Réalisé bien avant l’epidémie Ebola, ce film est plus d’actualité que jamais. Il met le doigt et fixe l’oeil sur la faillite du système de santé en Guinée post-coloniale. — T.S. Bah

Donka, un film documentaire de Thierry Michel (1996, 2013)

La vie au quotidien à l’hôpital Donka, le plus grand centre hospitalier  Conakry.
Durant 6 semaines, le réalisateur a suivi d’étage en étage, de service en service quelques malades et leur famille, des médecins, des infirmiers. Les portraits s’alternent dans une chronique de vie faite de tragique et d’espoir, où chacun essaie de s’en tirer “coûte que coûte”.
Dans cet hôpital du dernier recours, les familles espèrent sauver leur enfant, leur parent. Mais sans argent, pas de médicament, et peu de chance de survie.
Le film interroge l’état des structures hospitalières africaines et témoigne de la lutte de médecins décidés à relever le défi de la santé publique dans l’Afrique d’aujourd’hui.

Les Films de la Passerelle

Fondés en 1984, les Films de la Passerelle se sont rapidement orientés vers la création documentaire de films engagés dans des problématiques

  • sociales (univers carcéral, respect des droits du travailleur, sidérurgie, Gender)
  • humanitaires (intervention en Somalie, hôpitaux africains)
  • politiques (dictature au Zaire, en Iran).

Une volonté d’intervenir sur les consciences avec une réflexion permanente sur les rapports Nord/Sud :

  • Gosses de rue et favellas au Brésil
  • Colons au Zaïre (actuelle RDC)
  • musique reggae en Afrique de l’Ouest, etc …

Ses productions sont généralement financées par des partenaires européens.

En 1996, les Films de la Passerelle ont reçu le prix du meilleur producteur de l’Union Européenne pour la production du film “Donka, radioscopie d’un hôpital africain”.

La plupart de ces films ont été sélectionnés et primés dans de nombreux festivals de renommée internationale et diffusés par les télévisions des cinq continents.

Convaincue de l’importance de la culture dans la recherche du développement humain durable et travaillant beaucoup en réseau, la société met également son expertise au service de cinéastes du Nord et du Sud, s’inscrivant ainsi dans une perspective de valorisation des cultures du monde.

En déclinant son action aussi sur le terrain de la formation professionnelle, de la distribution audiovisuelle, de l’édition (Livres et DVD) et de la circulation d’artistes, la structure souhaite participer aux nécessaires développements de l’économie culturelle et s’inscrire à long terme dans une politique de dialogue permanent des cultures.

 

Christine Pireaux, productrice, Les films de la passerelle
Christine Pireaux, productrice, Les films de la passerelle
 

Thierry Michel, cinéaste, Les films de la passerelle
Thierry Michel, cinéaste, Les films de la passerelle

Thierry Michel est un réalisateur Belge de cinéma. Il est essentiellement un cinéaste de documentaires politiques et sociaux. Basé  à Liège, il travaille en collaboration avec Christine Pireaux, productrice, dans le cadre des activités de la société cinématographique Les films de la passerelle.

Portail d'entrée de l'Hopital Donka, Conakry

L’hôpital Donka vu-par un cinéaste

Cette plongée dans le quotidien de l’Hôpital Donka, le plus grand hôpital de Guinée témoigne de la terrible contradiction existant entre le coût de la médecine occidentale et le niveau de vie africain. Les patients souffrent et meurent car leurs familles ne peuvent les prendre en charge financièrement.
Ce film documentaire de Thierry Michel retraçant la vie du plus grand CHU du pays  a été projeté hier 19 mars 2015 sur les écrans du cinéma “Mimo”, dans la commune de Matoto.

Cet hôpital construit sur le modèle européen en 1959, au lendemain de l’accession du pays à l’indépendance, manque aujourd’hui de matériel et de médicaments.
Afin de palier aux carences, les frais liés à une hospitalisation sont payables à l’entrée ; ils représentent entre un cinquième et un quart du revenu mensuel d’un Guinéen.
Les malades y arrivent donc seulement après avoir épuisé toutes les ressources de la médecine parallèle traditionnelle et il est bien souvent trop tard.

Dans ce documentaire, le réalisateur s’attache plus particulièrement à deux enfants en pédiatrie. Avec ses 350 lits et son statut de centre hospitalier universitaire, il a pu faire illusion tant que l’Etat a pu en assurer les salaires et les frais de fonctionnement.

Ce n’est plus le cas aujourd’hui : l’hébergement et les soins sont payants, les familles des patients sont priées d’aller elles-mêmes acheter dans une pharmacie en ville les médicaments de leurs malades.

Tout le reste est à l’avenant : le centre de réanimation est complètement démuni, les patients ne sont pas nourris, participent aux travaux de nettoyage. Il y a certes eu des tentatives de rénovation avec la junte militaire de Moussa Dadis Camara.

Sur une civière de fortune, un homme gémit de douleur. Une longue plainte déchirée de quelques cris. Ramassé au marché, il a atterri aux urgences de l’hôpital Donka. A côté de lui, l’infirmière reste imperturbable :
— Nous attendons que la famille vienne pour payer les médicaments.
Arrivé à 17h00, l’homme meurt dans la nuit. D’une méningite. Ses proches ne se sont jamais présentés.

Planté à l’entrée de Conakry, capitale de la Guinée, l’hôpital public Donka, barré de ses longues coursives sans fin, est un immense bateau ivre régenté par un tyrannique commandant: l’argent.
Envasé dans un profond déficit, l’établissement a fait le choix d’assurer sa mission de santé publique en rendant les soins payants.  Dès les portes de l’établissement, où se bouscule une foule repoussée par une grille infranchissable, le seul sésame est l’acquittement du prix de la consultation.
Du premier au cinquième étage, au hasard des 350 lits, la caméra filme les mêmes visages mangés par l’inquiétude. Douleur de voir sa fille rattrapée par la mort.
Le médecin chef conseille au père d’aller « à la grande mosquée demander l’aumône ».

Le réalisateur a résolu la question à sa façon. En emportant, dans les véhicules de l’équipe, compresses, seringues, antibiotiques.
— Tout ce qui pouvait permettre de soulager les malades que nous filmions.
Les médicaments sont­ distribués sous l’autorité d’une conseillère médicale présente durant le tournage, mais aussi une fois la caméra rangée. De cette démarche volontariste, Thierry Michel assume les risques:
« Trahir une vérité dont nous ne sommes pas les témoins passifs. »