Sans se connaitre ni se concerter, deux descendantes d’esclaves Africains aux Amériques : feue Maya Angelou (Etats-Unis) et Maryse Condé (Guadeloupe, Antilles) relatent la quête de leurs racines africaines. En 1960 Maya épousa le Sud-Africain Vusumzi L. Make, qui fut successivement membre de la Ligue des Jeunes de l’African National Congress (ANC), du Pan-Africanist Congress (PAC), et du South African United Front (SAUF), une alliance ANC-PAC. Le couple vécut au Caire, alors un des pôles du pan-africanisme. Le divorce intervint en 1963. Après avoir initialement pensé à la Guinée et au Libéria, Maya choisit de s’installer à Accra. Dans All God’s Children Need Traveling Shoes elle expose les hauts et les bas, les utopies et les illusions ainsi que les désenchantements et les désillusions de l’insertion —économique, culturelle et sociale— dans la société d’accueil. Finalement, prenant note du conseil de son aîné et idole, Malcolm X, elle rentra au pays natal. Là, Dr. Martin Luther King, Jr. lui demanda de prendre activement part à une nouvelle phase de la lutte pour les droits civiques et économiques. Elle y consentit. Hélas, quelques jours après leur conversation, James Earl Roy abattait froidement l’apôtre de la non-violence à Memphis (Tennessee), le 4 april 1968.
Trois ans avant l’arrivée de Maya au Ghana, la jeune Maryse Boucolon avait épousé l’artiste guinéen Mamoudou Condé. Et elle vécut tour à tour en Côte d’Ivoire, en Guinée et au Ghana. La vie sans fards raconte l’odyssée africaine de Maryse Condé : épouse, mère, débrouillarde, triomphante enfin des tourbillons de sa vie, et aujourd’hui sereine —comme le fut Maya— dans l’apothéose de sa carrière d’écrivain et d’éducatrice. Cette autobiographie est d’autant plus précieuse qu’elle dépeint Conakry et la Guinée des trois premières années d’indépendance.
Un point important différencie cependant Maya et Maryse à leur arrivée en Afrique : la première était déjà une militante engagée, active voire passionnée. La seconde, par contre, était sinon ignorante, du moins innocente et débutante au plan politique et idéologique. Mais son inexpérience n’affecta en rien son esprit d’observation et sa lucidité. Pour cela, son témoignage vaut son pesant d’or. La novice Maryse décela ainsi tôt, en 1960, les contradictions de Sékou Touré, les premières dérives autoritaires, les pas initiaux vers la dictature. Par exemple, elle se rémémore le Camp Camayenne de 1961 —baptisé Camp Boiro en 1969. Au chapître 4 “Nous préférons la pauvreté dans la liberté à l’opulence dans l’esclavage”, page 105, elle note :
Des choses plus graves commençaient de se passer. Du jour au lendemain, des maisons étaient vidées de leurs occupants. A Camayenne, un camp s’était ouvert où, chuchotait-on, on torturait ceux qui avaient l’audace de critiquer Sékou Touré et les décisions du PDG. Des rumeurs circulaient selon lesquelles des émeutes avaient éclaté et avaient été réprimées dans le sang.
Les Peuls étaient soumis à une répression féroce. Je n’ai jamais clairement compris ce que Sékou Touré leur reprochait. D’être trop attachés à leurs chefferies traditionnelles dont il s’efforçait de saper le pouvoir ? En tous cas, il ne faisait pas bon s’appeler Bâ, Barry, Sow ou Diallo.
On lira ici la notice biographique, suivie de la préface, d’une dédicace, de l’avant-propos et du premier chapitre. Cette section situe clairement les personnages, faits et évènements subséquents. Pour la suite je diffère la publication du deuxième chapître. Intitulé “One Flew over the Cuckoo’s Nest”, il traite de la Côte d’Ivoire (Bingerville, Abidjan). Je fais suivre donc le troisième chapitre : “Deuxième vol au-dessus d’un deuxième nid de coucou”. Il est le premier de plusieurs concernant la Guinée. Charité bien ordonnée commence par soi, n’est-ce pas ?!
Les chapitres sur la Côte d’Ivoire et le Ghana paraîtront à la fin de cette série. Bonne lecture !
Tierno S. Bah
Notice biographique
Préface
Trop souvent les autobiographies deviennent des constructions de fantaisie. Il semble que l’être humain soit tellement désireux de se peindre une existence différente de celle qu’il a vécue, qu’il l’embellit, souvent malgré lui. Il faut donc considérer La Vie sans fards comme une tentative de parler vrai, de rejeter les mythes et les idéalisations flatteuses et faciles.
Voici peut-être le plus universel de mes livres. Il ne s’agit pas seulement d’une Guadeloupéenne tentant de découvrir son identité en Afrique ou de la naissance longue et douloureuse d’une vocation d’écrivain chez un être apparemment peu disposé à le devenir. Il s’agit d’abord et avant tout d’une femme aux prises avec les difficultés de la vie. Elle est confrontée à ce choix capital et toujours actuel : être mère ou exister pour soi seule.
Je pense que La Vie sans fards est surtout la réflexion d’un être humain cherchant à se réaliser pleinement. Mon premier roman s’intitulait En attendant le bonheur, ce livre affirme : il finit toujours par arriver.
Dédicace
A Hazel Joan Rowley,
qui a fermé si brutalement la porte,
qu’elle nous a laissés saisis.
« Vivre ou écrire, il faut choisir. »
Jean-Paul Sartre
Avant-propos
Pourquoi faut-il que toute tentative de se raconter aboutisse à un fatras de demi-vérités ? Pourquoi faut-il que les autobiographies ou les mémoires deviennent trop souvent des édifices de fantaisie d’où l’expression de la simple vérité s’estompe, puis disparaît ? Pourquoi l’être humain est-il tellement désireux de se peindre une existence aussi différente de celle qu’il a vécue ? Par exemple, je lis dans les brochures rédigées par mes attachées de presse d’après mes propres informations à l’intention des journalistes et des libraires :
« En 1958, elle épouse Mamadou Condé, un comédien guinéen qu’elle avait vu jouer à l’Odéon dans Les Nègres, une pièce de Jean Genet, mise en scène par Roger Blin et part avec lui pour la Guinée, le seul pays d’Afrique qui ait répondu non au référendum sur la communauté du général de Gaulle ».
Ces phrases créent une image séduisante. Celle d’un amour éclairé par le militantisme. Or, elles contiennent à elles seules de nombreuses falsifications. Je n’ai jamais vu Condé jouer dans Les Nègres. Lorsque j’étais avec lui à Paris, il ne se produisait que dans d’obscures salles de théâtre où, ainsi qu’il le disait moqueusement, il faisait de la « nègrerie ». Il n’incarna le personnage d’Archibald à l’Odéon qu’en 1959, alors que notre mariage étant loin d’être une réussite, nous vivions la première de nos séparations. J’enseignais à Bingerville en Côte d’Ivoire où est née Sylvie-Anne, notre première fille.
Paraphrasant donc Jean-Jacques Rousseau dans Les Confessions, je déclare aujourd’hui que je veux montrer à mes semblables une femme dans toute la vérité de la nature et cette femme sera moi.
D’une certaine manière, j’ai toujours éprouvé de la passion pour la vérité, ce qui, sur le plan privé comme public, m’a souvent desservie. Dans mon récit de souvenirs Le Coeur à rire et à pleurer – Contes vrais de mon enfance, je raconte comment ma « vocation d’écrivain », si on peut employer pareils termes, aurait pris naissance. J’aurais environ dix ans. C’était, semble-t-il, un 28 avril, jour de l’anniversaire de ma mère que j’idolâtrais, mais dont le caractère singulier, complexe et fantasque ne manquait pas de me déconcerter. J’aurais donc élaboré une composition, mi-poème, mi-saynète, où je me serais efforcée de peindre les multiples facettes de sa personnalité, tantôt tendre et sereine comme brise de mer, tantôt moqueuse et grinçante. Ma mère m’aurait écoutée sans mot dire tandis que je paradais devant elle, vêtue d’une robe bleue. Puis, elle aurait levé sur moi des yeux à ma stupeur remplis de larmes et aurait soufflé :
— C’est ainsi que tu me vois ?
J’aurais éprouvé à ce moment-là un sentiment de puissance que j’aurais cherché à revivre, livre après
livre. Cette anecdote construite a posteriori me semble parfaitement illustrer ces involontaires (?) tentatives d’embellissement que je dénonce. Il est certain que j’ai souvent rêvé de choquer mes lecteurs en dégonflant
certaines boursouflures. Plus d’une fois, j’ai regretté que des flèches contenues dans mes textes n’aient pas été perçues. Ainsi dans mon dernier roman En attendant la montée des eaux (J.-C. Lattès 2010), j’écris : « Un terroriste n’est-il pas tout simplement un exclu, exclu de sa terre, exclu de la richesse, exclu du bonheur, qui tente de manière désespérée et peur-être barbare de faire entendre sa voix ? »
J’espérais que dans notre époque si frileuse, une telle définition pourrait susciter diverses réactions. Or seul Didier Jacob du Nouvel Observateur, lors d’une interview, me posa une question à ce sujet.
Cependant, le désir de choquer ne saurait, à lui seul, résumer la vocation d’un écrivain. La passion de l’écriture a fondu sur moi presque à mon insu. Je ne la comparerai pas à un mal d’origine mystérieuse puisqu’elle m’a procuré mes joies les plus hautes. Je la rapprocherais plutôt d’une urgence, un peu effrayante dont je n’ai jamais su démêler les causes. N’oublions pas que je suis née dans un pays, à l’époque, sans musée, sans vraie salle de spectacle, où les seuls écrivains que nous fréquentions appartenaient à nos manuels scolaires er étaient originaires d’Ailleurs.
Je n’ai pas été un écrivain précoce, griffonnant à seize ans des textes géniaux. Mon premier roman est paru à mes quarante-deux ans, quand d’autres commencent de ranger leurs papiers er leurs gommes et a été fort mal accueilli, ce que j’ai accepté avec philosophie comme la préfiguration de ma future carrière littéraire. La principale raison qui explique que j’ai tant tardé à écrire, c’est que j’étais si occupée à vivre douloureusement que je n’avais de loisir pour rien d’autre. En fait, je n’ai commencé à écrire que lorsque j’ai eu moins de problèmes et que j’ai pu troquer des drames de papier contre de vrais drames.
J’ai longuement parlé du milieu dont je suis issue dans Le Coeur à rire et à pleurer et surtout dans Victoire, les saveurs et les mots. Le film à succès d’Euzhan Paley : La Rue Case-Nègres a popularisé une certaine image des Antilles. Non ! Nous ne sommes pas tous des damnés de la terre nous tuant à la peine dans la grattelle de la canne à sucre. Mes parents faisaient partie de l’embryon de la petite bourgeoisie et se dénommaient avec outrecuidance « Les Grands Nègres ». Je dirai à leur décharge que leurs enfances avaient été terribles et qu’ils voulaient à tout prix protéger leur descendance.
Jeanne Quidal, ma mère, était la fille bâtarde d’une mulâtresse illettrée qui ne sut jamais parler le français. Sa mère se louait chez des blancs-pays, de leur vrai nom les Wachter, et elle avait très tôt connu son lot de honte et d’humiliation.
Auguste Boucolon, mon père, bâtard lui aussi, s’était retrouvé orphelin, quand sa pauvre mère avait péri brûlée vive dans l’incendie de sa case. On peut malgré tout dire que ces douloureuses circonstances avaient eu des conséquences relativement positives.
Les Wachter avaient autorisé ma mère à bénéficier de l’enseignement du précepteur de leur fils, ce qui lui avait permis d’être « anormalement » instruite, vue sa couleur, et de devenir une des premières institutrices noires de sa génération. Mon père, pupille de la nation, avait poursuivi une scolarité rare pour l’époque, à coups de bourses et avait fini… fondateur d’une petite banque locale, la « Caisse Coopérative de Prêts » qui aidait les fonctionnaires.
Une fois mariés, Jeanne et Auguste furent le premier couple de Noirs à posséder une voiture, une Citroën C4, à se faire bâtir à la Pointe une maison de deux étages, à passer leurs vacances dans leur « maison de changement d’air » au bord de la rivière Sarcelles à Goyave. Imbus de leur réussite, ils considéraient que rien n’était assez bon pour eux et ils nous élevèrent, mes sept frères, mes soeurs et moi dans le mépris et l’ignorance de la société qui nous entourait
Dernière-née de cette large fratrie, j’étais particulièrement choyée. Tout le monde s’accordait à dire que mon avenir serait exceptionnel et je le croyais volontiers. A 16 ans, quand je partis commencer mes études supérieures à Paris, j’ignorais le créole. N’ayant jamais assisté à un lewoz, je ne connaissais pas les rythmes de la danse traditionnelle, le gwoka. Même la nourriture antillaise, je la jugeais grossière et sans apprêt.
Je ne parlerai pas de ma vie actuelle, sans grands drames, si ce n’est l’approche à pas sournois de la vieillesse puis de la maladie, événements sans originalité qui, j’en suis sûre, n’intéresseraient personne. Je tenterai plutôt de cerner la place considérable qu’a occupée l’Afrique dans mon existence et dans mon imaginaire. Qu’est-ce que j’y cherchais ? Je ne le sais toujours pas avec exactitude. En fin de compte, je me demande si à propos de l’Afrique, je ne pourrais reprendre à mon compte presque sans les modifier les paroles du héros de Marcel Proust dans Un amour de Swann :
« Dire que j’ai gâché des années de ma vie, que j’ai voulu mourir, que j’ai eu mon plus grand amour pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n’était pas mon genre. »
Première Partie
Chapitre 1. — « Mieux vaut mal mariée que fille »
Proverbe guadeloupéen
J’ai fait la connaissance de Mamadou Condé en 1958 à la Maison des Étudiants de l’Ouest Africain, grande bâtisse délabrée située boulevard Poniatowski à Paris. Puisque l’Afrique, son passé, son présent, comptait pour ma seule préoccupation, je venais de me faire deux amies, deux soeurs, Peules de Guinée : Ramatoulaye et Binetou. Je les avais rencontrées lors d’un meeting politique à la salle des Sociétés Savantes, rue Danton, aujourd’hui disparue. Elles venaient de Labé et m’avaient fait rêver en me montrant les photos jaunies de leurs vénérables parents, vêtus de boubous de bazin, assis devant leurs cases rondes à toit de paille.
La Maison des Étudiants était riche en courants d’air. Pour lutter contre le froid, Ramatoulaye, Binetou et moi, nous buvions tasse sur tasse de thé vert à la menthe dans le foyer où brûlait un minuscule poêle à charbon. Un après-midi, un groupe de Guinéens vint nous y rejoindre.
Tous appelaient Condé « le Vieux», ce qui était, je l’avais appris, un signe de respect, mais aussi, parce que, déjà grisonnant, il semblait plus âgé que la moyenne des étudiants. Il parlait également du ton sentencieux d’un Sage qui énonce de profondes vérités. Pourtant son acte d’état-civil affirmant qu’il était né vers 1930 contredisait et son apparence et son comportement. Extrêmement frileux, il portait enroulée autour du cou une lourde écharpe tricotée main et sous son épais manteau de couleur terreuse, deux ou trois pullovers. Je fus surprise quand on fit les présentations. Comédien qui suivait les cours du Conservatoire de la rue Blanche ? Sa diction laissait beaucoup à désirer. Quant à sa voix haut perchée, elle n’avait rien de celle d’un baryton. Soyons franche ! En
d’autres temps, je lui aurais à peine adressé la parole. Mais, pour moi, la vie avait radicalement basculé. Celle que j’avais été n’était plus.
L’arrogante Maryse Boucolon, l’héritière des « Grands Nègres », élevée dans le souverain mépris des inférieurs avait été frappée d’une blessure mortelle. Fuyant mes anciens amis, je n’avais plus qu’un désir : me faire oublier. J’avais quitté le lycée Fénelon et je ne m’enorgueillissais plus d’être une des très rares Guadeloupéennes à préparer le concours des Grandes Écoles avec toutes les chances d’être reçue. Cela n’avait pas été mon seul titre de gloire ! Après la parution des bonnes feuilles de Peau Noire, Masques Blancs dans la revue Esprit, outrée par cette peinture que je jugeais avilissante de la société antillaise, j’avais adressé à la direction une Lettre Ouverte dans laquelle j’affirmais que Frantz Fanon n’avait rien compris à notre société. Ô surprise, en réponse à ma missive enflammée, malgré mon extrême jeunesse, j’avais été invitée par Jean-Marie Domenach lui-même à venir à la rue Jacob afin d’exposer mes critiques.
Mais depuis ces jours fastueux, l’Haïtien Jean Dominique, le futur héros de The Agronomist, le documentaire hagiographique de l’Américain Jonathan Demme était passé par là. Je ne me souviens plus dans quelles circonstances j’avais rencontré cet homme dont le comportement devait avoir de telles conséquences dans ma vie. Nous avions vécu un remarquable amour intellectuel. Vu le splendide isolement dans lequel j’avais été élevée, je ne savais rien d’Haïti. Jean Dominique ne m’avait pas simplement déniaisée physiquement. Il m’avait éclairée, me révélant la geste des « Africains chamarrés » selon l’expression méprisante de Napoléon Bonaparte. Grâce à lui, j’avais découvert le martyre de Toussaint Louverture, le triomphe de Jean-Jacques Dessalines et les premières difficultés de la nouvelle République Noire. Il m’avait aussi donné à lire Gouverneurs de la Rosée de Jacques Roumain, Bon Dieu rit d’Edris St-Amand, Compère Général Soleil de Jacques Stephen Alexis. En un mot, il m’avait initiée à l’extraordinaire richesse d’une terre que j’ignorais. Sans nul doute, c’est lui qui a planté dans mon coeur cet attachement pour Haïti qui ne s’est jamais démenti.
Le jour où prenant mon courage à deux mains, je lui annonçai que j’étais enceinte, il sembla heureux, très heureux même et s’écria avec emportement :
— C’est un petit mulâtre que j’attends cette fois !
Car d’une précédente union, il avait deux filles dont l’une J.J. Dominique est devenue écrivain.
Néanmoins, me rendant chez lui le lendemain, je le trouvai en train de vider son appartement et de ranger ses effets dans des malles. D’un air pénétré, il m’expliqua qu’une menace d’une exceptionnelle gravité se profilait sur Haïti. Un médecin du nom de François Duvalier se présentait à l’élection présidentielle. Parce qu’il était noir, il suscitait l’enthousiasme des foules, lassées des présidents mulâtres et dangereusement sensibles à l’idéologie du « noirisme ». Or, il ne possédait aucune des qualités nécessaires pour remplir une si haute fonction.
Toutes les forces d’opposition à ce détestable projet devaient donc se rejoindre au pays et former un front commun.
Jean Dominique s’envola et ne m’adressa pas même une carte postale. Je restai seule à Paris, ne parvenant pas à croire qu’un homme m’avait abandonnée avec un ventre. C’était impensable. Je refusais d’accepter la seule explication possible : ma couleur. Mulâtre, Jean Dominique m’avait traitée avec le mépris et l’inconscience de ceux qui stupidement s’érigeaient alors en caste privilégiée. Comment interpréter ses stances anti-duvaliéristes ? Quel crédit accorder à sa foi dans le peuple ? Il va sans dire que pour moi, ce n’était qu’hypocrisie.
Je parvins difficilement à supporter les longs mois de cette grossesse solitaire. Un médecin de la Sécurité Sociale des étudiants me trouvant dépressive et dénutrie m’expédia dans une maison de repos dans l’Oise où tout le monde m’entoura d’attentions que je n’ai pas oubliées. Pour la première fois, je découvrais la compassion des étrangers. Finalement, le 13 mars 1956, alors que j’aurais dû préparer d’arrache-pied mon concours d’entrée à l’École Normale Supérieure, j’accouchai dans une petite clinique du XVe arrondissement, d’un fils à qui je donnai au hasard le prénom de Denis. Sur ces entrefaites, ma mère adorée mourut subitement à la Guadeloupe. Sous le coup de toutes ces épreuves, je jouai à la Marguerite Gautier. Un infiltrat tuberculeux se déclara dans mon poumon droit et le même médecin de la Sécurité Sociale des étudiants me dirigea vers le Sanatorium de Vence dans les Alpes-Maritimes. Je devais y rester plus d’un an.
— Pourquoi le sort s’acharne-t-il ainsi sur toi ? répétait, ulcérée, en m’accompagnant à la gare, Yvane Randal, une des rares amies que je fréquentais encore.
Toute à mon chagrin, je ne l’entendais pas.
Faute de moyens, j’avais dû confier mon adorable nourrisson à l’Assistance Publique dont les austères locaux s’élevaient avenue Denfert-Rochereau. Pourtant, j’avais deux soeurs aînées vivant dans la capitale. La première, Ena, qui était aussi ma marraine, étonnamment belle, mélancolique et rêveuse, était entourée d’une aura de mystère. Venue faire des études de musique, elle avait épousé, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, le Guadeloupéen Guy Tirolien, élève de l’École Nationale d’Administration qui, avec son recueil Balles d’Or, devait devenir notre poète national. Les raisons de leur divorce constituaient un des secrets les plus sulfureux de notre famille. Alors que son mari se languissait au stalag à côté de Léopold Sédar Senghor, Ena le trompait avec une coterie de fringants officiers allemands qui la surnommaient « Bijou ». Pour l’heure, elle était entretenue par un richissi me homme d’affaires. Pour meubler son inaction, elle jouait au piano des mélodies de Chopin et buvait des alcools forts. L’autre, Gillette, était plus terre à terre. Assistante sociale à Saint-Denis, alors un faubourg populeux et pauvre, elle était mariée à Jean[-Baptiste] Deen, un étudiant en médecine d’origine guinéenne.
— Tu ne mérites pas ce qui t’arrive ! ajoutait Yvane, révoltée.
Moi-même, je ne savais que penser. A certains moments, j’avais la conviction d’avoir été victime d’une immense injustice. A d’autres, une voix me soufflait que je méritais ce qui m’arrivait, la conviction d’appartenir à une espèce supérieure dans laquelle j’avais été élevée ayant irrité le sort. Je suis sortie de cette épreuve à jamais écorchée vive, ne possédant guère de confiance dans le sort, redoutant à chaque instant les coups sournois du destin.
Ce séjour à Vence fut sinistre. Comme Marie-Noëlle dans le roman Desirada je garde un triste souvenir des heures interminables passées au lit, des perfusions quotidiennes de PAS, de la fatigue, des nausées, des fièvres, des suées et des insomnies. Mais à la différence de Marie-Noëlle, je ne rencontrai pas l’amour. Cela aurait été difficile. Quand nous nous portions mieux, nous avions l’autorisation de nous rendre une fois par mois à Nice, sous la conduite d’une infirmière en blouse blanche. A notre approche, les passants s’écartaient, car nous symbolisions la détresse et la maladie, qui sont contagieuses, on le sait. Nous poussions jusqu’à la mer et nous regardions avec envie les bien portants à demi nus et bronzés qui se poursuivaient à la brasse. Je pensais avec douleur à ma mère que je ne verrais jamais plus et à mon beau bébé, et avec haine à Jean Dominique. Néanmoins comme cela se produit souvent dans la vie, ces longs mois eurent une contrepartie heureuse. Grâce à une série d’autorisations spéciales dues à mon état de santé, je pus terminer une licence de lettres modernes à la Faculté d’Aix-en-Provence. J’optai pour le français, l’anglais, et l’italien et non plus le français, le latin et le grec, comme j’en avais rêvé lorsque j’étais en hypokhâgne.
De retour à Paris, je répondis à une petite annonce et trouvai du travail dans une branche du ministère de la Culture, rue Boissy d’Anglas. Forte de cet emploi, je me crus capable de reprendre Denis avec moi et de mettre fin au sentiment de culpabilité que j’éprouvais en pensant à lui. Ma vie se révéla très vite un enfer. Depuis la mort de ma mère, mon père, qui ne m’avait jamais beaucoup aimée, se désintéressait complètement de moi et ne m’envoyait plus d’argent. Je n’ai jamais compris pourquoi l’attitude d’Ena et Gillette à mon endroit s’était pareillement modifiée. Comme elles étaient sensiblement plus âgées que moi, il n’y avait jamais eu beaucoup d’intimité entre nous. Néanmoins, par le passé, elles étaient plutôt gentilles et m’invitaient régulièrement à déjeuner ou à dîner chez elles. Depuis ma grossesse et la fuite de Jean Dominique, alors que j’aurais eu tellement besoin d’être entourée, je ne les voyais plus. Quand je me hasardais à téléphoner, c’est tout juste si elles ne raccrochaient pas en entendant ma voix. Avais-je choqué leurs sentiments petits-bourgeois ? Étaientelles déçues de me voir, alors que j’étais promise à un brillant avenir, engrossée, puis abandonnée comme une servante ? Réagissaient-elles en fin de compte comme les petites bourgeoises qu’elles étaient ?
Je n’avais donc pour vivre avec mon bébé que mon dérisoire salaire du ministère. J’habitais, moqueuse coïncidence, dans un immeuble bourgeois face à l’Ambassade d’Haïti dans le XVIIe arrondissement. Mais, j’occupais une chambre de bonne avec l’eau et les toilettes sur le palier. Chaque matin, je traversais Paris pour déposer Denis à la crèche des enfants d’étudiants qui se trouvait rue des Fossés-Saint-Jacques dans le Ve, puis je me précipitais au ministère à la Concorde. En fin de journée, je parcourais la même distance en sens inverse. Inutile de dire que je ne sortais jamais le soir. Moi naguère si friande de cinéma, de théâtre, de concerts de musique et de repas aux restaurants, je n’allais plus nulle part. Je baignais mon fils, je le faisais manger, puis je m’efforçais de l’endormir en lui chantant des berceuses. La rumeur ayant circulé que ma brusque disparition était due au fait que j’étais une « fille-mère », comme on désignait alors avec mépris les « mères-célibataires », à l’ exception des fidèles Yvane Randal et Eddy Edinval, les étudiants antillais m’évitaient. Je ne fréquentais plus que des Africains qui ne savaient rien de moi et qu’impressionnaient mes manières et mon restant de bagout.
J’avais beaucoup de mal à payer mon loyer. Quand les retards s’accumulaient, le propriétaire, un bourgeois de carte postale, cheveux blancs de neige, profil aristocratique, escaladait les six étages qui menaient au triste réduit qu’il me louait et vociférait:
— Je ne suis pas là pour vous servir de père !
Au ministère, au contraire, je retrouvais ces marques de gentillesse et de sympathie qui m’avaient tellement surprise lors de mon séjour dans la maison de repos de l’Oise. Pour parler comme Tennessee Williams, the kindness of strangers ne cessait de m’entourer. Tout le service où je travaillais s’apitoyait sur ma jeunesse et mon dénuement, admirait ma dignité et mon courage. Le week-end, j’étais régulièrement invitée à déjeuner chez mes collègues. Les convives s’extasiaient sur la beauté de Denis, couvert de baisers et traité comme un petit prince. Au départ, mes hôtesses glissaient dans mon sac des vêtements usagés, pas seulement d’enfants, du pain d’épice, des boîtes d’Ovomaltine ou de cacao Van Houten, destinées à fortifier le fils et la mère, les deux étant fort chétifs. Je versais des larmes d’humiliation sur le trottoir.
Que faisait-on exactement rue Boissy d’Anglas ? Je crois me souvenir que le Département auquel j’appartenais rédigeait des lettres qui accompagnaient des projets culturels à l’intention du ministre.
Au bout de quelques mois, je compris que je n’étais pas en état de suivre ce régime. Je me résignai à me séparer de nouveau de Denis. Je le confiai à une nourrice agréée, Mme Bonenfant qui habitait dans les environs de Chartres. Comme je fus bien vite incapable de lui régler ses 18 000 anciens francs mensuels, je pris le large et ne remis plus les pieds à Chartres. Mme Bonenfant n’engagea aucun recours contre moi. Elle se borna à m’adresser des lettres bourrées de fautes d’orthographe où elle me donnait des nouvelles de « notre » petit.
— Vous lui manquez beaucoup ! assurait-elle. Il vous réclame tout le temps.
Je pleurais en lisant ce courrier, car j’étais bourrelée de remords. Les jours se succédaient dans un brouillard de souffrance et de mauvaise conscience. Je dormais deux ou trois heures par nuit. En quelques semaines, je maigris de huit kilos. Les lecteurs me demandent souvent pourquoi mes romans sont remplis de mères qui considèrent leurs enfants comme des poids trop lourds à porter, d’enfants qui souffrent d’être mal aimés et se replient sur eux-mêmes. C’est que je parle d’expérience. J’aimais profondément mon fils. Cependant, non seulement sa venue avait détruit les espoirs qui faisaient la base de mon éducation, mais j’étais incapable de subvenir à ses besoins. En fin de compte, mon comportement à son égard pouvait sembler celui d’une mauvaise mère.
Je ne garde aucun souvenir de la cour au pas de charge que me fit Condé. Premier baiser, première étreinte, premier plaisir partagé. Rien. Je n’ai pas non plus souvenir d’une conversation, d’un échange sérieux entre nous sur quelque sujet que ce fût. Pour des raisons différentes, nous étions également pressés de passer devant le maire. J’espérais grâce à ce mariage retrouver un rang dans la société.
Condé avait hâte d’exhiber cette épousée universitaire, visiblement de bonne famille et qui parlait le français comme une vraie Parisienne. Condé était un personnage assez complexe, doté d’une gouaille que je trouvais souvent commune, presque vulgaire, mais qui était efficace. Je tentai vainement de le façonner à mon goût. Il repoussait mes diverses tentatives avec une détermination qui témoignait de sa liberté d’esprit. Ainsi, je prétendis l’habiller d’une parka, vêtement à la mode en ces années-là.
— Trop jeune ! Beaucoup trop jeune pour moi ! assurait-il de sa voix nasale.
Je tentai de lui communiquer ma passion pour les cinéastes de la Nouvelle Vague, les réalisateurs italiens, Antonioni, Fellini, Visconti, ou pour Carl Dreyer et Ingmar Bergman. Il s’endormit si profondément pendant la projection des Quatre cents coups de François Truffaut (1958) que j’eus du mal à le réveiller en fin de séance sous les regards narquois des spectateurs. Il m’infligea mon échec le plus cuisant quand je tentai de l’initier aux poètes de la Négritude que j’avais découverts quelques années auparavant quand j’étais élève d’hypokhâgne. Un jour, Francaise, une camarade de classe, qui se piquait de militantisme, m’apporta un mince opuscule qui portait en titre: Discours sur Le colonialisme. Je ne savais rien de son auteur. Pourtant, sa lecture me bouleversa tellement que le lendemain, je me précipitai à la librairie Présence Africaine. J’achetai tout ce que je trouvai d’Aimé Césaire. Pour faire bonne mesure j’achetai aussi les poèmes de Léopold Sédar Senghor et de Léon-Gontran Damas.
Condé ouvrait au hasard l’ouvrage de celui qui était devenu mon écrivain favori, le Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire et déclamait moqueusement :
« Que 2 et 2 font 5
que la forêt miaule
que l’arbre tire les marrons du feu
que le cil se lisse la barbe
et cetera et cetera.… »
— Qu’est-ce que cela veut dire? s’exclamait-il.
Pour qui écrit-il ? Certainement pas pour moi qui
ne le comprends pas.
A la rigueur, il tolérait Léon-Gontran Damas dont le style lui semblait plus simple er direct.
Cependant, ce qui me paraît incroyable, c’est que je ne lui révélai jamais l’existence de Denis. Je ne fus même pas tentée de l’avouer, car je savais que cette révélation rendrait tout projet de mariage impossible. Cette époque-là ne ressemblait nullement à celle que nous vivons aujourd’hui. Si la virginité chez une femme n’était plus tout à fait de rigueur, la libération sexuelle était loin de s’amorcer. La loi Simone Veil ne devait être votée qu’environ 15 ans plus tard. Avoir un enfant « naturel » ne s’avouait pas aisément.
Condé ne fit pas l’unanimité auprès des rares personnes à qui je le présentai.
— Quel est son niveau d’études ? demanda avec arrogance Jean, le mari de Gillette quand je l’emmenai déjeuner à Saint-Denis.
Ena qui nous avait hâtivement reçus dans un bar de la place des Abbesses, téléphona à Gillette pour lui indiquer qu’en trente minutes d’entrevue, il avait ingurgité six bières et deux verres de vin rouge. Sûrement, c’était un ivrogne. Yvane et Eddy se plaignaient :
— On ne comprend pas quand il parle.
Moi-même, je voyais bien que ce n’était pas l’homme dont j’avais rêvé. Mais celui dont j’avais rêvé m’avait laidement trahie. Nous nous mariâmes un matin du mois d’août 1958 par un éclatant soleil à la mairie du XVIIIe arrondissement de Paris. Les platanes verdoyaient. Si Ena ne prit pas la peine de se déplacer, Gillette assista à la cérémonie, accompagnée de sa fille Dominique qui n’arrêta pas de bouder parce que cela ne ressemblait pas à un « vrai mariage », se plaignit-elle. Nous prîmes un verre de Cinzano rouge au café du coin, puis nous emménageâmes dans un meublé des environs où Condé avait loué un deux pièces.
Moins de trois mois plus tard, nous étions séparés. Nous ne nous disputions pas. Simplement, nous ne pouvions supporter d’être longtemps ensemble. Tout ce que l’un de nous faisait ou disait, irritait l’autre. Parfois, pour servir de tampon, nous faisions appel à quelques invités, mais je détestais ses amis autant qu’il détestait Yvane et Eddy. Au cours de l’année qui suivit, quand je m’aperçus que j’étais enceinte, nous fimes plusieurs tentatives pour reprendre la vie commune. Puis, il fallut nous résigner à la rupture. Je ne souffris pas de ce qui pouvait sembler un nouveau déboire amoureux.
D’une certaine manière, j’avais obtenu ce que je voulais. Je m’appelais Madame et je portais une alliance à l’annulaire de la main gauche. Ce mariage avait « relevé ma honte ». Jean Dominique m’avait insufflé la peur et la méfiance des hommes antillais. Condé était un « Africain ». Non pas un « Guinéen » comme je l’ai prétendu par la suite, impliquant menteusement que Sékou Touré et l’indépendance de 1958 avaient joué quelque rôle dans ce mariage. Répétons que je n’étais pas encore suffisamment « politisée » pour cela. Je croyais que si j’abordais au continent chanté par mon poète favori, je pourrais renaître. Redevenir vierge. Tous les espoirs me seraient à nouveau permis. N’y flotterait pas le souvenir malfaisant de celui qui m’avait fait tant de mal. Pas étonnant si mon mariage n’avait pas duré : j’avais posé sur les épaules de Condé un poids d’attentes et d’imagination né de mes déceptions. Cette charge était trop lourde pour lui.
Je perçois aujourd’hui avec une lucidité cruelle à quel point cette union fut un marché de dupes. L’amour, le désir n’y tenaient que peu de place. A travers moi, il cherchait ce qui lui manquait : l’instruction et l’appartenance à un solide milieu familial. Le mari de Gillette avait eu raison de s’interroger sur son niveau d’études. Condé possédait tout juste le certificat d’études primaires. Son père étant mort alors qu’il était très jeune, il avait été élevé à Siguiri par une pauvresse de mère qui vendait de la pacotille sur les marchés. Il devait découvrir que ce métier de comédien qu’il avait choisi, sans vocation véritable, pour quitter la Guinée et se parer du beau nom « d’étudiant », ne l’auréolait d’aucun prestige. Ne bénéficiant d’aucun appui dans la société, ses ambitions « d’être quelqu’un » pour parler comme Marlon Brando dans Sur les quais n’avaient aucune chance de se réaliser.
En 1959, la Coopération commençait de balbutier.
Une aile du ministère abrita bientôt un bureau d’embauche pour les Français qui voulaient tenter leur chance en Afrique. Cette offre semblait faite pour moi. En effet, l’Afrique, quand je l’avais découverte en hypokhâgne, n’était rien de plus qu’un objet littéraire. C’était la source d’inspiration de poètes dont la voix me changeait de celles des sempiternels Rimbaud, Verlaine, Mallarmé, Valéry. Cependant au fur et à mesure, les réalités africaines avaient occupé dans ma vie une place de plus en plus grande. Je ne voulais plus songer aux Antilles qui évoquaient des souvenirs trop douloureux. Je me précipitai donc au bureau de recrutement. Je me rappelle encore la stupeur du blondinet aux joues roses qui prit soin de ma candidature. Il m’assaillait de questions :
— Vous voulez partir en Afrique seule avec un enfant ? Et votre époux ? Ne venez-vous pas de vous marier ?
A suivre. Chapître 3 : Deuxième vol au-dessus d’un deuxième nid de coucou
Du même auteur :
Aux Éditions Robert Laffont
- Un saison à Rihata, 1981
- Ségou, vol. 1, Les Murailles de terre, 1984
- Ségou, vol. 2, La terre en miettes, 1985
- La vie scélérate, 1987, Prix de l’Académie française
- En attendant le bonheur : Heremakhonon, 1988
- La colonie du Nouveau Monde, 1993
- La migration des coeurs, 1995
- Pays mêlé, 1997
- Désirada, 1997. Prix Carbet de la Caraïbe
- En attendant le bonheur : Heremakhonon, 1997
- Le coeur à rire et à pleurer : contes vrais, 1999. Réédition. Prix Marguerite Yourcenar
- Célanire cou-coupé, 2000
Aux Éditions du Mercure de France
- Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, 1986. Grand Prix
Littéraire de la femme - Pension Les Alizés, 1988
- Traversée de la mangrove, 1989
- Les derniers rois mages, 1992
- La belle créole, 2001
- Histoire de la femme cannibale, 2003
- Victoire, les saveurs et les mots : récit, 2006. Prix Tropiques
- Les belles ténébreuses, 2008
Aux Éditions Jean-Claude Lattès
- En attendant la montée des eaux, 2010. Grand Prix du Roman Métis