Témoignages
d’anciens détenus des camps de concentration guinéens
L’Harmattan. Paris, 2005. 175 pages
Notre Librairie
N°88/89 Juillet-septembre 1987. Page 203
- Amadou Oury Diallo. La mort de Diallo Telli Paris. Karthala, 1983, 160 p.
- Arɗo Ousmane Bâ. Le Camp Boiro, sinistre geôle de Sékou Touré Paris. Harmattan, 1986.
- Alpha Abdoulaye Diallo. La vérité du ministre, dix ans dans les geôles de Sékou Touré Paris. Calmann-Lévy, 1987, 263 p.
Ces trois témoignages écrits par d’anciens détenus des camps de concentration guinéens font écho au portrait dessiné par I.B. Kaké. Ils rappellent à qui voudrait les ensevelir une deuxième fois le long calvaire enduré par les dizaines de milliers de victimes.
“Il y a plus de gloire à respecter les vertus humaines qu’à l’odieux apanage dû aux crimes commis dans l’ombre des geôles”. Ces mots tracés pégiblement sur le mur d’une cellule sont prêtés à Diallo Telli, premier secrétaire général de l’OUA, mort d’inanition au Camp Boiro.
La mort de Diallo Telli révèle les circonstances de l’arrestation de l’un des cadres les plus brillants de sa génération, les tortures qui lui ont été infligées et les conditions atroces de sa mort. L’auteur de ce récit bouleversant se nomme Amadou Oury Diallo. Le tribunal révolutionnaire a utilisé ses voeux extorqués dans la “cabine technique “pour procéder à l’arrestation de Diallo Telli, alors ministre de la justice.
Publié en 1983, c’est-à-dire du vivant du Président guinéen, La mort de Diallo Telli a été un instrument précieux entre les mains de ceux qui, à cette époque, se battaient pour informer l’opinion publique des crimes qui se commettaient en Guinée au nom de la révolution.
Camp Boiro de Arɗo Ousmane Bâ complète le premier témoignage en ce sens qu’il évoque la lutte quotidienne pour se maintenir en vie, du peuple innombrable des camps, simples anonymes ou mm1stres déchus. Actes de courage, accès de désespoir, gestes de solidarité, réflexes égoïstes, remords… rythment le passage du temps.
Arɗo Ousmane Bâ a dédié ce livre à son frère aîné, mort en 197 4 dans le bloc pénitencier. Sénégalais tous deux, ils avaient choisi la Guinée comme patrie d’adoption.
La Vérité du ministre, c’est celle qu’exige de qui comparait devant lui le tribunal révolutionnaire. Parce qu’Alpha Abdoulaye Diallo est une haute personnalité (il a rang de ministre) proche du chef de l’Etat guinéen, dont il a assuré la protection pendant les événements de novembre 1970, il doit disparaître. Son juge sera son ancien protecteur, Ismael Touré, demi-frère du président et super-ministre. Celui-ci, alors que Diallo le prie de lui accorder une mort propre, lui dit avant de le confier aux bourreaux : “Je te répète que nous n’avons pas besoin de te fusiller, sinon nous n’hésiterions pas. Après tout, tu n’es qu’une unité parmi les six millions. Tu ne représentes rien. Nous en avons fusillé d’autres qui étaient plus importants et qui n’ont jamais rien déposé ou presque rien.” Peut-on exprimer plus clairement le peu de cas que la révolution guinéenne faisait de la vie d’un être humain ?
Alpha Abdoulaye Diallo avouera comme les autres. Comme ceux qui l’ont précédé et ceux qui lui succèderom. Outre que son livre contient la preuve formelle que Sekou Touré dirigeait de son bureau les interrogatoires, il permet de saisir la nature de la dictature guinéenne qui, dans sa version tropicale, n’a rien à envier aux totalitarismes contemporains.