Depuis janvier 2010, Dadis Camara se la coulait douce à Ouagadougou, dans le rutilant quartier Ouaga 2000. L’hôte de la présidence y faisait oublier ses frasques d’antan et ses coups de gueule homériques, se contentant de répondre à quelques invitations à des manifestations politiques, culturelles ou sportives avec, cerise sur le gâteau, des ovations lorsque sa présence était annoncée.
Moussad Dadis Camara
Mais voilà que l’ancien homme fort de Guinée a été tiré de sa farniente par un juge burkinabè, selon le principe de la commission rogatoire internationale. L’audition a eu lieu le 24 juillet 2014 et a porté sur les événements du 28 septembre 2009.
En rappel, ce jour-là à Conakry, l’opposition avait organisé un meeting dans le stade éponyme du massacre. Des militaires et des gendarmes s’y étaient alors, de manière impromptue, invités. Résultat : au minimum 157 personnes tuées, des femmes violées et traumatisées à vie.
L’ancien patron du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) est entendu en tant que témoin pour le moment, puisque, jusque-là, son nom ne figure pas parmi ceux des acteurs et commanditaires des crimes commis.
Ce qui fait jaser beaucoup d’analystes, surtout qu’au moment des faits, tous les suspects étaient ses proches.
Dans le massacre du 28 septembre 2009, selon les enquêtes de l’ONG américaine Human Rights Watch, les principaux auteurs sont :
- Lieutenant Abubakar «Toumba» Diakité, aide de camp personnel du président Dadis et chef de sa protection rapprochée
- Lieutenant Marcel Kuvugi, assistant de Diakité et occasionnellement chauffeur personnel du chef de la junte militaire
- Colonel (à l’époque colonel) Claude Pivi Togba, ministre chargé de la sécurité présidentielle
- Colonel Moussa Tiégboro Camara, secrétaire d’État chargé de la lutte contre le trafic de drogue et le grand banditisme.
Le président du CNDD à l’époque, Moussa Dadis Camara, a-t-il été mis devant le fait accompli ? A-t-il, au contraire, donné sa caution à cet acte barbare?
Autant de questions dont les réponses sont très attendues par des parents des victimes.
Autre interrogation et pas des moindres : la justice guinéenne ira-t-elle jusqu’au bout pour répondre à ces questions ? On se demande en effet si, en raison du statut d’ancien président du personnage précité et des bonnes relations qui lient Conakry à Ouagadougou, la politique ne s’invitera pas dans ce dossier.
Par ailleurs, ne serait-ce que pour la promesse tenue de l’enfant terrible de la Guinée forestière de ne pas se prononcer sur les questions politiques de son pays depuis sa terre d’exil, ne pourrait-il pas jouir de circonstances atténuantes de la part d’une justice guinéenne qui, souvent, est aux ordres ? Cette appréhension est d’autant plus justifiée que les autorités guinéennes préfèrent un Dadis loin de la Guinée à une inculpation et à un retour de celui-ci au pays qui pourraient réveiller de vieux démons et de vieilles rancœurs.
A moins que les pressions multiples, notamment onusiennes et des ONG de protection des droits humains, ne pèsent particulièrement dans… la balance judiciaire.
Issa K. Barry
L’Observateur Paalga
Note. — Commission rogatoire internationale : Mission donnée par un juge à toute autorité judiciaire relevant d’un autre Etat de procéder en son nom à des mesures d’instruction ou à d’autres actes judiciaires.]
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Massacre de 2009 : démettre les membres du gouvernement accusés et protéger les juges et les victimes
(Nairobi) — Le panel national des juges de la Guinée enquêtant sur le massacre et les viols commis en 2009 dans un stade de la capitale du pays a franchi une étape importante le 28 juin 2013, en accusant un suspect de haut niveau, a déclaré Human Rights Watch mercredi 3 juillet. Étant donné les risques potentiels d’interférence avec l’enquête, le gouvernement devrait placer le suspect en congé et prendre des mesures supplémentaires pour protéger les juges, les témoins et les victimes.
Le suspect, le lieutenant-colonel Claude « Coplan » Pivi, est le ministre guinéen chargé de la sécurité présidentielle, un poste qu’il occupait déjà au moment des crimes de 2009. Selon les médias, Pivi a été inculpé de meurtres, viols, incendies, pillage, destruction d’édifices et complicité. Conformément au droit international, Pivi est présumé innocent jusqu’à ce qu’il soit jugé et reconnu coupable.
« Les juges ont fait un pas important en faveur de la justice pour le massacre et les viols du stade commis en 2009 en portant des accusations contre une autorité influente de haut niveau », a déclaré Elise Keppler, conseillère senior pour la division Justice internationale de Human Rights Watch. « Les autorités guinéennes doivent désormais faire preuve de leur engagement pour la justice en mettant Pivi en congé afin qu’il ne soit pas en mesure d’influencer l’enquête. »
Le 28 juin, Pivi a brièvement comparu devant les juges, qui à cette occasion lui ont notifié que des accusations avaient été portées contre lui. Le 4 juillet, Pivi devrait de nouveau comparaître devant les juges pour interrogatoire.
Human Rights Watch a largement documenté les crimes de 2009 et suivi l’enquête de près. Le 28 septembre 2009, plusieurs centaines de membres des forces de sécurité guinéennes avaient fait irruption dans un stade de la capitale de la Guinée, Conakry, et ouvert le feu sur des dizaines de milliers de partisans de l’opposition qui s’y étaient rassemblés pacifiquement. En fin de journée, au moins 150 Guinéens gisaient morts ou mourants, et des dizaines de femmes avaient subi des violences sexuelles brutales, notamment des viols individuels et collectifs.
Human Rights Watch, une Commission internationale d’enquête soutenue par les Nations Unies, ainsi que d’autres organisations indépendantes de défense des droits humains ont identifié Pivi comme quelqu’un dont le rôle éventuel dans les crimes devrait être étudié.
« Le caractère sensible de l’accusation d’un tel officier de haut rang entraîne un risque accru aussi bien pour les juges que pour les témoins et les victimes », a remarqué Elise Keppler. « Les autorités guinéennes doivent veiller à ce que les juges, les témoins et les victimes soient protégés contre les menaces. »
Le panel de juges a fait d’importants progrès dans l’enquête. Ils ont interrogé plus de 200 victimes et mis en accusation au moins 8 personnes, dont Pivi et d’autres officiers militaires de haut rang.
Parmi les autres accusés figurent le ministre de la Guinée en charge de la lutte contre le trafic de drogue et le crime organisé, le colonel Moussa Tiégboro Camara et le colonel Abdoulaye Chérif Diaby, ministre de la Santé à l’époque. Un autre suspect-clé que les juges ont mis en accusation, le lieutenant Abubakar « Toumba » Diakité, est toujours en fuite.
Toutefois, l’enquête a souffert d’un manque de soutien matériel et de préoccupations concernant la sécurité des juges. Et l’enquête n’est toujours pas conclue près de quatre ans après les faits. Certains suspects ont déjà été en détention préventive plus longtemps que les deux ans autorisés par la loi guinéenne.
En décembre 2012, Human Rights Watch a identifié plusieurs critères clés que le gouvernement guinéen devrait remplir pour soutenir les juges afin qu’ils puissent achever leur enquête. Il s’agit notamment de s’assurer que les juges disposent de ressources et de sécurité adéquates, d’établir un programme de protection des témoins et des victimes, et de traiter une demande adressée depuis deux ans au gouvernement du Burkina Faso visant à interroger l’ancien président de la Guinée, Dadis Camara, qui vit dans ce pays.
Ce rapport de Human Rights Watch a également exhorté le gouvernement à suspendre certains suspects — à savoir le colonel Moussa Tiégboro Camara et le lieutenant-colonel Pivi — de leurs fonctions gouvernementales lorsqu’il existe un risque qu’ils pourraient interférer avec l’enquête. Cela est particulièrement important étant donné le rôle prépondérant que joue l’armée dans la société guinéenne.
Le 14 octobre 2009, le bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a confirmé que la situation en Guinée faisait l’objet d’examen préliminaire — une étape qui peut ou non conduire à l’ouverture d’une enquête. La CPI a suivi de près la situation et a joué un rôle central dans le maintien de l’obligation de rendre des comptes sur l’agenda du gouvernement. Elle a également favorisé les progrès en se rendant régulièrement en Guinée et en s’entretenant avec les médias locaux.
« Les victimes en Guinée sont désespérément en attente de voir la justice rendue pour les crimes odieux commis le 28 septembre 2009 et les jours suivants », a conclu Elise Keppler. « Une enquête et des poursuites justes sont essentielles pour apporter réparation aux victimes et pour donner un signal fort qu’il est mis un terme définitif à l’impunité de longue date pour les abus commis par des membres des services de sécurité. »
Human Rights Watch
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Les dictatures personnelles disparaissent généralement avec leur chef. La Guinée illustre bien ce constat.
L’implosion du régime de Sékou Touré survint une semaine à la mort du “reponsable suprême” le 26 mars 1984.
Quant à Lansana Conté, capitaine Moussa Dadis Camara n’attendit pas que son cadavre refroidisse avant de faire sa maudite irruption sur la scène. Un an plus tard, le voilà hors de Guinée et du Camp Alfa Yaya pour un séjour médical et des lendemains incertains au Maroc. Le Cndd pourra-t-il survivre au départ de son créateur ? J’en doute.
Général Sékouba Konaté
Car 48 heures après l’altercation sanglante et meurtrière entre les deux capitaines —Moussa Dadis Camara et Aboubacar Toumba Diakité—, l’implosion institutionnelle et le vide politique sont palpables en Guinée. Qui décide ? Qui expédie les affaires courantes ? Qui gouverne et dirige ? Autant d’interrogations sans réponses.
Le soi-disant Conseil national pour la démocratie et le développement est décapité. Figurant et marionnette, le pseudo-gouvernement de Kabiné Komara n’a pas de légitimité, son champ d’action est limité et ses moyens inexistants. On en est réduit aux déclarations du capitaine Keletigui Faro, secrétaire général de la présidence, et d’Idrissa Chérif, le bavard, vaniteux et félon ministre de la communication ; ces deux officiels sont les seuls à parler à la presse.
Les Forces vives (partis politiques, syndicats, société civiles) restent muettes sur la situation.
Passons en revue les principaux acteurs de la crise.
Cndd — Moussa Dadis Camara
Cet organe de la junte n’a jamais été une direction collégiale. Tout le pouvoir tournait reposait sur Dadis et tournait autour de lui. Lui parti, le Cndd est déboussolé. Parlant de lui-même, il affirma ne pas être un “con” ! Erreur, il est pire qu’un con, car il est un couard et un poltron. Dadis a commencé à craquer publiquement en confessant son regret amer pour le carnage du 28 septembre 2009. Trop tard, il a beau se prendre pour un démiurge, il ne peut ressusciter les hommes qu’il a fait tués, ou effacer les blessures et les viols infligés. L’eau était versée, il n’avait plus qu’à avoir le ‘courage’ de ses actes odieux. Mais non, le petit capitaine a paniqué et a chercher à culpabiliser son entourage. Il a parié et perdu. Car contrairement au 23 décembre 2008, il s’est retrouvé sur une civière et dans une ambulance. Ajourd’hui, plus près de la mort que de la vie —je l’espère— il traine sa menue et misérable carcasse au Maroc, l’état protecteur et receleur des trois dictateurs guinéens
Général Mamadouba Toto Camara. Présenté comme le no. 2 de la junte, sa réputation est surfaite. Pis, il s’est révélé un officier falot, dépassé et diminué. On se souvient de la scène où il voulut jouer publiquement un rôle de conseiller en demandant à Dadis d’être prudent et de se méfier des narcotrafiquants qui pourraient tenter quelque chose. Mal lui en prit. Dadis l’humilia séance tenante. Ensuite ce fut la dispute entre le général-ministre Toto et la garde rapprochée de Dadis. Conséquence : une bastonnade en règle du général, qui fut abandonné semi conscient par ses assaillants ; ses gardes affolés s’enfuirent, le laissant à son sort au bord de la rue. Curieux destin que celui de cet officier que l’on présentait naguère comme l’une des têtes pensantes de l’armée guinéenne. Quiconque a inventé le curriculum vitae brillant du général s’est magistralement trompé. En effet, il y a quelques années, colonel Toto militait dans le parti de Sidya Touré. Lansana Conté ordonna son arrestation. Après des mois de détention, Conté se rendit en personne au Camp Alfa Yaya pour le libérer. Les deux hommes passèrent presque toute une journée à parler sans témoin. Depuis lors, la dégringolade du colonel Toto continue. Il cautionna l’élimination des officiers supérieurs et généraux Fulbe —par retraite anticipée et éloignement des postes stratégiques. Il reçut une ‘récompense’ et fut nommé attaché militaire à l’Ambassade de Guinée à Washington. Peu avant la mort de Conté, il quitta son poste américain pour regagner Conakry. Et le 23 décembre, toute honte bue, lui, un général, il s’effaça devant le bouillant et cinglé capitaine, et se plia aux ordres de Dadis.
En dépit de ces erreurs monumentales (affiliation politique, renonciation personnelle au profit d’un gradé inférieur), général Toto semble bénéficier du soutien du département d’Etat américain… Mais en Guinée, il perdu la base et le support dans l’armée et dans la société. Aujourd’hui, son sort est indissociable de celui de Dadis.
Sékouba Konaté, no. 3 de la junte, parait plus énigmatique. Mais là aussi la montagne accouche d’une souris et non d’un éléphant. Après avoir guerroyé, dit-on, au Libéria, général Konaté est aujourd’hui un homme plus pressé de s’enrichir que de diriger ce qui reste de l’armée ou de l’état de Guinée. Les combines et les marchés louches sont devenus sa spécialité. Il passe le plus clair de son temps à voyager et il a des rapports méfiants et défiants avec tous ceux qui ne relèvent de son bataillon ou régiment de parachutistes. Métis libano-maninka, il serait actuellement en visite chez ses oncles maternels du pays du cèdre (le Liban). Comme quoi les sanctions sur les restriction de voyage par l’UE et de l’UA n’ont pas d’effet sur la junte. Son état de santé peu reluisant alimente la rumeur publique et les colonnes de journaux de Conakry. Mais c’est son raisonnement qui permet de mieux jauger cet homme : il recommanda une fois aux chefs de quartier de gérer les affaires comme au temps de Sékou Touré, en matière de sécurité ou de régulation commerciale!!
Commandant Tiegboro Camara, chargé de la lutte contre le trafic de la drogue et le grand banditisme, c’était l’œil et le bras armé de Dadis. Blessé au Camp “Koundara” avec son patron, il est hospitalisé avec lui à l’hôpital militaire Riyad de Rabat.
Capitaine Pivi ‘Coplan’ Togba s’imposa à Dadis et obtint le titre de ministre de la sécurité présidentielle. Cela n’empêcha pas le chef de la junte de l’isoler et, lui, de prendre ses distances. Au point que le 28 septembre 2009, Pivi était absent de la scène du crime. Ce furent les inconditionnels de Dadis (Toumba Diakité et Tiegboro Camara) qui se chargèrent du massacre. Depuis l’attentat du 3 décembre, Pivi brille par son absence et son inertie dans la chasse au “fugitif” Toumba Diakité.
Premier ministre Komara Kabine
Kabiné Komara, ce premier ministre de façade est rattrapé par son passé. A la fin des années 1980, en tant que directeur du Budget d’investissement public au ministère de l’économie et des finances, il fut l’un des initiateurs de Lansana Conté à certaines pratiques prédatrices des recettes de l’Etat…
Dirigée alors par Somparé, l’ethnocratie soso l’évinça au profit d’Ibrahima Kassory Fofana, qui accéléra le pillage des finances publiques. Depuis janvier dernier, Komara a quitté l’Eximbank du Caire et est revenu au bercail. Il y sert de prête-nom et de marionnette à un fou et coiffe un gouvernement dysfonctionnel. Au lieu d’imiter les ministres démissionnaires, il préfère avaler les couleuvres que la junte lui jette au quotidien.
Les Forces vives
Par son silence étrange, cette coalition hétéroclite prouve qu’elle ne voit pas plus loin que le bout de son nez et qu’elle est plus anti-Dadis que préparée, à travers un plan d’action solide, à prendre la relève des militaires.
Une fois Dadis écarté de la scène, l’égoisme et l’égocentrisme refont surface et chacun cherche à se positionner, en ne faisant ou ne disant rien.
J’y reviendrai.
Tierno S. Bah
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