conakry.”
276. En 1951, Sékou a également perçu 200.000 francs CFA de la part d’Houphouët (cité dans Yves Benot, Les députés africains au Palais Bourbon de 1914 à 1958, Paris, Éd. Chaka, collection Afrique contemporaine, 1989, p. 117).
277. J. Garnier, directeur des affaires politiques et administratives au haut-commissariat de l’AOF à Dakar, qui établit des notices confidentielles sur les candidats aux élections législatives, note le 1er juin 1951 : “Militant communiste fervent, Sékou Touré mettra au service du parti et de sa cause personnelle toute sa combativité et son dynamisme.”
278. Diafodé Kaba était le seul autre candidat malinké, donc susceptible d’enlever les voix de cette ethnie à Sékou ; il fut présenté par le RPF gaulliste. Yacine Diallo et Diawadou Barry se présentèrent tous deux, en dépit des efforts de l’almamy Ibrahima Sory Barry pour qu’il n’y ait qu’un seul candidat Peul.
279. Les trucages sont d’autant plus faciles qu’un grand nombre d’électeurs sont illettrés. C’est pourquoi le PDG choisira d’utiliser comme symbole le Syli (l’éléphant) afin de faciliter le choix des électeurs. [Erratum. Le symbole de chaque parti, y compris ceux des formations rivales du PDG, était imprimé sur les bulletins de vote. — T.S. Bah]
280. François Mitterrand occupe ces fonctions dans les cabinets dirigés par René Pleven et Henri Queuille, de juillet 1950 à août 1951. René Pleven lui avait auparavant proposé le ministère de l’Éducation nationale, qu’il refusera.
281. Les gaullistes du RPF s’attribueront le mérite d’avoir empêché l’élection des candidats RDA en ayant présenté contre Sékou un autre Malinké, Diafodé Kaba, et contre Mamadou Fodé Touré un autre Soussou, Bangoura Karim. Le premier obtint plus de 18.000 VOIX, (alors qu’il en manqua 3.000 à Sékou pour être élu), le second près de 4.500 voix. Louis Delmas, conseiller de l’Union française et l’un des leaders gaullistes de Guinée, a écrit le 30 mai 1951 à Jacques Foccart que “si l’administration le veut, et elle le peut encore (ce dernier mot est souligné par l’intéressé), pourraient être élus Mamba Sano, Diafodé Kaba, Yacine Diallo ou Barry Diawadou.” Le 11 juin 1951, Delmas précise dans une note à Jacquees Soustelle qu’“il faut battre Sékou Touré qui est inscrit non seulement au RDA mais au parti communiste.” Les services de la sûreté de Guinée estiment pour leur part, dans le rapport hebdomadaire du 4/11 juin, que “la liste RDA de Sékou Touré qui il y a quelques jours ne semblait pas dangereuse, mérite maintenant que l’on y prête attention (…) Si l’on n’y prend pas garde, le scrutin de dimanche réservera des surprises peu agréables.” (cité dans Robert Bourgui, Le général de Gaulle et l’Afrique noire, 1940-1969, Paris, LGDJ, 1980).
282. En octobre de la même année, Sékou donne encore une autre analyse de ces résultats : “Le succès relatif que j’ai obtenu aux élections législatives n’est pas seulement dû aux idées progressistes que je défendais ; il est la conséquence de l’affection que me portent une partie des masses guinéennes parce que je suis le descendant d’une famille illustre.”
283. Il s’agit du Dahoméen Louis Ignacio-Pinto, qui a été élu au Conseil de la République (futur Sénat) en 1947, après avoir [été] membre de la délégation dahoméenne au Congrès de Bamako (voir la note de bas de page qui y est consacrée au chapitre 8). Sa présence à Conakry à la date de l’accueil de Mamba Sano s’explique par le fait que Pinto est inscrit comme avocat-conseil au Barreau de Conakry et qu’il devait s’y trouver pour plaider une affaire.