Laye Camara. L’enfant noir

Laye Camara. L’enfant noir

Paris. Plon/Presses Pocket. 1953


“Littérature guinéenne”

L’Harmattan. Paris, 2005. 175 pages
Notre Librairie.
N°88/89 Juillet-septembre 1987. Pages 179-80


J’étais sur les bancs de l’école primaire quand j’ai entendu parler de Camara Laye ; plusieurs pages de L’enfant noir m’ont alors servi de dictée ou d’étude de texte. Mais c’est seulement huit ans après avoir quitté les bancs que je lus pour la première fois le livre en entier, c’était en 1975 et j’étais enchanté par ma lecture.
Je redécouvre aujourd’hui L’enfant noiret j’éprouve le même enchantement. En quoi donc m’enchante-t-il ? Qu’est-ce que j’y trouve ?
En lisant Laye, j’entre dans ce monde merveilleux de l’Afrique traditionnelle en ces temps où elle vivait largement de ses valeurs propres, où la culture tapageuse de nos cités nouvelles ne l’avait pas inondée encore. C’était un monde merveilleux en effet où la vie était faite de simplicité, de bonté, de franchise et de secrets ; je ressens d’autant plus de plaisir à découvrir l’enfance de Laye que la mienne a baigné dans un monde similaire j’ai grandi dans un village de la Guinée forestière à l’époque où la loi traditionnelle régissait encore la communauté.
Ce qui me frappe le plus dans L’enfant noir c’est le thème de l’éducation. Qu’elle soit reçue des anciens ou de l’école française, l’éducation d’hier était centrée sur le sérieux du travail et sur les sanctions disciplinaires ; il est vrai qu’elle a parfois souffert d’abus d’autorité mais en définitive elle procurait au pays plus d’hommes valables que ne le peut l’éducation d’aujourd ‘hui, surtout quand celle-ci a subi pendant six ans une révolution décadente et inhumaine.
La langue, la composition, le style, tout est simplement et laborieusement élaboré, avec en plus cette poésie, cette chaleur humaine, j’allais dire cette frénésie d’amour qui anime toutes les pages. Pour un coup d’ essai, c’est un coup de maître que Laye a réussi en écrivant ses souvenirs d’enfance.
Ce livre est si beau qu’il ne pouvait pas ne pas provoquer de bruits à sa naissance, bruits d’admiration et d’indignation mêlés. Parmi les critiques qui en voulaient à l’oeuvre ou à son auteur, il y a ceux qui contestaient à Laye la paternité d’un tel joyau, il y a aussi ceux qui déploraient dans L’enfant noir l’inexistence du fait colonial.
Aujourd’hui les critiques de mauvais aloi se sont tus ou sont passés dans le camp des admirateurs. L’oeuvre est devenue ce qu’il est convenu d’appeler l’un des classiques de notre temps.

Walaoulou Bilivogui