Williams Sassine
Le jeune homme de sable
Présence Africaine, Paris. 1979, 186 p.
L’Harmattan. Paris, 2005. 175 pages
Notre Librairie
N°88/89 Juillet-septembre 1987. Pages 194-195
Williams Sassine a mis, en exergue de son troisième roman, une “formule” lapidaire et provocatrice, due au poète allemand mystico-romantique Friedrich Hölderlin : “Dieu fait l’homme comme la mer fait les continents : en se retirant”. Cette phrase revêt sous la plume de l’écrivain guinéen un aspect ironique et dramatique à la fois. Le sable prend dans ce texte la relève de la mer, et Sassine refuse de considérer sa menace comme naturelle : « … la tragique famine qui frappe notre pays n’est pas due seulement aux intempéries; cette sécheresse n ‘est pas tombée du ciel du jour au lendemain. Tout le monde l’a vue avancer, et tout le monde l’a laissée avancer”. Sassine accuse !
Happé par la beauté de la narration et de l’écriture, le lecteur ne peut s’empêcher de ressentir un certain malaise qui ne le lâche pas jusqu ‘à la dernière page. Comment ne pas se poser de questions lorsque Oumarou, le héros, trouve d’implacables ressemblances entre son père et le Guide qui dirige tyranniquement le pays ? Sassine ne veut pas, ne veut plus entendre parler de “Guide suprême”, de “Président à vie”, de “Chef providentiel”, de “Lion qui rugit” … Tout son espoir est dans la jeunesse, mais celle-ci demeure aussi imprévisible que les vents de sable, construisant ici aujourd’hui et là demain, dans un mouvement permanent, dans la certitude que l’adolescence romantique est mue par l’avide recherche d’absolu, aussi démagogique soit-elle. Dans la vie comme dans ce roman, il est parfois bien difficile de distinguer le cauchemar de la réalité . C’est le danger que les âmes pures n’évitent que rarement, sinon en en payant le prix : la folie. Bien difficile de séparer Oumarou de Sassine, surtout quand l’exil (Sassine le subit depuis combien d’années !) se révèle comme une pierre d’attente.
Bien difficile de distinguer le héros de son créateur quand le monde s’effondre sur sa tête après qu’il eut choisi de devenir Sidi Boubacar pour “échapper aux périls qui menacent l’homme seul”.
Dans le passage évoquant les chefs d’état africains quittant le pouvoir, le romancier guinéen faisait preuve, avant les années 80, d’un don de visionnaire.
Williams, avec ce magnifique roman, “on ne parlera pas de toi, mais toi, tu donneras tout le temps aux autres le courage d’agir contre le mal, tout le temps tu parleras aux autres : c’est ça l’immortalité.”