Capitaine Moussa Dadis Camara

La chute du régime de Sékou Touré et la fermeture du Camp Boiro inspirèrent en avril 1984 le slogan “Plus jamais ça !” La sincérité et la validité de ce cri humain sont évidentes. Elles expriment les sentiments de  parents, époux et épouses, flles et fils, familles élargies, amis et collègues …

Témoignages écrits et documents photographiques à l’appui, je survole dans ce blog, d’abord, la situation des droits de l’homme en Guinée durant les 44 ans écoulés. Ensuite je suggère un élargissement de l’optique et un renforcement de la stratégie.

Témoignages et photos

La date du 25 janvier de chaque an marque d’une pierre noire la pendaison à Conakry et à l’intérieur du pays de dizaines d’innocents citoyens: fonctionnaires, professionnels, hommes d’Etat, politiciens, etc.

Le martyre de ces braves hommes eut lieu au pont Tombo; une construction qui délimite les deux presqu’îles constitutives de la capitale, Conakry:

  1. La presqu’île de Tombo, qui constitue le centre-ville et que l’on appelle erronément appelé Kaloum
  2. La presqu’île de Kaloum, c’est-à-dire la banlieue, qui s’étend de Camayenne et Moussoudougou à la baie de Sangaréa, près de Dubréka, où le grand fleuve Konkouré verse dans l’Océan Atlantique,

Dans Prison d’Afrique, chapitre “La ballade des Pendus”, Jean-Paul Alata témoigne :

« L’accablement se fait plus pesant pour moi. Je n’avais gardé aucune relation avec Barry III depuis mon ralliement au RDA, que le chef de la DSG n’avait pas pardonné.
Mais mon ancienne amitié se révolte à l’évocation du supplice infamant que je sais tellement immérité.
Certes, Barry n’avait jamais été un sincère RDA. Il conservait ses attaches socialistes mais jamais il n’aurait pris les armes contre son pays. On aurait pu l’écarter de la vie politique, mais l’exécuter ainsi ?Il y a trois mois, il s’en est donc bien allé vers la mort. Lui, dont l’ambition était de diriger son peuple vers la liberté, il s’est balancé au bout d’une corde, en plein centre de Conakry. Un cercle de voyous et de catins ont insulté son pauvre cadavre. J’apprendrai plus tard tous les détails de l’exécution. La mort miséricordieuse a épargné à son visage la grimace affreuse des suppliciés de la corde, Ibrahima, vaincu de la politique, est resté vainqueur de son dernier combat. Il est mort en regardant l’horreur en face. Musulman sincère il a accepté l’au-delà comme sa demeure choisie. Il est mort en homme.
Qui sait? Les générations futures chanteront-elles, peut-être, la geste des pendus du Pont Tumbo, des martyrs morts dans l’ ignorance de leur crime. Parmi eux, peut-être, glorifieront-elles le courage de Barry le Sérianké 3, qui, à l’ultime minute, réconforta ses compagnons et mourut la tête haute…, la geste de Barry III qui, cette nuit du 25 janvier 1971 et toute la longue journée du lendemain, se balança sinistrement sur l’autoroute, appelant la malédiction divine sur ses assassins. »

[Une erreur de plume (lapsus calami) se glisse dans le texte d’Alata. Barry III n’avait pas à être un “sincère” du RDA. C’était un rival du PDG. Il avait  sa propre philosophie politique et se battait sur une plateforme progressiste.
Par contre, le texte désigne correctement Barry III comme Seeriyanke ou Seeriyaaɓe. Descendant de cette prestigineuse lignée des pontifes du Fuuta (selon le mot adéquat de Paul Marty), Barry III appartenait au top échelon de la noblesse dans l’Etat théocratique du Fuuta-Jalon (1725-1897). Les branches Seediyaaɓe et Seeriyaaɓe descendent d’Alfa Kikala dit Seydi, qui eut deux enfants à Timbo : Alfa Nouhou (père des Alfaya) et Alfa Maliki (père des Soriya). C’était la province (diiwal) des  Seydiyaaɓe.
Fixé à Fougoumba, Foduye Seeri, frère de Kiikala, fonda la lignée  des Seeriyaaɓe. Entre autres privilèges, le diiwal de Fugumba détenait le droit exclusif de couronner le nouvel Almaami.  — T.S. Bah

Dans Guinée, les cailloux de la mémoire, Thierno Mouctar Bah révèle à Nadine Bari les circonstances du retour de Barry III en Guinée et de son engagement dans la politique :

« En 1954 meurt Yacine Diallo, premier député de la Guinée à l’Assemblée nationale française. Il faut lui trouver un remplaçant.
Les chefs Peuls proposent mon frère Tierno Ibrahima Dalaba, qui décline l’offre. Ils le mandatent alors pour aller trouver Barry III, encore étudiant à Montpellier, et le convaincre d’accepter l’investiture pour la députation. Barry III y consent et revient au Fouta où il est reçu en grande pompe. Mais suite à la rivalité des deux almamys de Mamou (Alfaya) et de Dabola (Soriya), et à la tentative de réconciliation en 1954, les chefs Peuls décident finalement de l’investiture de Barry Diawadou, fils de l’almamy de Dabola. Que faire alors de Barry III, rappelé de France ?
L’almamy de Mamou le convoque et lui présente les excuses du Fouta qui a décidé de choisir son aîné pour la députation et de le laisser, lui, sur la liste d’attente. Barry III le prend mal mais se résigne. Il ne continue pas ses études mais reste à Conakry où il ouvre un cabinet d’avocat, adhère à la SFIO et se lance dans l’arène politique. »

Les deux pendus de Dalaba : deux des dizaines de victimes de Sékou Touré en ce 25 janvier 1971 à travers la GuinéeLes deux pendus de Dalaba : deux des dizaines de victimes de Sékou Touré en ce 25 janvier 1971 à travers la Guinée

Au total, quelque 90 victimes de la répression aveugle furent mis à mort ce 25 janvier 1971. En majorité composée d’hommes, la liste comprenait au moins une femme, et pas des moindres, puisqu’il s’agit de Loffo Camara, infirmière, membre du bureau politique et du gouvernement. Mme Camara, Habib Tall, et d’autres furent passés par les armes au champ de tir de l’armée à Matoto. Dans l’escadron de la mort qui les assassina, figurait Mamadi Keita, membre du bureau politique du PDG et du gouvernement

Dans le chapitre “Rétrospectives” de son livre La vérité du La vérité du ministre. Dix ans dans les geôles de Sékou Touré, Alpha-Aboulaye “Portos” Diallo, ancien ministre, témoigne :

« Il est à peu près certain que d’autres responsables politiques ont participé aux massacres de 1971 comme membres du peloton d’exécution.
Ancien professeur de philosophie, Mamadi Keita, alors ministre de l’Education nationale et membre du B.P.N., au lendemain de l’exécution de Mme Loffo Camara, disait avec fanfaronade, à qui voulait l’entendre en langue maninka :
« An ka boun han an ka sisi bo a noun n’na »
Traduction : « Nous avons tellement tiré sur eux que nous avons fait sortir la fumée de leur nez. »

Mme. Loffo Camara, membre du Bureau politique et du gouvernement. Mitraillée à bout portant par un peloton d’exécution qui incluait Mamadi Keita, son ancien collègue au BPN et au gouvernement.La cabine technique (salle de torture) du Camp BoiroLa cabine technique (salle de torture) du Camp BoiroLe bureau de Siaka Touré, commandant du Camp Boiro. Les documents officiels et archives de ce centre concentrationnaire ont disparu, privant ainsi la justice des preuves matérielles des crimes commis par le régime.

Aux quatre suppliciés de Conakry, Sékou Touré ajouta des dizaines d’autres condamnés qui furent pendus ou fusillés à Matoto et à travers le pays.

Les exécutés de Conakry expirèrent au bout de la corde que Capitaine Diarra Traoré, futur colonel et Premier ministre, leur passa lui-même au cou.

Dans son livre-témoignage intitulé Dans la Guinée de Sékou Touré : cela a bien eu lieu, Lt-colonel Kaba 41 Camara tente de masquer le nom de Diapra Traoré en l’appellant capitaine Mamady. Mais cette tentative d’anonymat est annulée par l’indication selon laquelle “le capitaine Mamady [était] président du Comité militaire du camp Almamy Samory.”
Tout Guinéen de ma génération peut aisément établir la correspondance entre le pseudonyme “capitaine Mamady” et l’identité de l’officier-bourreau en cette nuit fatidique de janvier 1971. C’était irréfutablement Diarra Traoré.

Et voici comment Lt-colonel Kaba 41 Camara présente le rôle négatif de Diarra Traoré.

Le capitaine Mamady

« Mieux que les deux premiers officiers [Toya Condé et Kolipé Lama], je connais le capitaine Mamady. Je me souviens encore de lui, à l’école d’Enfants de troupe de Saint-Louis, quand il jouait du banjo devant sa chambre d’internat en compagnie de celui qui allait être président du Mali, Moussa Traoré. J’étais tout jeune et les notes de son instrument me restent encore. Je revois le beau et long cou annelé de Moussa Traoré ; son ami Mamady était de contact facile, comique, bon causeur, bon camarade, excellent officier. Je me demande à l’heure où j’écris, comment Sékou a pu transformer cet homme bon en assassin car Mamady est devenu un assassin. Savez-vous, soldats guinéens, que Mamady est à la base de l’élimination de tous les officiers disparus dans les pseudo « complots » de 1969 et de 1971 ?
Vous vous souvenez sans doute que Sékou Touré a introduit la politique dans l’Armée en 1969.
Le premier président de comité fut le capitaine Sékou Kalil Mara
Mamady jouera pour l’éliminer et prendre sa place. Mara se retrouvera à Labé comme commandant du camp. Président de comité, Mamady va servir Sékou avec lequel, par interposition, il a des alliances. Mamady est originaire de Kankan. Il est lié à la famille de Moussa Diakité qui a des alliances avec Sékou, comme on le sait. En outre, civils et militaires, tous ceux qui sont de Kankan sont protégés par Siaka Touré. Et Siaka, après la suppression du 2ème Bureau dans l’Armée, est devenu le patron des services de renseignements de la République. L’homme fort du régime après Fodéba, c’est Siaka Touré. Et Mamady est son ami, pour ne pas dire son frère.

« Les douteux »

Sékou avait donné les pleins pouvoirs aux comités militaires nouvellement créés, dont la plupart des présidents étaient des soldats ou des sous-officiers. Mamady va aider à décimer l’armée guinéenne. C’est lui qui dressera de sa main la liste de tous les « douteux » de l’Armée, qui seront tous arrêtés. En avril 1971, Sékou envoya un document ultraconfidentiel demandant aux fédérations, sections, comités de base, entreprises, enfin à tout l’appareil de l’Etat et du Parti, de faire parvenir au Comité révolutionnaire, la liste des « douteux ». Ce procédé va permettre aux haineux de vider leur venin. Par simple rancune ou jalousie, tout citoyen guinéen pouvait se retrouver à Boiro : quelqu’un a fait la cour, il y a vingt ans, à votre femme et vous avez eu à réagir, eh bien, devenu membre d’un comité du Parti en 1971, ce quelqu’un vous enverra à Boiro ! Quelqu’un a voulu épouser votre fille et vous vous y êtes opposé, il y a de cela dix ans, eh bien, vous êtes « douteux » et fait pour aller à Boiro ! Vous avez soufflé une fille à un membre d’un comité de base, vous devenez « douteux », « douteux » pour la Révolution de Sékou Touré et c’est Boiro ! Les 95 % des dizaines de milliers de Guinéens qui se sont retrouvés à Boiro, c’est pour un problème de femme !
Au sein de l’Armée, Mamady, président du Comité militaire du quartier général du Camp Samory, c’est-à-dire président du Comité du siège du Ministère et de l’Etat-Major, se considéra comme le porte-parole de tous les autres présidents de toute l’Armée.
Puisqu’il y a suprématie du politique sur l’administratif, Sékou ira même jusqu’à désigner les présidents de comité des camps comme adjoints des commandants de ces camps. Je vous ai dit que la plupart de ces présidents étaient des soldats. Ainsi, par exemple, après le capitaine commandant un camp, c’est le caporal président de comité qui a voix au chapitre avant les lieutenants et sous-lieutenants. Mieux, le capitaine doit lui rendre compte de sa gestion.
Je dois dire que les soldats guinéens prirent vite conscience de la situation. Beaucoup ne suivirent pas les nouvelles recommandations qui mettaient officiellement la pagaille dans l’Armée. Mamady, lui, exécuta ces recommandations à la lettre. Devenu l’adjoint du ministre de l’Armée, Sagno Mamady à l’époque, parce que président du comité du Quartier Général, il s’en prit sans aucune retenue à celui-ci.
Sagno refusa que Mamady vérifiât sa gestion. Il y eut un scandale. Une bouche ouverte au niveau des Forces armées eut lieu au Palais du Peuple. Sagno Mamady et le commandant Zoumanigui, commandant de la Gendarmerie, se défendirent en vain : Sékou soutint ses hommes de main contre ceux qui ont contribué à faire de lui ce qu’il est, tel un Sagno Mamady qui a facilité l’adhésion de la région N’Zérékoré au RDA. Vieux militant, intègre, modeste, Sagno Mamady sera pris et mourra à Boiro. »

Général Lansana Conté mit à mort dix-neuf membres et alliés mâles de la famille de l’ancien dictateur. Les exécutions eurent lieu au pied du mont Gangan (Kindia) au même endroit où Sékou Touré fit fusiller des centaines d’accusés innocents.’ src=’http://web.archive.org/web/20150503211155im_/https://www.webguinee.net/blogguinee/wp-content/uploads/2015/01/cinq-maires-pdg-rda-communes-plein-exercice-1956.jpg’ alt=’Les cinq maires PDG-RDA élus à la tête des communes de plein exercice, 1956. De gauche à droite: Nfamara Keita (Kindia), Saifoulaye DIallo (Mamou), Sékou Touré (Conakry), Mamadi Sagno (Nzérékoré), Moriba Magassouba (Kankan). Sékou Touré tua les deux derniers. Nfamara mourut en prison à Kindia en 1986 (?).’ width=’630′ height=’471′>Guinée française, 1956. Les cinq maires PDG-RDA élus à la tête des communes de plein exercice. De gauche à droite: Nfamara Keita (Kindia), Saifoulaye DIallo (Mamou), Sékou Touré (Conakry), Mamadi Sagno (Nzérékoré), Moriba Magassouba (Kankan). Sékou Touré tua les deux derniers. Nfamara mourut en prison à Kindia en 1986. Saifoulaye échappa de justesse au Camp Boiro. Sékou mourut à la clinique de Cleveland, USA. Un an après sa disparition, en juillet 1985, le CMRN dirigé par Général Lansana Conté mit à mort dix-neuf membres et alliés mâles de la famille de l’ancien dictateur. Les exécutions eurent lieu au pied du mont Gangan (Kindia) au même endroit où Sékou Touré fit fusiller des centaines d’accusés innocents.

Tous les accusés de 1971-72 et ceux des “complots” précédents le furent sans preuves. Comble de parodie de justice, ils étaient reconnus coupables dès l’instant où l’accusation tombait. Ensuite, forcés aux aveux compromettants sous la torture, ils étaient « jugés » en leur absence, en violation flagrante de leur droit à la défense, prescrit par la Constitution.

L’Assemblée nationale populaire qui les condamna à mort était extra-judiciaire. Elle n’était pas compétente en matière de prestation de la justice. Cette fonction revient aux magistrats appuyés par les officiers de la police judiciaire. Le rôle de l’Assemblée était de voter les lois et non pas de les appliquer. En conséquence, le tribunal révolutionnaire était illégitime et illégal. L’Histoire enregistre ses sentences comme des violations grossières et des crimes contre l’humanité.

Au lendemain du coup d’Etat du 3 avril 1984, le Comité militaire de libération nationale (CMRN) relaxa les derniers détenus du Goulag Tropical. Il décida la fermeture de cette prison sinistre, située dans l’enceinte du Camp Mamadou Boiro de la Garde républicaine, en face de l’hôpital Donka, quartier Camayenne, à Conakry.

Feignant d’oublier son rôle actif dans le pourrissement de l’armée, Colonel Diarra Traoré, Premier ministre déclara les forces armées étaient devenues “un foutoir.”

Dans le gouvernement qu’il dirigeait, le portefeuille de la justice fut attribué au capitaine Kolipé Lama, un tortionnaire notoire sous la dictature de Sékou Touré

Témoin oculaire de la scène, voici comment Lt-colonel Kaba 41 rapporte la torture de Barry III et Moriba Magassouba en décembre 1970 :

« Le capitaine Zézé [en réalité capitaine Jean Kolipé Lama], qui deviendra ministre dans le gouvernement Diarra Traoré est le chef de la cabine technique à Alpha Yaya. C’est un officier de valeur, comme par ailleurs tous les soldats formés par la France. Zézé est d’apparence affable. Court et trapu, il a l’air bon tout comme Mamady.
A voir tous ces tueurs évoluer dans la société, personne ne peut déceler en eux la bête innommable qui sommeille. Ces gens-là ne savent pas écrire « pitié » à plus forte raison la ressentir. A les voir en besogne, simplement en besogne, on a le vertige.
En visite au Camp Alpha Yaya, Sagno Mamadi et Marcel Bama Mato, respectivement ministre de la défense et de l’intérieur, avaient le vertige. Ceux qui traînaient là, amarrés du cou aux chevilles, étaient leurs frères, leurs collègues, ministres il y a encore une semaine, comme eux. Aujourd’hui, ils sont là, véritables loques humaines aux 3/4 morts de faim et de soif.
Depuis leur arrestation, Magassouba et Barry III, qui se traînent là, n’avaient ni mangé ni bu. Zézé s’amusait et riait. Il avait jeté aux deux hommes une orange non épluchée. C’est la première fois depuis plus d’une semaine qu’ils ont quelque chose qui ressemble à de la nourriture, qu’on peut mettre dans la bouche, qu’on peut avaler. Ils n’en croyaient pas leurs yeux. Mais comment se saisir d’une orange non épluchée, placée à deux mètres environ lorsqu’on n’est pas une limace, lorsque les mâchoires ne répondent plus à la volonté ? Je vous demande d’imaginer la scène car je n’ai pas le coeur de vous la décrire. Je me demande seulement pourquoi le créateur de toute chose a créé le ventre parlant la faim ? Ceux qui se trémoussent là, dans la poussière, après une orange insaisissable, sous les yeux de leurs collègues, furent grands. Ils ont commandé des années durant. Ils ont contribué à la grandeur de la Guinée par son indépendance.
Quelques jours plus tard, après leur avoir arraché la « vérité », ils seront pendus, et la corde leur sera passée au cou par Mamady. »

C’est le même Kolipé Lama qui chargé de transférer Abdoulaye Djibril Barry de Kankan à Conakry. Son seul crime avait été de chercher à rejoindre sa femme, Nadine, et ses enfants en France. Arrêté à la frontière ivoiro-guinéenne il fut mortellement torturé au Camp Soundiata Keita et mourut sur le plancher de la Jeep où les sbires l’avaient jeté.

Dans le premier communiqué radiodiffusé la junte militaire affirma, entre autres, que nul ne serait plus inquiété en Guinée à cause de ses opinions politiques.

Nous verrons qu’il n’en fut rien.

A suivre, Compléter le slogan “Plus jamais ça” et exiger la justice.

Tierno S. Bah

Related posts:

  1. La leçon du Burkina Faso à la GuinéeUne leçon à tirer de l’insurrection populaire qui a fait…
  2. A propos du Musée Virtuel du Camp BoiroLe projet du Musée Virtuel du Camp Boiro est-il faisable…
  3. Pas de réconciliation sans justice – 2015Peut-il y avoir réconciliation sans qu’au préalable la justice soit…
  4. La Guinée et le Burkina Fasoe 1960 à nos jours, quatre phases et huit hommes…

Sous le titre cavalier ”Dadis, cool à Ouaga” Jeune Afrique publie ce 2 janvier 2015, un entrefilet au style cynique et vide de contenu.

Lire l’écrit en bas de page

Au premier chef la formulation du titre est d’une lègereté déplorable. S’agit-il  d’une vedette de cinéma ou d’un rappeur célèbre en villégiature dans la capitale du pays des intègres ? Ou bien d’un ancien putschiste accusé par l’ONU de crimes de sang et de crimes contre l’humanité ?

L’article de Jeune Afrique commence sur un ton gouailleur et une pique narquoise à l’adresse des “détracteurs” de l’ancien chef de la junte militaire guinéenne, responsable du massacre de centaines de citoyens et du viol de dizaines de femmes le 28 septembre 2009. La boucherie fut universellement condamnée. Et le dossier est toujours inscrit au programme de la Cour Pénale Internationale. Cette institution va juger Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé cette année. Et pourtant, Moussa Dadis Camara et les deux Ivoiriens sont sous le coup de la même accusation. A moins qu’on ne fasse du “deux poids deux mesures” Dadis devrait les rejoindre à La Haye pour répondre des crimes dont il est accusé.

En donnant l’impression de narguer les “détracteurs” de Dadis, Jeune Afrique (a) banalise des violations et des crimes  proscrits par la loi, aussi bien divine qu’humaine, (b) normalise l’impunité résultant de la violence et du terrorisme d’Etat.

Or ces deux fléaux ont sévi en Guinée, au Burkina Faso et ailleurs en Afrique. Ils ont coûté au continent un retard énorme.

La confusion de JA

Jeune Afrique fait une confusion entre “détracteurs” et plaigants.

  1. Détracteurs
    Avec son “Dadis show” télévisé, son parjure, sa propension à imiter —maladroitement— Sékou Touré, etc. capitaine Moussa Camara s’était attiré plein de détracteurs en Guinée, en Afrique et à travers le monde. Mais la plupart des personnes de cette catégorie ont rangé et oublié les comédies du petit officier. Depuis son évacuation sur une civière vers Rabat, le monde s’est détourné des pitreries du chef de la junte guinéeenne.
  2. Plaigants
    Par contre depuis 2009, avec l’aide de l’ONU et d’organisations des droits de l’homme (FIDH, OGDH, etc.)  des actions ont été engagées en justice contre Moussa Dadis Camara pour crimes de sang et crimes contre l’humanité. Ces plaigants-là ont des preuves irréfutables, des témoignages solides qu’ils sont prêts à étaler dans un procès. Depuis 2009, Dadis est à la fois suspect et accusé. S’il est vrai qu’il est présumé innocent jusqu’à l’établissement objectif de sa culpabilité, il n’y a aucun doute que les survivants et les familles des morts disposent de faits accablants qui le confondront devant le tribunal.

Corps des victimes du massacre du 28 septembre 2009Corps des victimes du massacre du 28 septembre 2009

Ensuite Jeune Afrique annonce sottement que Dadis “réside toujours dans la capitale burkinabè.” Cela est connu ! Inutile d’enfoncer cette porte ; elle est ouverte. Pas besoin non plus d’ennuyer les lecteurs et lectrices en mentionnant  “le quartier chic de Ouaga 2000.
Cette enclave “de prestige” est la preuve matérielle de l’incurie de la dictature de Blaise Compaoré. Elle est un symbole de l’imsolence et de l’inéquité. Son financement n’a pas réduit la pauvreté du pays. Au contraire, sa construction et le budget de son entretien pèsent sur la situation du Burkinaɓe ordinaire.

L’article commet ensuite une bévue : en effet le rédacteur ramène la fuite de Blaise à un départ volontaire. “Son ancien protecteur a quitté le pays le 31 octobre“, lit-on. C’est ridicule. En réalité, comme on le sait, Compaoré fut chassé par la révolte d’un peuple excédé et exaspéré par les abus, l’injustice, l’impunité et la paupérisation.

Jeune Afrique affirme sans preuve que “pour Michel Kafando, le président de la transition burkinabè, Dadis n’est pas une priorité.” Qu’en sait le journal à ce sujet ? Apparemment rien, puisqu’il ne  fournit aucune pièce à l’appui de son opinion.

En guise de conclusion

Les Guinéens et les défenseurs des droits de l’homme ne demandent pas aux autorités burkinaɓe de prier Dadis “de quitter le territoire.”

Au nom de la solidarité africaine elles doivent traiter le cas Dadis avec le  discernement qu’elles appliquent aux dossiers Thomas Sankara et Norbert Zongo. La Guinée et le Burkina Faso font face ici au même obstacle, c’est-à-dire la recherche de la justice, sans laquelle il n’y a ni démocratie, ni développement.
Fromtières géographiques (artificielles en Afrique), barrières linguistiques et stratifications sociales et économiques divisent le monde. Mais par-delà ces obstacles, l’expérience de l’Humanité est une, et son sort indivisible.
Martyr de la lutte pour l’égalité, le Révérend Martin Luther King, Jr. a tout dit :

Injustice anywhere is a threat to justice everywhere.

Que Messieurs Kafando et Zida ne l’oublient pas.

Tierno S. Bah

Dadis, cool à Ouaga

Ses détracteurs espéraient que Blaise Compaoré, qui lui avait offert l’hospitalité, l’entraînerait dans sa chute, mais ils en ont été pour leurs frais.
Moussa Dadis Camara, l’ancien chef de la junte guinéenne, réside toujours dans la capitale burkinabè.
C’est précisément dans le quartier chic de Ouaga 2000 que réside Moussa Dadis Camara. Son ancien protecteur a quitté le pays le 31 octobre, mais pas lui.
Le 11 décembre, il a même été aperçu lors de la célébration de la fête de l’indépendance du Burkina, à Dédougou (Ouest).
Des associations guinéennes de défense des droits de l’homme continuent pourtant d’exiger qu’il réponde de son implication présumée dans le massacre du 28 septembre 2009, au stade de Conakry.
Mais pour Michel Kafando, le président de la transition burkinabè, Dadis n’est pas une priorité. Il ne l’a donc pas prié de quitter le territoire.

Jeuneafrique.com

Related posts:

  1. La Guinée et le Burkina Fasoe 1960 à nos jours, quatre phases et huit hommes…
  2. La leçon du Burkina Faso à la GuinéeUne leçon à tirer de l’insurrection populaire qui a fait…
  3. Armées africaines, entre prédation et rédemptionLe monde de la défense et de la sécurité s’occupe…
  4. Le Libéral chez le PutschisteUne image vaut mille mots. La photo de la poignée…

My reaction to Peter Pham’s article “Trouble looming in Guinea, and why that matters” is threefold. It consists in a disagreement, an objection and an erratum.

Disagreement: a betrayal rather than a bulwark

The myth of Guinea as a bulwark of peace goes on. In reality history shows that the post-colonial police and terrorist state waged war against the elites and the populations. First, Sékou Touré decimated the former at Camp Boiro. He also launched heinous and genocidal attacks against the Fulɓe, resulting in the death of Telli Diallo —among other falsely accused officials— from starvation in prison. Overall, though, Amnesty International puts at 50,000 the number of victims who died in Guinea’s Gulag, which was scattered around the country. Fleeing the regime, more than 2 million exiles sought refuge in neighboring countries, mainly in Côte d’Ivoire and in Senegal.
Lansana  Conté (1984-2008) applied the same divide and rule strategy. He incited Soussou against Malinke in 1985 with his  despicable “Wo fatara,” i.e. “You have done well.” after his thugs ransacked Malinke properties, brutalized or killed their owners, whom they accused of supporting the (failed) coup d’Etat of former Prime Minister Diarra Traoré

In 1990 General Lansana Conté pitted Forestiers against Malinke, provoking violent incidents that left thousands  of  dead and wounded among Mande in southeastern Guinea.

Externally, instead of urging peace, Lansana Conté meddled in the Sierra Leone and Liberia civil wars. He sided with some warring factions against others, thereby compounding the suffering of internally displaced, asylum seekers and  refugees camps dwellers.

General Conté didn’t expect counter-attacks —nor did he care about them. But the blow-backs happened and they caught his armed forces unprepared. Also, they  found the border towns  exposed. Forecariah, Kissidougou, Macenta and Gueckedou faced rebel incursions, with human casualties and property destruction. Gueckedou —Ebola’s Ground Zero— sustained heavier damages under Guinean artillery pounding. To flush out infiltrated Liberian and Sierra Leone rebels, Conté nearly razed the town to the ground.

In his dying years, Conté handpicked Capt. Moussa Dadis Camara as his  successor. The move was illegal and illegitimate. But the junior officer had proven the cold-blooded killer that Conté wanted. He had been criminally involved in the 2006-2007 bloody repressions that claimed the lives of hundred of civilian protesters against Conté’s dictatorship.

Dadis’ murderous penchant was displayed to the world on Sept. 28, 2009 at the Conakry sports stadium. That fateful day the head of the military junta ordered his troops and ethnic militia to repress a peaceful and joyful mass meeting . There the army and its sidekicks gunned down and hacked to death hundreds of unarmed people. And they raped scores of women in broad daylight.

The successors of Dadis —Sékouba Konaté and Alpha Condé— resorted to the same brutal methods in 2010-2011. They triggered  inter-ethnic tensions that led to civil strife and to  expulsions of Fulɓe residents from Mande towns and villages.…

As we can see,  only superficially can Guinea  be been as a bastion of peace or a beacon of harmony. Otherwise,  historically the country has always endured the plight of war between the state and the populations.

The successive leaders of the republic have  shunned democracy and imposed dictatorship.…

Consequently, Guinea is today a cauldron of corruption, poverty, misery, oppression, repression, arbitrary arrests, torture, death and  impunity.
On the outside it is simmering with injustice. At its core, the embers of frustration, resentment, despair and hopelessness have been burning for more than six decades. And violence flares up any time, from anywhere.
Last year security forces killed nearly 60 participants in peaceful political rallies.
Add to that record, the killings and destruction in July 2013 in Koulé and in NZérékoré,
More recently, last September  in Womé (Nzérékoré), villagers murdered. 8 members of an official Ebola delegation.

  • Read Koulé et N’Zérékoré, les raisons de la violence
  • Ebola. Lynchage d’une mission de sensibilisation
  • Guinea. The Toxic Politics of Ebola

Together, the senseless communal attacks (Koulé) and the criminal act (Womé) express the deep distrust and the marked disjunction between the people and a state that has betrayed them all along.

Conventional thinking and boilerplate writing often result in  recommendations to multilateral organizations and to the state of Guinea as ways and means for tackling the latest crisis. However, the question is: Does Guinea still have (or is) a state? That’s the question?
I could be wrong. But the way I see it, the state has long ceased to exist in Guinea, even in its most basic form and minimal  functions. Instead, a jungle has taken over the country. It imposes force and violence and leaves no place for the rule of law and justice.

Objection: renters, not owners

The article does not name those called the “owners” of mining fields. This may be a slip of the pen (lapsus calami). Actually, BSGR, Rio Tinto, Rusal, Vale, etc. do not own the mines where they plan extract bauxite or iron. They are only the investors and renters. They hold contracts granted by the Government. But the Guinean people is  the real owner of those resources.
Alas, corruption  is so rampant that Guinean negotiators  only look out for handouts and crumbs for themselves.  Once they pocket the meager, ill-gotten proceeds from investors, they do not give a hoot about the miserable daily fate of the citizens. Examples:

  • In 2007, Lansana Conté obtained $20 millions in exchange for the Friguia bauxite mine and alumina plant. In reality, the asset was valued $700 millions on the market.
  • In 2009-10, Beny Steinmetz’ BSGR allegedly spent $150 millions to secure the contract for the Simandou iron ore deposit. He later sold 51 percent of the project to Vale (Brazil) in a deal valued at $2.5 billion.
    Sudanese telecoms billionaire Mo Ibrahim didn’t mince his words: “the Guineans who did that deal”, he said, “were idiots, or criminals, or both?”

Read Poverty in Guinea as mine wrangle stalls bonanza

Erratum

Linguistically, “the third-place finisher,” Sidya Touré, is “a
a member of third-largest ethnic group”, i.e., the Soussou (Sose, proper). But he is ethnically a Jakanke, a branch of the Mande civilization cluster or culture area.
His language, Jakanka, belongs in the same Mande-tan subgroup as Maninka. But Sosokui and Jalonka are members of the Mande-fu subgroup. The two subgroups derive their names from how they say 10 in their base-five numbering system;  in Jalunka and Sosokui it’s the word fu, in Maninkakan and Jakanka, it’s tan

Tierno S. Bah

Related posts:

  1. Ethnicity, democracy and oppositionAfter two years of democracy, how is politically-fractious Guinea faring?…
  2. Pas de réconciliation sans justice – 2015Peut-il y avoir réconciliation sans qu’au préalable la justice soit…
  3. Apocalyptique Alpha !L’usurpation du pouvoir et l’avènement d’Alpha, le 5è dictateur guinéen,…
  4. La Guinée et le Burkina Fasoe 1960 à nos jours, quatre phases et huit hommes…

Une leçon à tirer de l’insurrection populaire qui a fait tomber le régime du président Blaise Compaoré, consiste dans le parallèle entre l’histoire de la Guinée et celle du Burkina Faso. Lire (a) La Guinée et le Burkina Faso, (b) Faso : saut en avant, bond en arrière

Mais les 48 heures écoulées ont annoncé un virage net dans le droit chemin et une série de bonnes nouvelles provenant du Burkina Faso. Ainsi, le Président et le Premier ministre de la Transition ont successivement :

  • accepté la démission, sous pression, du ministre de la culture
  • relevé Général Gilbert Diendéré de ses fonctions

Et aujourd’hui, les dirigeants de Ouagadougou ont lâché la bombe, d’espoir, en annonçant la possibilité de l’extradition de l’ex-président Compaoré du Maroc vers le Burkina. Dissipant pratiquement les doutes qui planaient sur lui, en tant qu’officier supérieur du dicateur déchu, Lieutenant-Colonel Isaac Zida vient de placer son pays sur le bon cap. En mettant l’accent sur “le rôle fondamental de la justice”, le chef du gouvernement redonne vraisemblament  confiance et espoir à ses concitoyens. En signalant le début de la fin de l’impunité, il réhabilite, du coup, les victimes d’hier et de jadis.… Car la justice est la sève nourricière de la démocratie, qui, à son tour, constitue le socle et l’éperon du développement. Sans justice il n’y a pas de démocratie. En l’absence de la démocratie, il ne saurait y a voir de développement inclusif de la majorité des populations d’un pays.

Il faudra bien sûr passer de l’intention à l’acte, des paroles à la réalité. Et la transition sera jugée sur son bilan, non sur ses déclarations. Cela prendra du temps. Mais en attendant un bon et grand pas a été franchi sur la voie de la droiture, de l’équité et de l’intégrité. S’il entame et continue dans cette optique, le Burkina Faso pourra concrèrement et fièrement proclamer son nom de “pays des hommes intègres”.

Extradition et non-extradition ?

Ceci n’est pas la première demande d’extradition d’un président africain en exil . Les précédents sont, entre autres:

  • Le Ghana fit la même démarche en 1966 contre Kwame Nkrumah réfugié à Conakry
  • L’Ouganda, pareillement, à propos d’Idi Amine Dada, en Arabie Saoudite
  • Le Cameroun, au sujet d’Ahmadou Ahidjo  à Dakar
  • Le Tchad, concernant Hissène Habré, vivant au Sénégal

Les autres pays acceptèrent le fait accompli du départ de leur ancien chef d’Etat, sans chercher à engager des poursuites judiciaires.

 La leçon du Faso à la Guinée

La décision, hiere, des dirigeants du Burkina Faso prend une envergure africaine. Elle revêt aussi une dimension extra-territoriale.

  1. Au niveau  multilatéral continental, elle rappelle à l’Afrique la primauté incontournable, la nécessité cardinale de la justice.
  2. Au plan bilatéral, l’officier supérieur —Premier ministre/chef du gouvernement —burkinaBHe donne une leçon au “professeur” et président de la Guinée. Il lui enseigne deux points fondamentaux :
    • la quête de la justice est antérieure et supérieure à tout projet ou commission de “vérité et de réconciliation”
    • le pays est au dessus des individus et des relations personnelles

Lire Pas de réconciliation sans justice

Ainsi, si hier Isaac Zida était un subordonné de Blaise Compaoré, aujourd’hui, en tant que Premier ministre, il donne la priorité au rétablissement de la justice. A commencer par la justiciabilité de son ancien patron.
En Guinée, par contre, Alpha Condé et ses alliés protègent l’ex-capitaine Moussa Dadis Camara, ancien chef d’Etat et maître de la junte meurtirère du CNDD.

Huit jours après leur investiture, de leur propre chef et sans intervention extérieure, les autorités du Burkina Faso affirment “le rôle fondamental de la justice.” Le Président et le Premier ministre s’apprêtent à rouvrir les dossiers Thomas Sankara et Norbert Zongo.

A Conakry, on continue d’ignorer les appels domestiques et internationaux à la justice pour le massacre du 28 septembre 2009.…

Majorité et opposition, dans le même sac

Alpha Condé n’est pas le seul à intérioriser et à reproduire l’idéologie de l’autocratie et de la dictature. Il n’est pas le premier à minimiser et à banaliser l’arrestation arbitraire, la torture, la mise à mort des Guinéens, le viol des femmes et la violation des domiciles par les forces de sécurité.
L’opposition le rejoint, plus ou moins, dans l’acceptation passive et suscpecte, l’appui tacite et déviant, la non-dénonciation et, dès lors, l’acquiescement, le consentement et la reconduction de la corruption, de la répression et de l’impunité.

Cette opposition-là présente, en conséquence, les mêmes fautes, défaillances et travers que la majorité. Par example, au lieu de s’abstenir d’étaler des condoléances politiciennes, elle rivalisa d’ardeur avec le pouvoir pour se présenter au premier rang des visiteurs suite à la mort du fils adoptif de Dadis au Canada, et de sa mère à Nzérékoré.… Sans considération aucune pour la mémoire des victimes de la tuerie du stade. Sans égard, non plus, pour les familles des morts, ou pour les blessés et les violées ayant survécu la barbarie.

Lire NZérékoré. On se lève tous pour Dadis

La semaine dernière, n’ayant rien à dire qu débiter des louanges à la mémoire du bourreau du Camp Boiro, un député de l’UFDG créa un brouhaha à l’Assemblée nationale, déclenché par ses propos sur la prétendue “fierté sous la Guinée Sékou Touré” !

Lire également Le Libéral chez le Putschiste

L’opposition s’agite inlassablement autour du calendrier électoral et des processus juridico-techniques des scrutins à venir. Cependant, il lui reste encore, à ma connaissance, à élaborer une stratégie de lutte contre l’impunité.

Les opposants sont, en général, muets ou tièdes face au passé criminel et au bilan calamiteux de l’Etat  guinéen en matière des droits de l’homme, depuis Sékou Touré jusqu’à Alpha Condé, en passant par  Lansana Conté, Moussa Dadis Camara et Sékouba Konaté.

Nul ne saurait raisonnablement faire reproche aux dirigeants de l’opposition d’avoir occupé la primature sous l’autocratie de Lansana Conté. Mais le bât blesse lorsqu’ils proclament leur fidélité au dictateur, six ans après sa mort. Ils devraient, au contraire, se démarquer du passé en publiant, par example, un programme de gouvernement dans lequel les trois pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire) sont séparés et égaux, et mettant définitivement fin à la suprématie de la Présidence.

Faute d’un tel effort, que l’opposition sache que la dette de sang se paie toujours, tôt ou tard. A preuve, elle plane aujourd’hui sur la tête de Blaise Compaoré, pour l’assassinat de Sankara et de Zongo.

Multipliée par dizaines de milliers, la même dette pèse sur la  Guinée depuis 1984. Elle réclame justice pour les victimes de la tyrannie post-coloniale, au Camp Boiro et après celui-ci. Tant que l’Etat persistera dans (a) la violation, endémique, des droits des citoyens, (b) la négation de ses propres crimes, (c) l’impunité, le pays continuera sa marche à reculons.

 Tierno S. Bah

Related posts:

  1. La Guinée et le Burkina Fasoe 1960 à nos jours, quatre phases et huit hommes…
  2. Armées africaines, entre prédation et rédemptionLe monde de la défense et de la sécurité s’occupe…
  3. Le Libéral chez le PutschisteUne image vaut mille mots. La photo de la poignée…
  4. A propos du Musée Virtuel du Camp BoiroLe projet du Musée Virtuel du Camp Boiro est-il faisable…

Lieutenant-Colonel Isaac Zida. Premier ministre, chef du gouvernement. Ancien commandant-adjoint du Régiment de Sécurité Présdientielle de Blaise Compaoré.

Peut-être le puissant général Diendéré tire-t-il des ficelles en coulisses. Mais le 31 octobre, c’est bien le lieutenant-colonel Zida qui a remplacé Compaoré au sommet de l’État, avant d’être nommé Premier ministre par le président de la transition, Michel Kafando.

Quand il a vu cette masse en treillis équipée d’une discrète paire de lunettes et de fines bacchantes s’adresser à la foule, le 31 octobre, et annoncer la démission de Blaise Compaoré, Roch Marc Christian Kaboré a d’abord été surpris. “C’est qui celui-là ?” s’est-il demandé.

Ce jour-là, l’ancien dauphin putatif de Compaoré passé à l’opposition n’est pas le seul, parmi les milliers de Burkinabè venus réclamer la tête du président, à s’interroger. Certains croient apercevoir le général à la retraite Kouamé Lougué, furtivement plébiscité la veille. D’autres pensent qu’il s’agit du général Honoré Nabéré Traoré, le chef d’état-major. Smockey, lui, se dit que l’homme qu’il a aidé à fendre la foule et qu’il côtoie maintenant sur une estrade improvisée n’est qu’un porte-parole parmi d’autres de l’armée. “Personne ne le connaissait”, assure le leader du Balai citoyen.

Général Gilbert Diendéré, ex-chef d’état-major particulier, ex-commandant du Régiment de la Sécurité Présidentielle de Blaise Compaoré

Quelques heures après ce pronunciamiento, et alors qu’une sourde bataille se jouait en coulisses pour le contrôle de l’armée, l’inconnu de la place de la Nation, vite rebaptisée place de la Révolution, s’adressait à son peuple, via le petit écran, en tant que nouvel homme fort du pays.
Avant d’être nommé Premier ministre le 19 novembre et de former le gouvernement de la transition, Yacouba Isaac Zida signait d’un “chef de l’État” ses décrets et communiqués, et se faisait annoncer en tant que “monsieur le président du Faso” lorsqu’il pénètrait dans une salle.

Un inconnu, Zida ? Pour le grand public, oui. Mais contrairement aux putschistes de sinistre mémoire les plus récents, il n’était pas un capitaine sans prérogatives ni avenir avant sa prise du pouvoir. En tant que numéro deux du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP), la garde prétorienne du président, il était un pion majeur du régime Compaoré. “Il avait toute la confiance du président”, assure-t-on dans l’entourage de ce dernier, tout en ajoutant qu’il l’a toujours…

Un militaire, un vrai

Ceux qui avaient l’habitude de partager le même avion que Compaoré lors de voyages officiels se souviennent de lui, mais sont incapables d’en parler plus de deux minutes.
— Il s’occupait de la sécurité du président. Il était toujours là. Mais ce n’est pas le genre de militaire à qui l’on parle, explique l’un d’eux.
Même les officiers burkinabè les plus aguerris disent très mal le connaître. Il serait “calme”, “serein”, “courageux” et “sans ambitions”. Ce serait, selon un proche de Compaoré, “un bon gars”, “un militaire, un vrai” — quoique d’autres évoquent “des actes d’indiscipline”.

Colonel Denise Auguste Barry. C’est le “cerveau” du groupe, l’homme de réflexion dont Zida ne se sépare jamais. Celui qui fut un éphémère ministre de la Sécurité avant les mutineries de 2011 était depuis trois ans le conseiller du ministre de la Défense (qui n’était autre que Blaise Compaoré). Ex-commandant de l’académie militaire de Pô, c’est le bras droit de Zida.

Le mieux placé pour en parler n’a jamais été un grand bavard — et l’est encore moins ces temps-ci. Le général Gilbert Diendéré, l’homme clé du régime déchu, l’ex-chef d’état-major particulier de Compaoré, le patron du RSP, que l’on soupçonne d’être aujourd’hui le vrai boss du pays, est considéré par plusieurs sources comme le “père militaire” de Zida.
C’est lui, dit-on, qui l’a fait entrer au RSP, qui lui a confié les missions les plus délicates, et qui l’a fait chef de corps adjoint. C’est aussi lui qui, le 30 octobre, en pleine insurrection, l’a dépêché auprès de l’état-major de l’armée pour calmer certaines ardeurs et montrer les muscles du RSP. Lui qui, le lendemain, lui a demandé d’y retourner, d’y annoncer la démission de Compaoré et de prendre le contrôle de la “junte”.

Diendéré est le “grand frère” de Zida (il a 54 ans ; Zida, 49), c’est aussi son cousin (il y a entre eux un lien familial assez flou). Tous deux sont des Mossis de la région de Yako, une ville située à mi-distance entre Ouagadougou et la frontière malienne. Diendéré est né à Song-Naba, Zida à Gomponsom, un chef-lieu de commune.

Sa carrière dans l’armée, Zida la doit non pas à son père (un petit commerçant musulman qui a eu plusieurs femmes et de nombreux enfants), mais à l’un de ses instituteurs qui l’a pris en affection et qui, lors de son affectation loin de Yako, l’a emmené avec lui avant de le faire entrer, à l’âge de 12 ans, au Prytanée militaire de Kadiogo (PMK).

Colonel Boubacar BaColonel Boubacar Ba. C’est l’homme de terrain, chargé des opérations : venu de l’artillerie, il occupait un poste à l’état-major avant la chute de Compaoré, et était un proche du général Honoré Traoré. Plusieurs sources affirment qu’il a appartenu au RSP.

Huit ans plus tard, c’est la révolution. Le PMK est dissous. Zida ne parle pas politique avec ses copains et s’est converti (seul) au protestantisme. Il poursuit ses études dans un lycée public, puis à l’université, où il étudie l’anglais.

Foot, filles et musique

En 1993, le voilà, à 28 ans, de retour sous les drapeaux. Et pas n’importe où : à Pô, à l’Académie militaire qui, chaque année, livre son lot de soldats d’élite à l’armée, et dont Compaoré a fait l’un des socles de son pouvoir. Trois ans plus tard, il entre au RSP. Ses amis d’enfance le perdent de vue. Il enchaîne les formations à l’étranger (au Maroc, dans la fameuse école militaire de Meknès, à Taïwan, ou encore aux États-Unis, où il a suivi en 2012 un stage chez les forces spéciales) et les missions secrètes.

Plusieurs sources affirment qu’il aurait été l’officier de liaison envoyé par Compaoré auprès de Guillaume Soro et des rebelles ivoiriens, en 2002 et les années suivantes. L’entourage de Soro nie, celui de Compaoré un peu moins, tandis que celui de Laurent Gbagbo confirme. Selon des proches de ce dernier, Zida était “l’opérationnel” en 2010, quand les mercenaires burkinabè étaient légion en terre ivoirienne. “Il a joué un rôle majeur”, confirme une source française. Mais la vérité est qu’il ne décidait de rien.

— Notre interlocuteur, indique un conseiller de Soro, c’était Diendéré. Zida, on le connaît parce qu’on le voyait à Kosyam et parce qu’il nous transmettait des messages. Mais avec lui [Zida], on parlait plus foot, filles et musique que stratégie.
Qu’il ait conseillé Soro dans ses choix tactiques ou non n’est après tout qu’un détail. Selon un officier burkinabè, “le simple fait que Zida ait joué un rôle d’intermédiaire entre Soro et Diendéré prouve qu’il a toute la confiance de Gilbert, et donc celle de Blaise”.

Colonel Boureima Farta. Il dirigeait la division des renseignements militaires avant la chute de Compaoré. Aujourd’hui, il est de toutes les négociations – ou presque – avec les composantes de la société burkinabè ainsi qu’avec les médiateurs internationaux.

C’est d’ailleurs à l’issue de la crise ivoirienne (et au lendemain des mutineries de 2011 dans les casernes burkinabè) que Zida a été promu au grade de lieutenant-colonel et est monté dans la hiérarchie du RSP. Il a ensuite enchaîné les missions spéciales. Le chef des services de renseignements d’un pays voisin se souvient l’avoir reçu dans son bureau. Il avait été missionné par Diendéré pour évoquer la sécurité sous-régionale.

Un homme qui doit toute sa carrière au président et à son bras droit, et dont tous ceux qui le connaissent soulignent la “loyauté”, peut-il avoir fomenté un coup contre eux ?
— Impossible, tranche un proche de Compaoré.
– Inenvisageable, assure un officier général. S’il a pris le pouvoir, c’est à la demande de Diendéré, qui savait qu’il ne pouvait pas apparaître en première ligne.
De fait, quand il a fait savoir au général Traoré, dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, que c’est lui, un simple lieutenant-colonel, qui allait mener la transition et qu’il devait maintenant s’éclipser sous peine d’en payer le prix, c’était avec l’assentiment de Diendéré.

Un charisme évident

Mais aujourd’hui, qui peut dire ce qu’il envisage, lui qui a dit à l’un de ses récents interlocuteurs que “ce sont quand les choses se gâtent qu’on les voit” ?
Faut-il voir, dans le fait qu’il s’est entouré d’officiers qui n’ont rien à voir avec le RSP, une volonté de s’émanciper ?
Faut-il donner un sens à la tenue couleur sable — celle de l’armée régulière — qu’il arbore désormais en toutes occasions, au détriment du treillis vert — celui du RSP — qu’il portait sur la place de la Nation ?
Doit-on s’inquiéter de voir, à la tête d’une junte, un homme au charisme évident et à la finesse politique avérée ?

Zida n’est pas un nouveau Thomas Sankara. Il n’en a ni le parcours, ni la vision, ni même l’envie, si l’on se fie à son entourage. Il n’a pas d’antécédents sankaristes, même s’il a montré des gages à la société civile, comme lorsqu’il a proposé de rebaptiser du nom de l’opposant marxiste récemment décédé, Hama Arba Diallo, l’hôpital Blaise-Compaoré.
— Il a fait preuve d’une certaine volonté de changement, souffle-t-on à Paris.

Il n’est pas non plus comparable au Guinéen Moussa Dadis Camara ou au Malien Amadou Haya Sanogo

A l’évidence, sa tête est bien faite et il n’est pas arrivé là où il est aujourd’hui parce qu’il était “sympa” avec les soudards ou parce qu’il fallait bien occuper le fauteuil…

Doit-on alors le comparer à son ancien patron et dire de lui, comme n’a pas hésité à le faire un diplomate en poste à Ouaga, qu’il est “un Compaoré bis” — non pas le président qui semblait intouchable après vingt-sept ans de règne, mais le jeune capitaine timide et peu disert, un second couteau qui avait pris le pouvoir après la mort de son frère Sankara et dont on pensait qu’il ne le garderait pas longtemps ?

Pour l’heure, Zida, qui refuse les tête-à-tête avec les journalistes, est un mystère.
— C’est un homme d’action plus que de parole, expliquent ses proches.
— Il sait ce qu’il veut et où il va, estime un médiateur ouest-africain.
Ceux qui ont eu à le rencontrer au Conseil économique et social, QG improvisé du nouveau pouvoir situé au coeur de la capitale, évoquent un personnage attentif et appliqué. Un technocrate en treillis qui, si l’on en croit le CV très détaillé que distribue généreusement son entourage, parle quatre langues (anglais, français, mooré, dioula) et maîtrise parfaitement Word et Excel.
Un homme désireux de transmettre le pouvoir aux civils et de ne pas s’éterniser en première ligne. Mais pas à n’importe quel prix, comme le prouve sa nomination à la tête du gouvernement.

Rémi Carayol, envoyé spécial
Jeuneafrique.com

Related posts:

  1. Compaoré, Partant. Condé, Perdant !Blaise Compaoré, hôte de Moussa Dadis Camara,  guide et parrain…
  2. La Guinée et le Burkina Fasoe 1960 à nos jours, quatre phases et huit hommes…
  3. Armées africaines, entre prédation et rédemptionLe monde de la défense et de la sécurité s’occupe…
  4. Burkina Faso : version Blaise Compaoré des faitsMarwane Ben Yahmed s’est entretenu avec le président burkinaɓe déchu,…